
La triangulation des presses révèle, au-delà des apparences, une constante : l’Église a toujours été du côté de Laurent Gbagbo.
Et aujourd’hui, alors que la nation tente de consolider ses institutions, c’est encore cette Église-là, flanquée de ses fidèles éditorialistes qui revient, bénissant une opposition qui peine à trouver autre chose que le ciel pour justifier ses batailles.
Mgr Bernard Agré, ou l’évangile selon Laurent Gbagbo
Dans son interview accordée à Jeune Afrique (2000), Mgr Bernard Agré ne cachait ni ses penchants, ni sa proximité avec celui qu’il voyait comme « l’homme providentiel ».
Gbagbo y est dépeint comme un fils de la terre, investi d’une mission quasi divine, que l’Église se devait de soutenir.
Dans Le Nouveau Réveil du 13 avril 2010, alors proche du pouvoir de Alassane Ouattara, l’on pouvait lire : « cette relation devient quasi-fusionnelle, Agré ne se contente pas de prêcher, il milite, parfois plus habilement que bien des cadres du FPI ».
On aurait cru voir là, un homme de foi, mais c’était surtout un homme d’alignement.
Loin de défendre la neutralité évangélique, il agissait comme une figure théocratique dans une République laïque.
Cette dérive n’est pas anodine. Elle fonde le lit d’une Église politisée, qui désormais n’agit plus en pasteur mais en partenaire tactique.
Les prophètes du chaos et la mort qui suit les bénédictions
Les propos du pasteur Jacob Ediémou ne relèvent pas de l’anecdote mystique.
Lorsqu’il déclare : « En 2000, Guéi est allé à Toukouzou et il a vécu.
En 2002, il est allé à la cathédrale et il est mort ».
Le pasteur Jacob Ediémou pose une équation sacrée où la foi devient arme politique.
Le temple devient un lieu de tri, où l’on trie les âmes selon leurs affiliations.
C’est bien là, la naissance d’un clergé partisan, où les morts sont instrumentalisées et les vivants sélectionnés.
L’Église n’est plus sanctuaire mais frontière.
L’entrée du président Ouattara dans cet espace sacré a toujours été sujette à controverse.
Jamais accueilli avec la chaleur réservée à Gbagbo, jamais défendu avec le zèle sacerdotal.
Ce n’est pas une omission, c’est une stratégie. Et cette stratégie, elle s’inscrit dans le refus de reconnaître un homme venu d’un autre univers politique et culturel.
Quand des évêques prient contre la loi
En avril 2011, alors que le pays sort à peine d’une guerre post-électorale, l’archevêque d’Abidjan lance un appel au pardon. Louable en apparence, cet appel fut en réalité une amnistie morale taillée sur mesure pour un camp.
Il ne s’agissait pas de réconcilier les deux parties, mais de tendre la main à celui qui avait perdu militairement, pour lui offrir une victoire morale.
Pire encore, le 1er septembre 2020, le cardinal Kutwa s’érige en juge constitutionnel.
Sa déclaration selon laquelle la candidature d’Alassane Ouattara « n’est pas nécessaire » déroge à toutes les règles de neutralité.
On n’était plus dans le sermon, mais dans l’ingérence cléricale.
Depuis quand les cardinaux décident-ils de ce qui est « nécessaire » dans un État de droit ?
C’est tout simplement que L’Église, au lieu de prier pour tous, choisit ses favoris et condamne le reste au silence sacré.
Paradoxalement l’église sénégalaise est citée en exemple mais, pas pour une application de sa neutralité.
Il y a quelque chose d’étrangement hypocrite dans le narratif des opposants et les éditos des journaux proches.
Tous, d’un ton grave et illuminé, citent le Sénégal comme modèle de démocratie.
Oui, le Sénégal a jugé, arrêté, exclu. Et ces mêmes journaux applaudissent Macky Sall pour avoir fait respecter la loi et, la cours constitutionnelle d’avoir eu à les appliquer .
Cependant, lorsque la Côte d’Ivoire applique ses propres lois, ces mêmes voix crient à la dictature ou recourent au passe droit confirmant ainsi que la loi, dans leur bouche, n’est légitime que lorsqu’elle sert leur camp.
La République sénégalaise inspire à être citée, mais la République ivoirienne doit se plier à la compassion à géométrie politique .
Pour l’église, quand les lois ivoiriennes condamnent un opposant, c’est la démocratie qui meurt, mais quand elles condamnent un proche du pouvoir, c’est la justice qui triomphe.
Voilà pourquoi les évêques et les éditorialistes bénissent le Sénégal, tout en maudissant sa copie ivoirienne.
Le PDCI amnistie ses fautes pour sauver la face
La décision du président du PDCI du 27 mars 2025 d’annuler les sanctions contre Valérie Yapo et consorts, n’est pas un geste de sagesse. C’est un calcul.
Un effacement stratégique pour éviter l’humiliation d’un procès où les plaignants auraient eu gain de cause.
Mais ce recul est en réalité une attaque.
En effaçant les sanctions internes, le parti valide indirectement les comportements fautifs et crée un précédent dangereux.
L’ordre devient subjectif, la discipline devient caprice, et le droit devient décoration.
Cette dynamique sert parfaitement la ligne prêchée par les figures ecclésiastiques : celle d’une justice morale, subjective, et surtout imperméable aux institutions républicaines.
La UNE du journal le bélier, un visuel pour déchirer la paix
Le journal Le Bélier du 25 mars 2025 ressort une image de 2020, la sort de son contexte, et l’associe à une actualité explosive.
Le tout, emballé dans un discours faussement pacifiste. Mais tout dans cette une est une provocation, le choix du visuel, son époque, son association.
Ce n’est pas une une d’information. C’est un visuel de résurgence.
Cette une, loin d’apaiser, alimente les esprits. Elle ravive les blessures et conforte les ressentiments.
Et pourtant, la HACA ne bronche pas. Ce silence est inquiétant. Car quand la parole médiatique devient incendiaire, c’est à l’autorité de brandir l’extincteur, pas le crucifix.
Que le peuple soit témoin
Voici donc la République face à une triple menace : un clergé politisé, une opposition victimaire, et une presse pyromane.
À force de travestir la foi en argument partisan, de transformer les lois en opinions, et de tordre les images pour créer du ressentiment, on prépare une crise. Ce n’est pas un hasard.
C’est un plan qui ne s’annonce pas en criant « guerre ! », mais en murmurant « justice ».
L’opinion publique doit comprendre qu’il n’y a aucune neutralité dans cette offensive douce. Ce que l’on nous présente comme des appels au dialogue sont en réalité des tentatives de prise de pouvoir par affaiblissement de l’État.
L’Église, en refusant d’être la conscience morale de tous, choisit son camp. Et les conséquences de ce choix seront supportées par le peuple, pas par les prélats.
C’est donc à nous , citoyens, d’être les gardiens de la République, pas les spectateurs de sa mise en croix.
Kalilou Coulibaly, Doctorant EDBA, Ingénieur.