Si ce n’est pas une provocation avant la lettre, ce n’est pas loin de l’être. Le Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire, parti fondé par Laurent Gbagbo à son retour de la CPI, se propose d’investir l’ancien chef d’État comme son candidat à l’élection présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire. Cette annonce a été faite ce samedi 13 avril 2024 au cours d’une réunion du Comité central de cette formation tenue à Abidjan. Bien avant, cette même instance, sachant très bien que Laurent Gbagbo est frappé d’inéligibilité suite à sa radiation de la liste électorale, l’avait désigné comme son candidat sans plan B le 9 mars 2024. Dans l’expression du jeu démocratique, personne n’aurait trouvé à redire si et seulement si cette démarche du PPA-CI ne s’assimilait pas à une volonté manifeste de semer le désordre et le chaos dans le pays. Laurent Gbagbo, on le sait, a été condamné à 20 ans de prison suite au procès du casse de la BCEAO lors de la crise post-électorale de 2011. Il est vrai qu’il a été gracié en 2022 par le président Alassane Ouattara, mais cette mesure de grâce ne règle pas les problèmes électoraux de l’ancien président. En d’autres termes, contrairement à l’amnistie, la grâce n’absout pas Laurent Gbagbo des conséquences de sa condamnation suite à l’affaire du braquage de la BCEAO.
Par voie de conséquence, son nom ne peut pas figurer sur la liste électorale et il ne peut pas faire acte de candidature à l’élection présidentielle conformément au code électoral en vigueur en Côte d’Ivoire. En pleine connaissance de ces deux dispositions qui le disqualifient de facto de la course à la présidentielle, son parti a décidé de faire de lui, son candidat contre vents et marrées. Advienne que pourra. L’ancien chef d’État, comme dans un jeu de rôle savamment planifié, a accepté d’être effectivement le candidat de son parti pour 2025. Il l’a confirmé le 6 avril 2024 au cours de la fête dite de la renaissance, organisée par ses lieutenants à Agboville. « Depuis que je suis revenu, les militants du PPA-CI me tarabustent pour que je sois candidat. Et, j’ai fini par dire : Oui… Je ne suis pas coupable de braquage de banque », a-t-il martelé le 6 avril dernier devant ses militants. Voilà donc qui est clair : Gbagbo sait en son âme et conscience qu’il ne peut pas être candidat et il accepte d’être candidat à la présidentielle de 2025 dans son pays. D’aucuns pourraient dire que cette posture pourrait être une stratégie politique pour tordre la main aux autorités du pays afin de le réintégrer sur le listing électoral et le replacer dans le jeu. Qu’à cela tienne. Mais le PPA-CI s’y prend de la plus mauvaise des manières.
Cette attitude de Laurent Gbagbo et du PPA-CI s’assimile à un forcing politique qui pourrait entraîner des troubles dans le pays. Et comme si cela ne suffisait pas, ils envisagent organiser le 10 mai prochain, la convention pour acter cette candidature. Vue sous tous les angles, cette démarche du PPA-CI à 18 mois de l’élection présidentielle, vise à faire monter le mercure politique. Et comme aucun crime n’est parfait, le dernier point des décisions arrêtées par le comité central ce samedi 13 avril 2024, trahit la vraie volonté de Laurent Gbagbo et de ses hommes. « Le Comité central appelle l'ensemble des militants du PPA-CI à se tenir mobilisés pour les luttes inévitables à mener et reste saisi des diligences confiées à la Direction du Parti », indique le communiqué du comité central. À travers cet appel, l’on note clairement que le PPA-CI, vautré dans son arrogance politique et sa défiance aux autorités étatiques, ne veut pas s’inscrire dans une posture de négociation politique en vue d’obtenir la réhabilitation de Laurent Gbagbo. Or, à l’état actuel des choses, les Ivoiriens qui ont connu l’enfer sur terre lors de la crise post-électorale, ne veulent plus s’inscrire dans la surenchère politique. Et ça, le RHDP l’a rappelé le jeudi dernier lors de la commémoration de l’an 13 de la fin de la crise post-électorale. Malgré tout, le PPA-CI, à travers les décisions déjà prises relativement à la candidature de Laurent Gbagbo et les activités en projet, montre clairement qu’il veut obtenir tout par la force, même si cela doit passer par de graves troubles à l’ordre public. Fort heureusement, les Ivoiriens qui ont tiré toutes les leçons de la décennie perdue entre 2000 et 2010 avec le développement prodigieux actuellement en cours dans le pays, ne les suivront pas dans leur aventure ambiguë. Autant dire que la forfaiture de 2010 et l’imposture politique en préparation ne passeront pas.
Kra Bernard