L’État ivoirien n’a pas lésiné sur les moyens à l’occasion de la Semaine de la sécurité routière qui s’est étendue du 03 mars au 10 mars 2023. Pour joindre l’ultime à l’agréable, le ministre Amadou Koné et ses collaborateurs ont approché des hommes et femmes de référence pour passer le message de la prudence. Ces témoignages sont édifiants et appellent à une prise de conscience collective. La ministre de la Fonction publique, Anne Désirée Ouloto, qui a été témoin d’un fait en 2000, l’a porté à la connaissance de tous. Ce jour-là, elle a vécu une situation « dramatique » qu’elle n’est pas en mesure d’oublier de sitôt. « Les accidents, je n’avais pas connu et je ne savais pas ce que c’était et surtout ce que cela pouvait avoir comme conséquences dramatiques sur les familles, l’avenir des familles et des enfants ».
C’était en 2000. La ministre de la Fonction publique raconte son histoire qui a eu lieu au volant de sa voiture en partance pour des obsèques avec des proches dans une ville à l’Ouest du pays. À cette époque, l’axe Tiassalé, Divo et Lakota était très étroit et dans un état de dégradation très avancé. Ce qui exigeait des conducteurs, beaucoup de prudence. « Dans la file derrière nous, nous avions un monsieur au volant de son véhicule qui était très impatient, il klaxonnait, faisait des jeux de phare. Je le trouvais un peu excité et nous étions un peu agacés. On se demandait où est-ce qu’il allait à cette allure sur une voie si étroite qu’on avait du mal à aller à 60, 70 Km/h. Finalement agacés, nous nous sommes rangés sur le côté et je l’ai laissé passer », a-t-elle confié.
Le chauffeur brûlant d’impatience, il ne savait pas qu’il venait de signer son arrêt de mort. « Il allait à vive allure (…) une quarantaine de minutes plus tard », s’est souvenue la ministre Anne Ouloto. À peine quelque distance parcourue, vers Lakota, la circulation était au ralenti, nous sommes tombés sur un embouteillage avec des véhicules, la circulation fermée. Qu’est-ce qui se passe ? Nous finissons par descendre de notre véhicule. On nous apprend qu’il y a un accident de la circulation. Mais tenez-vous bien, c’était ce monsieur qui roulait à vive allure, qui était impatient, qui s’est retrouvé malheureusement dans un ravin avec tous les passagers de son véhicule, une dame et deux enfants était-ce un couple ? Le véhicule complètement broyé qui avait rencontré un grumier. (…) Sa vie venait de prendre fin, ainsi que celles de tous ceux qui lui ont fait confiance. Nous étions tous dans la tristesse, nous avons pleuré sans les connaître. J’ai eu vraiment mal. La question qui me revenait, était de savoir qu’il aurait pu éviter cet accident. Je crois que oui en respectant le code de la route », a-t-elle confié avec amertume.
Le pire évité de justice
De son côté, l’artiste chanteur DJ Kerozen, revenant à des faits d’incivisme routier, a presque supplié les usagers de la route à faire de leur mieux pour éviter les accidents de la circulation. « Ce jour-là, on revenait de Yamoussoukro après une campagne pour notre légende Didier Drogba. À un moment donné, on a garé dans un petit village pour prendre des fruits, des légumes… On avait également du pain dans la voiture que nous partageâmes avec les populations. L’ambiance était bonne. On a causé avec les mamans… On a repris le chemin pour Abidjan. Un moment j’attends boom. Ce jour-là, si je n’avais pas mis ma ceinture de sécurité, aujourd’hui, je ne serai plus de ce monde », a-t-il rappelé. Poursuivant, l’auteur des titres à succès « ma vie a changé », « aller dire » …, a fait savoir qu’on l’a informé des heures après le drame, que les freins d’un gros camion avaient lâché. « Les gars, mettez vos ceintures de sécurité, c’est obligatoire. Que tu sois assis devant, que ce soit un court ou long trajet, mets ta ceinture de sécurité », a insisté Dj Kerozen.
La méga star de la musique reggae, Alpha Blondy, a également témoigné de la situation qui a failli lui ôter la vie, n’eût été l’intervention d’un agent des Forces de sécurité et de défense. Le père de « Bintou wêrê wêrê » qui informait qu’il venait d’acquérir un véhicule « Jaguar » a bord duquel se trouvaient ses enfants, avait décidé de faire un tour à Assinie. « Nous voilà partis, j’étais à fond dans la caisse entre 180 et 200 Km / h et on tombe sur la gendarmerie. J’étais tellement en vitesse que le gendarme a dû fuir pour ne pas à se faire renverser. Et moi, j’ai mis une distance de 100 m pour stopper l’engin. Je suis revenu en marche arrière et le gendarme de me dire ah ! Jagger c’est toi ! Je lui ai dit mon frère pardon comme on va à Assinie. Il dit non Jagger pas ça ! Je lui tends 10 000 FCFA, il me dit je ne prends pas parce que si je prends, ça veut que je ne t’aime pas », a-t-il relaté. De cette amère expérience, Alpha Blondy dit avoir tiré des leçons. Et depuis ce jour, il a dit s’être donné les moyens pour ne plus tomber dans la vitesse.
