C’est que ses partisans de Gbagbo pensent, à tort ou à raison, que les lignes ont bougé depuis qu’une délégation du PPA-CI a rencontré le bureau central de la Commission électorale indépendante (CEI). A leur demande, ils ont en effet eu une séance de travail avec des commissaires de la CEI avec à leur tête le premier responsable de cet organe électoral, le magistrat Ibrahime Coulibaky-Kuibiert.
Des propos fielleux aux paroles mielleuses
Au sortir de ces échanges, qui se sont tenus il y a une semaine jour pour jour, soit le mercredi 13 novembre 2024 au siège de la CEI, l’on a eu le sentiment que les faucons du PPA-CI ont rengainé le sabre. Leurs premières déclarations ont laissé penser qu’ils ont abandonné le langage guerrier qu’ils proféraient il y a encore quelques jours pour adopter un ton plus conciliant. « Nous avons aussi parlé, parce qu'on ne peut pas venir ici sans parler de cela, de la situation du Président Laurent Gbagbo sur la liste électorale (…) Et là aussi, le président de la commission et les membres de la commission ont estimé que c'est un dossier important (…) Nous avons eu ici des oreilles attentives. Une oreille attentive du président (de la CEI, NDLR) », a déclaré le chef de la délégation, Sébastien Dano Djédjé, président exécutif du PPA CI.
Un ton qui tranche avec les propos corrosifs proférés depuis quelque temps par des dignitaires de ce parti. En effet, il n’y a pas si longtemps, certaines « grandes gueules » du PPA CI comme Koua Justin, Justin Koné Katinan et Damana Pickass ne rataient aucune occasion de faire planer sur le pays la menace d’une insurrection ou d’un soulève ment populaire si leur leader, Laurent Gbagbo, n’était pas réintégré sur la liste électorale. « Sans Gbagbo, pas d’élection présidentielle en 2025 », menaçaient-ils. « L’inscription de Gbagbo sur la liste électorale n’est pas négociable », rageaient-ils. D’où vient-il alors que les mêmes qui bandaient les muscles hier en viennent aujourd’hui à adopter un ton de félin ?
Kuibiert parle, le PPA-CI se prend à rêver
Ce changement de ton semble être consécutif au mes sage que la délégation du PPA-CI a cru percevoir de certains pans des propos tenus par Kuibiert à l’issue de la rencontre. « Sur la question de l’inscription du président Gbagbo sur la liste électorale, nous avons discuté de droit et d’humanité. Il y a ce que dit le droit et ce que requiert l’humanité. Nous pensons nous être bien compris sur ce point, et les démarches nécessaires se feront peut-être à l’abri des regards, pour des raisons de discrétion », avait déclaré ce mercredi-là le président de la CEI.
Des propos qui ont été compris par les responsables du PPA-CI comme un signe que l’équation de la réinscription du président de ce parti sur la liste électorale pourrait trouver une issue heureuse. En témoignent les commentaires qu’en ont fait à leur Une des journaux proches de ce parti, au lendemain de la rencontre entre la CEI et le PPA-CI. « Retour de Laurent Gbagbo sur la liste électorale/ Enfin, Kuibiert calme le jeu et rassure le pays », exultait La Voie Originale. Quand le Quotidien d’Abidjan en déduisait, tel un diseur de bonne aventure : « Election 2025/ Gbagbo sur le chemin du palais présidentiel/ Tout sur le discours révélateur de Kuibiert ».
Les deux options possibles
On le voit donc, c’est ce qu’a dit le président de la CEI sur le cas Gbagbo qui a amené le PPA-CI et ses responsables à changer de disque. Et pourtant, rien n’est encore décidé s’agissant de la réinscription de l’ancien chef de l’Etat sur la liste électorale même si les propos de Kuibiert ont pu laisser croire qu’un retour de Gbagbo sur la liste électorale est envisageable. Encore faut-il que d’ici là l’Assemblée Nationale soit d’abord saisie, et que par la suite, à la majorité 50+1 elle adopte une loi d’amnistie pour effacer les faits ayant conduit à la décision de justice privant Laurent Gbagbo de ses droits civiques et ayant, par ricochet entraîné sa radiation de la liste électorale. Ou que tout autre solution politique soit trouvée à ce dossier qui mélange les calculs du PPA-CI dans la perspective de la présidentielle de 2025. En attendant, le parti de Gbagbo s’accroche, comme à de la fumée, aux propos dopants du président de la CEI.
Assane NIADA