L’ex-chef de l’Etat s’est appesanti sur les faits qui lui sont reprochés. Il a balayé du revers de la main les accusations de braquage de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) portées contre lui. Il a dit reconnaître avoir fait main basse sur la représentation de la BCEAO à Abidjan, parce que la communauté internationale avait, à l’époque, coupé toute possibilité à la Côte d’Ivoire, de renflouer ses caisses depuis la maison mère de la BCEAO à Dakar.
« L’UEMOA, c‘est la Côte d’Ivoire. 40% de ce que gagne l’UEMOA, c’est grâce à la Côte d’Ivoire. J’ai donc dit que ce n’était pas possible et j’ai coupé le pont avec Dakar. Et j’ai pris la succursale de la BCEAO en Côte d’Ivoire comme notre banque centrale. De ce fait, tout ce que nous gagnons était mis directement dans notre propre banque centrale. Et c’est donc avec ce système que nous avons continué à payer nos fonctionnaires », a-t-il expliqué. Et d’insister : « Oui, j’ai quitté Dakar et érigé notre succursale de la BCEAO en banque centrale ». Le disant, il se pose en héros, parvenu à contourner les sanctions de la communauté internationale en « nationalisant » la représentation nationale de la BCEAO. Par là même, l’ex-chef de l’Etat avoue son crime, car c’est justement ce qui lui est reproché et qui lui vaut d’avoir été condamné à 20 ans de prison pour braquage de la BCEAO.
En effet, à l’époque des faits, il était considéré par la communauté internationale comme le perdant de la présidentielle de 2010 et donc, n’était plus fondé à diriger le pays et partant, à avoir accès aux fonds de la Côte d’Ivoire via la BCEAO. D’où, le verrouillage destiné à l’empêcher d’y accéder. C’est pour contourner ces difficultés, que Gbagbo a instruit son ministre du Budget de l’époque, Koné Katinan, d’entrer par effraction dans les locaux de la succursale de la BCEAO à Abidjan pour en prendre possession et « couper le pont avec Dakar », comme il dit. En agissant ainsi, ils se sont rendus coupables de vol, entendu comme le fait de « s’emparer, le plus souvent sans droit, de ce qui peut être considéré comme appartenant à autrui ». C’est cette idée de vol qu’induit le mot braquage de la BCEAO ou casse de la BCEAO, en sous-entendant que les émissaires de l’ancien chef de l’Etat qui s’étaient déportés sur les lieux, y sont entrés par effraction.
On peut d’autant plus parler de vol parce que la BCEAO est le bien commun de huit États et donc la Côte d’Ivoire, fut-elle la locomotive de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), ne saurait en user comme sa propriété privée. En décidant unilatéralement de « couper le pont avec Dakar pour (prendre) la succursale de la BCEAO en Côte d’Ivoire comme notre banque central », Gbagbo s’est rendu coupable d’infraction à la règlementation régissant le fonctionnement de cette banque commune à huit États. A la manière d’un État voyou.
Une attitude qu’il a reconduite en admettant avoir « nationalisé » trois banques étrangères, la BICICI, la SGBCI et la SIB. A ce sujet, voici ce qu’il a confessé : « Un matin, nous venons en Conseil des ministres, on nous apprend que la BICICI, la SGBCI et la SIB ont fermé et que les dirigeants sont partis en vacances en France. J’ai dit : « Han bon ! J’ai procédé immédiatement à la nationalisation de ces banques. Les Ivoiriens qui travaillaient, je les ai fait revenir et ils étaient tous contents et enthousiastes. Ils ont ouvert les portes et nous avons travaillé (…) Et nous avons procédé au paiement des salaires des fonctionnaires ». C’est là assurément un autre aveu de crime économique. Car, en faisant rouvrir ces banques privées pour les faire tourner en l’absence de leurs propriétaires légaux, Gbagbo s’est simplement livré à un casse et partant, à un braquage digne des États voyous.
Assane Niada