Quand les accidents ont suscité de tragique séparation
Il y a 14 ans, un drame a coûté la vie à de proches collaborateurs du ministre des Transports, Amadou Koné. L’histoire d’un tragique accident de la route qu’il a partagé pour interpeller à son niveau, plus d’un. « Le 17 août 2009, nous étions à Korhogo avec un certain nombre de collaborateurs pour un certain nombre d’activités dans le cadre familial. Nous sommes arrivés le 15 août et le même jour au soir, mon chef de protocole et le photographe sont venus me voir pour dire qu’ils souhaitaient me rencontrer. Ils sont passés me voir le 16 août, pour me dire qu’ils souhaitaient revenir à Abidjan », a-t-il briefé.
D’un air peiné, Amadou Koné laisse entendre qu’il n’était d’accord pour cette proposition de ces proches, puisqu’ils en avaient tous pour une semaine. Mais ces derniers, lui ont fait savoir que le dimanche 17 août 2009, à 18 h, ils devaient être dans la famille de l’un d’entre eux, précisément chez celle du photographe, en vue de demander la main de sa fiancée. Le membre du gouvernement a mentionné que des heures après, son téléphone portable sonne avec insistance. « Je reçois un coup de fil du ministre d’État, ministre de l’Agriculture d’alors, le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly qui séjournait aussi à Korhogo (…) qui me dit qu’il y a quelque chose de grave qui venait de se passer. Tes collaborateurs ont fait un accident, mais il parait que c’est grave. (…) Je décide de me rendre sur le terrain, parce que c’étaient des gens qui m’étaient très chers. J’arrive sur le lieu de l’accident quand j’ai vu les véhicules qui étaient garés, il y a en avait 03. Un gros camion qui était en panne mal stationné, un autre camion venait en sens inverse et le 3e véhicule de mes collaborateurs, avait percuté celui était garé. Quand j’ai vu l’état du véhicule, je me suis dit qu’on était dans le pire. Je me suis rendu à la morgue de l’hôpital de Katiola où je découvre mes deux collaborateurs dans un état que je n’ai jamais oublié jusqu’aujourd’hui. De multiples fractures, l’un d’entre eux éventré », a-t-il rajouté. Le patron des Transports a indiqué que l’état des victimes de cet accident l’on amené à comprendre qu’il faut éviter la vitesse et que les gros camions doivent éviter de stationner.
Des victimes expliquent leur calvaire
Plusieurs autres campagnes de sensibilisation sur la sécurité routière telles que « Stop à l’incivisme », ont aussi permis au Père Norbert Éric Abékan, de toucher la sensibilité des conducteurs indélicats. Cet homme de Dieu a tiré la sonnette d’alarme pour dire qu’en 2020, il y a eu plus de 12 870 victimes sur les routes de Côte d’Ivoire. Son interpellation est suivie du témoignage d’une victime nommée d’un accident de la route en 2015. Celle-ci qui se prénomme Nicole Kouamé qui a perdu la vue, explique sa mésaventure. « J’étais sur le trottoir pour attendre quelqu’un et un taxi compteur est venu me percuter. J’ai été blessée au pied et le nerf a été touché. Pendant une semaine, je ne sentais plus mes pieds. Et depuis lors, je sens encore les séquelles. Et je n’ose plus sortir seule, de peur d’être encore victime des accidents de la route », a-t-elle déclaré.
Pour le Curé de la paroisse St jacques des II plateaux, ces actes d’incivisme doivent cesser et nous devons sauver des vies. Il a appelé à dire « stop à l’incivisme sur la route ». L’Iman Cissé Djiguiba a souligné qu’en 2020 en Côte d’Ivoire, 28% des accidents de la circulation ont été dus au défaut de maîtrise de véhicule. C’est le cas de Rokya Cissé, une accidentée de 2012. « J’ai eu un accident à l’âge de 8 ans en quittant Treichville pour la maison. Le gbaka s’est renversé et j’ai eu le pied cassé. J’ai subi 04 opérations et j’ai eu des blessures au visage et à l’épaule. Depuis lors, je ne me suis pas encore remise avec mon pied », a-t-elle retracé. Et le guide religieux musulman de s’empresser de dire que « nous ne pouvons plus accepter cela. La vie est chère, elle est sacrée », « sauvons des vies, respectons le code de la route. Stop à l’incivisme sur la route », a clamé l’Iman Cissé Djiguiba.
Notons qu’en rapport avec les agissements de conducteurs maladroits, l’État ne lâche pas prise. L’une des mesures, le permis à points, est entrée en vigueur le 1er mars 2023.
Venance Kokora