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Interview/Dr Abdoulaye Koné (auteur du livre « Gbagbo méritait-il la prison ? ») : « Gbagbo a dirigé le pays sans vision »

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Dr Abdoulaye Koné, Gbagbo ne pouvait pas gagner la présidentielle de 2010 dans tous les cas de figure
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Membre de la société française de pour l’avancement du management des projets, Dr Abdoulayye Koné est l’auteur de l’ouvrage intitulé « Gbagbo méritait-t-il la prison ? », paru aux éditions L’harmattan. Dans cette interview, il répond à l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, qui continue à laisser croire qu’il a remporté le scrutin présidentiel de 2010 et ne saurait être comptable de la guerre postélectorale qu’il a engendrée.

Vous êtes écrivain, auteur de l’ouvrage « Gbagbo méritait-il la prison ? », paru aux éditions L’harmattan. Vous y revenez  sur la crise postélectorale et la guerre qu’elle a engendrée.  N’est-ce pas là une façon de remuer le couteau dans la plaie ?

Non, je ne le pense pas. Il est important que le peuple sache pourquoi les Ivoiriens se sont dressés les uns contre les autres en 2010. Une crise qui a fait plus de 3 000 morts et qui a occasionné, en plus de la fracture sociale, le recul de tous les indicateurs de développement. Si la vérité avait été connue, il n’y aurait eu aucune perte de vie. Mieux vaut tard que jamais. Ce qui était resté caché mérite aujourd’hui d’être exposé à toute la population dans le but de faciliter la réconciliation, mais aussi de prévenir un second drame de la même nature et certainement de plus grande envergure.

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Pourquoi dites-vous que revenir sur ces faits peut aider à la réconciliation ?

Quand ceux qui avaient soutenu Ouattara sauront que les personnes qui les avaient combattus, injuriés et affrontés de la manière la plus violente qui soit, l’avaient fait sous le coup de la manipulation, ils seront plus enclins à pardonner leurs actes. Quant aux partisans de Laurent Gbagbo, ils sauront que leur mentor les a induits en erreur en s’autoproclamant « président » sur des fondements qui étaient contraires au verdict des urnes et à l’éthique. Ainsi, tous s’engouffreront-ils dans la voie de la réconciliation que le président Ouattara a aménagée et bitumée. Les uns comprendront les motivations des autres, d’une part, et d’autre part, chacun à la hauteur de ses agissements cherchera à se faire pardonner. C’est la connaissance de la vérité qui prédispose les gens à la quête et à l’acceptation du pardon. Cela devrait permettre, in fine,  d’éviter en 2025, une répétition de la dérive honteuse et macabre de 2010.

Quelle est donc cette vérité qui pourrait faciliter la réconciliation et mettre le pays à l’abri d’une éventuelle crise ?

Lors des élections présidentielles ivoiriennes de 2010, la Commission Électorale Indépendante (CEI) a déclaré Alassane Ouattara vainqueur avec 2 483 164 de voix correspondant à 54,10 % des suffrages exprimés avec un écart de 376 109 voix. Le Conseil Constitutionnel (CC) a procédé à l’annulation du scrutin dans 7 départements du Nord pour cause d’irrégularités, décision qui a fait du président sortant Laurent Gbagbo, le vainqueur des élections avec 2 054 537 de voix, soit 51,45% des suffrages exprimés. L’annulation du scrutin dans ces départements est à l’origine de la perte de 52 518 voix pour le candidat Laurent Gbagbo et de 544 492 voix pour le candidat Ouattara. Cela correspond arithmétiquement pour le candidat Ouattara à une perte 491 974 voix à compenser pour être dans la situation qui prévalait avant les opérations d’annulation. Autrement dit, du fait de l’annulation, Laurent Gbagbo a obtenu un avantage de 491 974 voix.

 

« On a attribué à Gbagbo les voix qu’il n’a pas méritées »

Où voulez-vous en venir en déterrant tous ces chiffres ?

