Société

Reportage/Infrastructures routières, eau potable : Kossou dans l’abandon

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Kossou, une belle cité qui offre un spectacle de toute beauté de par son relief et sa végétation. Une madone aux traits incroyablement paisibles accueille le visiteur à l’entrée de la digue. Son barrage hydroélectrique construit en 1970 sur le Bandama blanc, est le premier grand ouvrage hydraulique de la Côte d’Ivoire. Derrière ce beau paysage, se cache une triste réalité. Le périple de l’envoyé spécial de L’Avenir au cœur de cette cité perdue, nous dévoile cette facette cachée.

Il est 17h ce samedi 3 décembre 2022, lorsque nous posons nos valises à la gare routière de Yamoussoukro pour nous rendre dans la cité de l’or, Kossou, située à 267 Km d’Abidjan et à 31 km de la capitale politique Yamoussoukro.

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Vite, un chauffeur de taxi-brousse nous interpelle : « Messieurs, où partez-vous ? ». Sans hésiter, nous lui répondons : « Kossou ! ». « Montez », nous dit-il. C’est un véhicule ordinaire dans lequel, normalement, quatre passagers peuvent avoir des places assises. Grande fut notre surprise de constater que nous devons être six passagers dans ce véhicule qui roule au gaz butane. À l’impossible nul n’est tenu, dit-on. Le visage renfrogné, nous embarquons quand même dans ce véhicule qui est loin d’être en règle par rapport à la visite technique.

Voie impraticable 

Et nous voici sur l’axe Yamoussoukro-Bouaflé. Malgré la surcharge, nous passons tranquillement au poste de contrôle de Zatta sans entendre le moindre coup de sifflet. À Toumbokro, nous devons quitter la nationale A3 pour Kossou. À peine nous avons pris la voie à droite que le chauffeur nous demande de monter les vitres. Choqué, nous lui répondons : « En plus d’être dans une boîte de sardines, vous nous demander de monter les vitres ». Il n’eut pas le temps de me répondre que j’ai tout de suite compris le pourquoi.

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En effet, la voie menant à Kossou à partir de Toumbokro est dans un état de dégradation très avancée. Il est pratiquement impossible de soupçonner que cette voie a jadis reçu du bitume. La poussière qui a envahi le paysage, nous empêche de voir devant. Monter les vitres est une technique pour éviter que tous les vêtements ne soient couverts de poussière.

La dégradation est tellement à son paroxysme que cette distance d’un peu plus d’une quinzaine de kilomètres, est parcourue en plus de 30 minutes à moto, voire plus en voiture. Ce qui fait que se rendre à Yamoussoukro ou Bouaflé, constitue un calvaire pour les usagers de cette route.

Et pourtant, la nationale A3 a reçu du bitume allant jusqu’après Daloa. « Ceux qui ont bitumé la route de Yamoussoukro ont oublié Kossou », laisse entendre une passagère assise à l’arrière du véhicule, ayant un pagne sur le visage lui servant de cache-nez.

Un réel problème d’adduction d’eau 

Après trente minutes de calvaire, nous voici enfin dans la cité. Nous ne sommes pas au bout des surprises. Un autre spectacle se dresse devant, un ballet de bidons de 20L sur des motos ou des femmes portant des cuvettes sur la tête. Nous avons pensé que cette zone, étant un lieu aurifère, ces cuvettes devraient servir à laver les pépites acquises « clandestinement ». Erreur !

Ces personnes sont en quête d’eau pour le ménage quotidien. Prendre une douche, faire sa lessive ou aller aux toilettes... Autant de réflexes d'hygiène qui s'avèrent aujourd'hui, très compliqués pour les habitants de Kossou. Hélas, depuis quelques mois, voire des années (six ans) pour certains, et en dépit du barrage hydroélectrique, les populations s'adonnent à une réelle partie de chasse à l'eau.
Débutant par une sous-alimentation et des coupures intempestives de plusieurs jours, la pénurie en eau est maintenant un problème crucial dans la zone.

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Cette pénurie a considérablement modifié les habitudes et les comportements des populations. Dans certains endroits, l’eau ne coule qu’une seule fois par jour, dans les robinets, pendant que d'autres personnes n'en reçoivent même pas une seule goutte. Et pourtant, les populations continuent de recevoir régulièrement des factures d’eau de la Société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire (SODECI), le seul fournisseur d’eau en Côte d'Ivoire. Chacun a sa technique pour faire face à cette pénurie d’eau : les uns font des réserves dans des bidons de 50 L ou de gros récipients pour tenir le plus longtemps possible, et les autres ont recours aux forages artisanaux où l’on peut récupérer un peu d’eau le matin.

L’État

Pourtant, le lac de Kossou créé en 1971 à la suite de la construction du barrage hydroélectrique sur le fleuve Bandama, dispose d’une retenue de 30 milliards de m³ d'eau qui forme un lac de 150 kilomètres de long, recouvrant 1700 kilomètres carrés de terre.

Ces pénuries d’eau ne sont pas propres à la seule localité de Kossou. À Kimoukro, une bourgade située à la lisière du fleuve Bandama dans le département de Toumodi, les populations sont confrontées à ce même problème. Ici, pour avoir l'or bleu, c'est un véritable parcours de combattant. Ceci, malgré la station de traitement d’eau inaugurée en 2013 par le Président de la République Alassane Ouattara. Pour avoir de l’eau, outre les techniques adoptées par les populations de Kossou, on se rend carrément au Bandama (le fleuve pollué par les activités d’orpaillage) situé à un kilomètre du village pour s'approvisionner en eau.

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Pour pallier le déficit en eau potable, le gouvernement ivoirien a promis en février 2014, de mettre en place, un plan de 645 milliards de francs CFA pour favoriser l'assainissement et l'accès à l'eau potable dans le pays d'ici à 2015. Certes, en 2021, toute l'étendue du territoire est encore dépourvue d'eau potable, mais il fait des efforts pour être à la disposition de la population surtout en matière d’eau potable. Ainsi, il a mis en service 40 unités de production d’eau potable préfabriquées dans 31 localités pour régler le déficit en matière d’eau potable. D’un coût global de 42 milliards de FCFA, le projet s’inscrit dans le cadre du programme « Eau pour tous ». Des châteaux d’eau ont également été construits pour le bonheur des populations, à Yaoloukokro (département de Didiévi, région du Bélier), Dihinibo (département de Koun-Fao, région du Gontougo), Agbossou, N’Gohinou et Assahara dans la région du Moronou,

La lutte perpétuelle pour l’acquisition de l’eau potable en quantité et en qualité suffisante démontre véritablement à quel point l’eau est source de vie.

 Joël Dally  Envoyé spécial

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