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Journée internationale de la femme rurale: Botty Rosalie et Colette Irié Lou, deux figures emblématiques du monde rural très tôt parties

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Botty Rosalie et Colette Irié Lou, deux braves femmes du secteur du vivrier décédées tôt. (Photo : DR)
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Botty Rosalie et Colette Irié Lou sont deux figures emblématiques du monde rural en Côte d’Ivoire. Malheureusement parties très tôt, elles ont laissé un héritage dans le monde de la femme rurale en Côte d’Ivoire : le marché du vivrier tenu par des femmes en plein essor. Portrait de Botty Lou Rosalie et Colette Irié.

Chaque 15 octobre de l’année, est célébrée la journée internationale de la femme rurale, en Côte d’Ivoire. Des femmes du milieu rural se sont démarquées par leur travail. Avec un début plus ou moins difficile, Botty Lou Rosalie et Colette Irié Lou ont réussi à s’imposer dans le milieu rural en tant qu’actrices majeures.

Avec un début difficile

Habitant dans le quartier d’Akouédo à Cocody en 1984, la jeune Rosalie Botty avec son Certificat d’Etudes Primaires (CEPE) en poche, était commerçante de jus de gingembre, communément appelé « gnanmankoudji ». Ses clients étaient les manœuvres qui travaillaient sur les chantiers de construction de la Riviera et les militaires d’Akouédo. Pour donner un coup de pousse à son activité, elle a acheté un congélateur et un vélo.

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Le vélo était utilisé par un jeune homme pour vendre également le jus dans une glacière dans les autres quartiers. À côté de ses jus, elle vendait de l’attiéké et du poisson au camp militaire d’Akouédo. Cependant, elle va avoir maille à partir avec le nouveau patron du camp commando, qui ne voulait pas de ce commerce à proximité de ce lieu. Elle se retrouve devant le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Cocody où elle passe huit années. Lors de la réfection du CHU, elle abandonne sa place pour créer une coopérative de commercialisation de produits vivriers à Cocody. Cette coopérative est aujourd’hui connue sous le nom de COCOVICO. Dans une interview, elle indiquait qu’à la différence de toutes les autres communes, Cocody n’avait pas de marché de vivriers tel que le « marché gouro ». Selon elle, l’objectif principal de cette coopérative, c’est d’aller au bord des champs pour acheter les produits avec les producteurs, en vue de les revendre à Abidjan. Déguerpies plus de deux fois, les femmes de COCOVICO ont eu leur salut grâce au maire d’alors, feu Mel Eg Théodore qui leur a permis de s’installer définitivement à Angré.

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Concernant Colette Irié Lou, elle n'a pas eu la chance de faire des études scolaires. Elle s'intéresse aux travaux agricoles afin de s'assurer des moyens de subsistance. Cette activité finira par devenir la clé de son succès. « Je n'ai jamais été à l'école. Donc, j'étais avec mes parents au village et lorsqu'ils faisaient la récolte de leurs champs d'aubergine ou de gombo, c'est moi qui partais les vendre », raconte-t-elle fièrement. 

En grandissant, Colette Irié Lou se rend vite compte que tous ne partent pas avec les mêmes chances dans la vie. « J'ai remarqué que ceux qui ont été à l'école travaillent dans les bureaux et moi qui n'ai pas eu la même chance qu'eux, il fallait que je me trouve une occupation. J'ai commencé à faire du commerce, on s'est intéressé à moi et c'est comme cela que tout a commencé. Puis, petit à petit, je me suis agrandie », fait-elle savoir dans une interview.

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Colette Irié Lou a toujours su démontrer son sens des affaires, ainsi que son aptitude à diriger des groupes de femmes et rechercher l'amélioration de leur condition de vie. C'est ainsi, qu'en 1983, elle fonde son premier marché à Treichville, dans le Sud d'Abidjan. Puis, deux ans après, elle crée sa coopérative de vivriers. En 1998, Irié Lou Colette crée la Fédération Nationale des Sociétés Coopératives de Vivriers de Côte d’Ivoire (FENASCOVICI). Son impact a été de contribuer à réorganiser et à moderniser le secteur du vivrier, à faciliter l’acheminement des produits et denrées. En 2002, elle créera la Fédération nationale des coopératives de vivriers de Côte d'Ivoire (FENACOVICI).

Ce qu’elles ont apporté au secteur

D’un coût total de 957 millions de F CFA, le marché COCOVICO créé par Botty Rosalie, est aujourd’hui, l’un des plus grands marchés d’Abidjan. En tant que présidente, elle était présidente de l’assemblée générale des opérateurs économiques du secteur agro-alimentaire (ROESAO) en 2004. C’est un réseau de seize pays avec la Mauritanie. En Côte d’Ivoire, elle est la présidente de la confédération nationale des acteurs du vivrier.

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À l’origine de la création de plusieurs marchés de vivriers à Abidjan, notamment celui de Treichville, Colette Irié Lou va regrouper les femmes en coopératives afin de les aider à acquérir des financements pour leurs activités. Par ailleurs, elle était aussi à la tête de plusieurs ONG spécialisées. On lui doit, en outre, la création d’un vaste programme de lutte contre la pauvreté, dénommé Programme d’Appui à la Production du Vivrier et à la Sécurité Alimentaire (PAPV-SA). Irié Lou Colette avait de grandes ambitions pour le secteur du vivrier en Côte d’Ivoire. Elle était en train de bâtir le plus grand marché du pays de près de 7 hectares, une infrastructure ultra-moderne avec des équipements de conservation et une usine de transformation.

