Au sortir de ce Bureau politique, qui s’annonçait comme celui au cours duquel devaient tomber certaines décisions fortes, Bédié a réussi le tour de force de détourner l’attention des militants du PDCI des questions qui les préoccupent au plus haut point. Au nombre de celles-ci, la tenue du congrès avant la fin de cette année, comme initialement prévu pour 2022, ou encore les dissensions internes consécutives à la multiplication des structures, dont les unes marchent sur les plates-bandes des autres. Tel un gourou, il a enfumé l’auditoire de propos critiques, à l’égard du pouvoir et surtout, de satisfécit qu’il s’est décerné pour avoir créé une foultitude d’instances du PDCI fonctionnant « bien ». Un discours pour le moins populiste destiné à détourner le regard de ses militants des questions d’importance comme le 13e congrès ordinaire, initialement prévu pour courant 2022, et qui a été subtilement reporté à la saint-glinglin.
En effet, au cours du Bureau politique tenu le 18 octobre 2021, il avait été décidé que le 13e congrès ordinaire de ce parti se tienne courant 2022. À l’évidence, ce congrès n’aura pas lieu cette année. Puisqu’en lieu et place de la confirmation de la tenue de cet événement avant la fin de l’année, c’est plutôt un autre Bureau politique qui a été annoncé pour avoir lieu avant le 15 décembre 2022. Bédié aura donc réussi à repousser cet important rendez-vous à l’occasion duquel devrait se dessiner le profil du candidat du PDCI dans la perspective de la présidentielle de 2025. Mais le leader du parti sexagénaire a préféré botter en touche. Le temps sans doute de bien peaufiner la stratégie visant à arbitrer la guerre de positionnement entre les putatifs présidentiables, qui déchire son parti.
Les dessous du discours populiste
Le PDCI est, en effet, en proie à des dissensions internes entre des cadres visant à avoir le contrôle, sinon, du parti, du moins d’un pan, dans la perspective de la présidentielle de 2025. Loin de dissiper cette guerre de positionnement, les multiples instances du parti, mises sur pied par Bédié, ont plutôt creusé davantage, le fossé entre des têtes fortes bombardées à la tête de ces structures. C’est un truisme de dire que le torchon brûle entre des cadres comme Maurice Kacou Guikahué, le secrétaire exécutif en chef, Allah Kouadio Remi, président du Comité politique du PDCI et Bernard Ehouman, le directeur de cabinet de Bédié, Jean-Louis Billon, membre du secrétariat exécutif. Le méli-mélo des prérogatives qui a engendré la création de multiples structures, a fini par installer une atmosphère où les uns et les autres se marchent sur les pieds. D’où, cette guéguerre qui a plongé le parti dans une atmosphère délétère depuis quelque temps.
Au lieu de rappeler à l’ordre les différents acteurs dans un passage du communiqué final ayant sanctionné le dernier Bureau politique, Bédié a préféré faire croire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Il a salué « le riche bilan » réalisé par les nombreuses structures créées pour reporter à chaque fois, le choc des ambitions. En conséquence, il s’est félicité de « la bonne marche du parti » et mis en évidence, « les importants progrès réalisés ». De quel « riche bilan » parle donc Bédié ? Quels sont donc ces « progrès réalisés » ? En dépit de la démultiplication des structures, le PDCI perd de plus en plus du terrain, comme en témoignent les récents résultats des partielles des élections législatives et locales, notamment sa défaite aux municipales, dans son bastion de Bodokro. Sans compter que depuis 1995, ce parti n’a plus remporté d’élection présidentielle et donc, ronge ses freins dans l’opposition. Est-ce cela un « riche bilan » ? Par ailleurs, comment Bédié peut-il se satisfaire de « l’amélioration de la communication et de l’image de (son) parti… », alors qu’il bruit de récriminations et mouvements d’humeurs de militants et barons dont le président du Comité des sages, Cheikna Sylla ?
Plutôt que de se préoccuper de ces soucis internes, le président du PDCI a préféré se fendre de propos populistes en reprenant à son compte, les rumeurs et lieux communs répandus par le commun des mortels, au sujet de l’endettement de la Côte d’Ivoire ou du taux de pauvreté dans le pays. Là où la Banque Mondiale parle d’un taux de pauvreté qui se situe autour de 39,4% en 2020 (il était de 46, 3% en 2015), Bédié, lui, avance le chiffre de 67% sans la moindre preuve. Comme le ferait autrefois le citoyen lambda dans un « agora et parlement ». On est là, assurément, en plein discours populiste.