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Interview/Professeur Kevin Dayoro, chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody : « Il faut des maisons de retraite pour les personnes âgées … »

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Professeur Kevin Dayoro milite pour le vieillissement participatif pour aider les personnes âgées à participer à la vie de la société. (Photo : DR)
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La Journée internationale pour les personnes âgées est célébrée le 1 octobre de chaque année depuis le 14 décembre 1990 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Sur le thème « La résilience des personnes âgées dans un monde en transformation », le Professeur Kevin Dayoro, chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody et expert en vieillissement, préconise dans cette interview, des maisons de retraite en Côte d’Ivoire.

Pensez-vous qu’en Côte d’Ivoire, les personnes âgées sont suffisamment protégées ?

Du point de vue du système juridique et de protection sociale, les personnes âgées en Côte d’Ivoire ne sont pas tout à fait protégées. Elles sont très souvent accusées de sorcellerie sans preuves dans les villages et hameaux. On les expose sur les places publiques pour les humilier et les jeter à la vindicte populaire. Aussi sont-elles victimes de maltraitance dans les cellules familiales. Tout cela influence négativement leur vie.

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Quelles peuvent être les maladies fréquentes auxquelles sont confrontées les personnes âgées ?

À ce niveau, on va dire que les maladies les plus dominantes sont les infections urinaires. Des problèmes liés à la prostate qui débouchent sur des interventions chirurgicales. On a également des maladies cardio-vasculaires dont la grande dominante est l’AVC qui est considérée comme la pathologie la plus dangereuse pour les personnes âgées. Au-delà de tout cela, il y a la maladie d’Alzheimer, les difficultés de langage et les maladies neurologiques. Retenons surtout que les personnes âgées peuvent développer de nombreuses maladies en raison de leur système immunitaire qui devient de plus en plus bas, à cause du poids de l’âge. En un mot, c’est un tableau de polypathologie qui se présente à cet âge-là. Cette situation entraîne très souvent, la polymédication et c’est très dangereux.

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Que doit-on faire alors ?

La polypathologie qui fait appel à la polymédication va créer des problèmes de santé encore plus graves aux personnes âgées.  Lorsqu’on n’a pas d’experts en la matière, les conséquences de la polymédication sont encore un facteur de pathologisation des personnes âgées. Il y a donc une nécessité d’insister sur la prévention et de prise en charge qui reste à désirer dans nos hôpitaux. En Côte d’Ivoire, la problématique de la protection sanitaire des personnes âgées se présente avec acuité. Il faut donc former des gériatres pour la prise en charge sanitaire des personnes âgées, comme c’est le cas au Centre hospitalier Universitaire (CHU) d’Angré à Cocody.

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Pensez-vous qu’en Afrique, il devrait se développer la politique des maisons de retraite comme en Occident ?

De nos jours, les maisons de retraite en Europe connaissent des difficultés. Il est donc clair qu’on ne peut pas reproduire textuellement des modèles qui connaissent des difficultés dans les autres pays. Nous préconisons donc une adaptation aux différentes réalités de nos pays africains, en particulier de la Côte d’Ivoire, s’il faut construire des maisons de retraite. Selon nos coutumes, il est vrai que la vie en famille avec les personnes âgées semble être plus bénéfique pour elles. Mais, un espace où les personnes âgées se retrouveraient entre elles, n’est pas forcément une mauvaise solution. En tant qu’expert, il faut surtout insister pour que la famille reste toujours le cadre par excellence de la personne âgée, tout en insistant sur la formation de l’aidant familial.

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Quel rôle joue la famille auprès des personnes âgées ?

Il n’y a pas de rôle typique de la famille auprès des personnes âgées. Tout est une question de relation intergénérationnelle des contextes et des enjeux au sein des générations. Je veux également interpeller que les stéréotypes considérant la famille comme le cadre par excellence de vie pour les personnes âgées ne sont plus forcément l’idéal. Aujourd’hui, nos travaux démontrent qu’il faut nécessairement changer des dispositions. Aujourd’hui, il y a des attitudes de déni familial, communautaire et institutionnel autour des personnes âgées. La famille est en pleine mutation. Des travaux ont montré clairement que des familles ont été le cadre de maltraitance de personnes âgées. Nous préconisons donc la formation des aidants en famille. Ils ne sont pas dotés de compétences naturelles pour prendre en charge les personnes âgées.

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Les conditions de vie et de travail peuvent-elles garantir un vieillissement sain en Côte d’Ivoire ?

Notre système de santé est beaucoup plus curatif. On n’insiste pas beaucoup sur la prévention et c’est bien dommage. On arrive à un certain âge où on peut cumuler des maladies. Il y a des déficits qui ne garantissent pas forcément un vieillissement sain. Cependant, il faut mettre un accent particulier sur la possibilité de choisir son mode de vieillissement et la possibilité de se projeter dans le temps. Si nous faisons le choix par exemple de ne pas faire le sport, évidemment, il y aura une répercussion sur notre vie. Face à certaines formes de conditionnement social, on a la possibilité de choisir.

Sur une échelle de 100%, à combien estimez-vous la protection des personnes âgées en Côte d’Ivoire aujourd’hui ?

De ma position de chercheur pour avoir travaillé sur les questions liées au vieillissement sur une échelle de 100, nous pouvons estimer à seulement 30%, la protection des personnes âgées en Côte d’Ivoire. Pour moi, il y a des défis à relever.

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Parmi ces défis, vous prônez justement ‘’le vieillissement participatif’’, qu’entendez-vous par là ? Quels en sont ses enjeux ?

C’est la possibilité pour toutes les personnes âgées de participer à la vie sociale, d’apporter et de contribuer à la vie en société. Cette exigence est une recommandation des structures internationales. L’objectif est de faire en sorte que chaque société travaille pour faire participer socialement les personnes âgées à la vie sociale. L’absence de force physique ne traduit pas l’incapacité à faire contrôler et/ou à gouverner. C’est au regard de tout cela qu’il a été demandé aux pays de penser des systèmes inclusifs où des personnes âgées participeraient à la vie sociale. Chaque pays se doit donc, selon ses réalités, de penser des réformes pour mettre « le vieillissement participatif » en action.

Quelles sont vos solutions pour mettre en action le vieillissement participatif ?

Il faudra, dans un premier temps, travailler au niveau des jeunes sur la représentation négative des personnes âgées. Ensuite, travailler sur le répertoire des capitaux expérientiels des personnes âgées et identifier ce qu’il est possible de faire et comment utiliser tout ce capital expérientiel. Troisièmement, c’est le défi de la formation des personnes âgées et enfin, l’accompagnement financier des projets de personnes âgées.

Interview réalisée par Roxane Ouattara

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