Au cours d’une prise de parole publique, Laurent Gbagbo a soutenu qu’il n’avait emprisonné personne quand il présidait aux destinées de la Côte d’Ivoire. « On arrête, on arrête ! Gouverner, ce n’est pas arrêter des gens ! Gouverner, ce n’est pas mettre les gens en prison ! Moi, j’ai fait dix ans comme président de la République, je n’ai pas mis une seule personne en prison, parce que ça ne sert à rien », a-t-il martelé devant un auditoire, quelque peu amusé par ces propos lâchés sur un ton plutôt relâché.
Des adversaires politiques bel et bien arrêtés sous Gbagbo
Le disant, il fustigeait ainsi l’arrestation de personnes supposées proches de l’opposition, dont le dernier cas en date est celle du cyberactiviste Steve Biko. Et pour montrer qu’il n’a jamais privilégié l’arrestation de ses adversaires politiques, il a ajouté : « Qui n’a jamais été insulté ? Nous tous, on nous insulte tous les jours. Sur Facebook, on nous insulte tous les jours, mais on ne dit rien. Je vous ai dit que moi, si quelqu’un m’insulte, au lieu de le mettre en prison, je l’insulte aussi et je continue mon chemin ».
Ces propos de l’ex-chef de l’État jurent pourtant avec les réalités qu’il a été donné de voir du temps où il était à la tête du pays. En effet, durant la décennie 2000-2010, le pouvoir Gbagbo a fait arrêter des citoyens soupçonnés proches du Rassemblement des Républicains (RDR), le parti dirigé alors par Alassane Ouattara. C’est d’ailleurs, le jour où devaient être libérés certains parmi eux, qui étaient détenus à la Sûreté nationale au Plateau, que le journaliste français Jean Hélène, a été abattu, en 2003. Par ailleurs, en mars 2009, l’ex-président du MFA, Anaky Kobenan, avait été arrêté et détenu pendant un moment à la Direction de la surveillance du territoire (DST), pour disait-on, des propos séditieux. A l’époque, son parti, le MFA, faisait partie d’une coalition de partis de l’opposition auquel appartenait le RDR d’Alassane Ouattara. Ces arrestations viennent montrer que Laurent Gbagbo dit des contrevérités, quand il soutient qu’il n’a jamais mis aucun adversaire politique en prison lorsqu’il était au pouvoir.
Tuer plutôt qu’emprisonner
Encore qu’à l’époque où il était aux commandes de l’État, c’était un immense privilège que d’être incarcéré. Car, nombre de personnes étiquetées comme étant ses adversaires politiques, ont plutôt été liquidées purement et simplement. On ne compte pas le nombre de citoyens que des ultras de la galaxie pro-Gbagbo ont fait passer de vie à trépas, parce que perçus comme proches d’Alassane Ouattara ou du camp auquel celui-ci appartenait à cette époque. Le colonel Adama Dosso, le général Robert Guéi et son épouse Rose Doudou, Camara Yéréfê dit H, Téhé Emile, etc. Autant de fils et filles de ce pays dont la vie a été ôtée par les hommes de Gbagbo et qui auraient aimé être arrêtés et jetés en prison avec l’espoir d’en sortir un jour pour reprendre le cours normal de leur vie, comme Laurent Gbagbo lui-même et nombre des barons de son défunt régime, qui ont retrouvé leur train-train quotidien après la triste parenthèse de la prison.
Autre fait dénoncé par le leader du Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI), c’est le fait que la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) ait été rebaptisé Pôle Pénitentiaire d’Abidjan (PPA). « Donc, je m’insurge, notre parti s’insurge contre toutes ces arrestations qui se font sans normes ni règles. A tel point que la MACA d’Abidjan, ils ont nommé ça le PPA, Port pénitentiaire d’Abidjan, c’est-à-dire que c’est nous qui allons remplir ça. J’aime beaucoup l’humour, mais quand l’humour est noir comme ça, c’est trop triste », s’est-il indigné. Par ces mots, l’ex-chef de l’État entretient insidieusement un amalgame entre la nouvelle dénomination de la MACA et le nom de son nouveau parti, laissant ainsi sous-entendre que c’est à dessein que le pouvoir Ouattara a baptisé ainsi l’ex-MACA pour tourner en dérision, le nom PPA-CI. Aussi s’offusque-t-il en disant : « J’aime beaucoup l’humour mais quand l’humour est noir comme ça c’est trop triste ». Ces propos de l’ex-chef de l’État auraient prêté à rire parce que rappelant des potins de l’ex-Sorbonne du Plateau, s’ils ne prêtaient au Gouvernement, l’intention de créer une sorte de lien métonymique entre la prison dénommée PPA et le PPA-CI. Il n’en est rien, évidemment.
Assane Niada