Des distinctions, des médailles et des prix, au plan national et international

Au nom du marché COCOVICO, Rosalie Botty va glaner des distinctions notamment, chevalier du mérite ivoirien en 2002, Prix de la FAO pour l’effort de paix en 2003, Prix de la Coalition des femmes leaders de Côte d’Ivoire en 2008, Officier du mérite ivoirien en 2009, Prix de la meilleure femme entrepreneure en 2009, Oscar de l’entrepreneuriat féminin au Bénin en 2009, Trophée du jubilé d’or panafricain de la femme citoyenne de la paix et du progrès en 2010. Sans oublier, le Grand prix de la Finance solidaire 2011 décerné par le journal français Le Monde. « La COCOVICO était la seule lauréate africaine, j’étais la seule noire parmi les six personnes qui ont eu des prix. C’est une fierté pour nous et nous savons aujourd’hui que c’est seul le travail qui paye.  Ce prix signifie que notre travail est suivi et apprécié dans le monde entier. Aujourd’hui, il représente une grande satisfaction pour nous et pour tous ceux qui nous admirent et nous soutiennent. Nous pensons que  nous ne sommes plus dans l’anonymat  (…). J’ai reçu le prix qui a été accompagné d’argent qui va certainement aider notre coopérative à s’occuper des chambres réservées aux femmes dans notre centre, des enfants de la rue et à faire du social… », confiait la lauréate au journal gouvernementale, lors de son retour de Paris.

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Tout comme sa ‘’sœur’’, les actions de Colette Irié Lou lui ont valu des prix. 15 au total. Ce sont notamment le Diplôme du bâtisseur de l'économie ivoirienne en 2006, la FAO lui a décerné la Médaille de Meilleure Artisane de la sécurité alimentaire de Côte d'Ivoire en 2008. En 2009, elle est élevée au rang d'Officier de l'Ordre du Mérite National de Côte d'lvoire. En 2013, elle est lauréate du Grand Prix Femmes Ivoire Dominique Ouattara des femmes leaders de Côte d'lvoire. Cette même année, elle est récipiendaire du Prix d'Honneur de la Meilleure dirigeante de la FENACOVICI. Elle est Chevalier dans I'Ordre du Mérite Agricole de Côte d'lvoire en 2015, et en 2016, le président de la République Alassane Ouattara lui décerne le Prix d'Excellence de la Meilleure Entreprise de commerce intérieur en Côte d'lvoire. À la tête d'une fédération de 1.800 coopératives à travers l'Afrique de l'Ouest, Colette Irié Lou ambitionnait de nourrir tout le continent avec le programme d'appui à la production vivrière et à la sécurité alimentaire. « Avec ce grand projet, je dis que d'ici fin 2017, les denrées seront dans les assiettes des Ivoiriens et nous allons nourrir les pays de la sous-région et le monde entier avec ce premier programme », affirmait-elle fièrement.

L’héritage …

À l’annonce du décès de Rosalie Botty, une guéguerre a opposé sa fille Gisèle Ouéhi, avec à ses côtés, les femmes du marché COCOVICO, à son époux Boniface Zorro Bi Botty. Si pour ce dernier, il s’agissait de mettre de l’ordre au niveau du marché, la fille et les commerçantes ne l’ont pas entendu de cette oreille. Pour elles, c’était une tentative de dépossession. Finalement, Gisèle Ouéhi est restée à la tête de la coopérative.  Sur les traces de sa mère, elle a été doublement primée, en septembre 2021 par le Gouvernement et la Structure AB Communication pour ses actions en faveur du développement économique et celles entreprises en faveur de la Solidarité en Côte d'Ivoire. Ce sont notamment l’Awards du meilleur marché et la médaille du mérite de la Solidarité décernés respectivement par AB Communication et le Gouvernement.

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Quant à l’héritage de Colette Irié Lou, aucune guéguerre n’a eu lieu au niveau de la FENACOVICI. Naturellement, étant une coopérative agricole, le conseil d’administration a fait des élections pour en désigner le nouveau président. Cependant, les actions sur la réalisation de ses ambitions, notamment la construction du plus grand marché de Côte d’Ivoire de près de 7 hectares et d’une usine de transformation est presque mise en stand-by.
Rosalie Botty et Irié Lou Colette étaient parmi l’élite féminine en Afrique en général et en Côte d’Ivoire. Dans le milieu des femmes leaders, elles ont travaillé à tailler leur place aux côtés de leurs ‘’sœurs’’ avocates, pharmaciennes, cheffes d’entreprise, juges, maires et autres députées. Elles sont malheureusement très tôt parties mais, ont marqué de leurs empreintes indélébiles, la femme rurale. Pour rappel, Botty Rosalie décède à l’âge de 55 ans en 2014 et Colette Irié à 65 ans en 2021.

Roxane Ouattara

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