Analysons sérieusement la manipulation qui devrait permettre à Gbagbo de gagner ces élections. Le butin du hold-up électoral correspond à plus de 11 fois le score qu’il a réalisé au premier tour, à savoir 41 837 voix. Le Conseil Constitutionnel a jugé que l’ampleur des irrégularités était de nature à empêcher le candidat Gbagbo de réaliser 11 fois le score qu’il avait réalisé au premier tour. De surcroit, dans le fief de Ouattara. Nous avions entendu que la vérité était forclose et voici le mensonge que le Conseil Constitutionnel s’était empressé de placer dans les délais au motif que les partisans du candidat Gbagbo ont été empêchés de voter. Dans les faits, le nombre d’inscrits sur la liste électorale est de 718 785 pour les 7 départements concernés par la mesure d’annulation du scrutin. Les électeurs qui ont voté le candidat Ouattara sont au nombre de 544 492. Ceux qui ont réussi à voter le candidat Gbagbo malgré les perturbations, si elles ont existé, sont au nombre de 52 518 personnes. Ajoutons au compte du candidat Gbagbo tous ceux qui n’ont pas pu voter. Supposons que toutes ces personnes auraient pu faire l’objet de pressions ou d’autres moyens d’empêchement. C’est-à-dire que nous considérons que tous les non-votants et les bulletins nuls sont favorables à Gbagbo. Au total, il s’agit de l’ensemble des inscrits qui n’ont pas voté le candidat Ouattara, soit 174 293 voix.

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Pourquoi devrait-on compter les non-votants et les bulletins nuls comme étant des voix obtenues par Gbagbo dans les 7 localités du Nord, dont les résultats avaient été invalidés par le Conseil constitutionnels ?

Il s’agit pour nous de montrer que le score ainsi obtenu est largement insuffisant pour permettre à Laurent Gbagbo de combler l’écart qui le sépare du candidat Ouattara. Même si, nous doublons ce score, cela reviendrait à 348 586 voix, le candidat Gbagbo n’aurait pas se classer devant le candidat Ouattara dans cette partie du pays. De quoi s’agit-il donc ? On a tout simplement menti aux Ivoiriens et à la communauté internationale. Nombreux sont ceux qui ont été dupés. L’appui des forces françaises et Onusiennes aux troupes qui ont obéi au choix du peuple a été présenté comme la manifestation d’un complot. Cependant, le vrai et le seul complot avait eu lieu plus tôt de manière planifiée et en trois étapes.

A quoi faites-vous allusion quand vous parlez de vrai complot ?

D’abord, on avait accordé au président des voix qu’il n’avait pas méritées. Ensuite, il s’était accaparé du pouvoir en étant conscient de sa défaite. Enfin, il a engagé une résistance absolue en formant un gouvernement et en engageant une partie de l’armée dans une guerre sanglante qui a causé plus de 3 000 morts ! Peut-on faire pire à son pays ?

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Voilà bienttôt 13 ans que la guerre postélectorale est derrière nous. Depuis, Alasane Ouattara exerce l’effectivité du pouvoir. Que pensez-vous des choix stratégiques ?

Je trouve les choix du Président Ouattara judicieux et courageux. Si nous ne construisons pas nos infrastructures et ne travaillons pas hardiment, comment pourrons-nous émanciper de la tutelle des Occidentaux ? Il faut absolument lutter contre la cherté de la vie et c’est le rôle de tout gouvernement. Mais la situation est différente de la période où le Président Gbagbo était aux affaires, sans vision, sans poser la moindre brique, sans même être capable d’entretenir des voies qu’ils n’ont pas bitumées.

« En dehors de l’ère Houphouët, ce pays n’a jamais autant émerveillé le monde »

En quoi ce que nous vivons aujourd’hui est-il différent de l’ère Gbagbo ?

Il ne faut pas oublier que le régime actuel a hérité d’un champ de la bataille avec tous les indicateurs de développement en recul. Si en si peu de temps, nous avons commencé à parler d’émergence et que certaines personnes puissent se permettre de critiquer ce qu’ils n’ont pu égaler, cela est la preuve que les réalisations de ce régime ont été aussi préccoces que gigantesques. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, le pays est en chantier et tout est fait pour l’émancipation de la nation ivoirienne. Il a fallu une personne qui avait du crédit, l’amour du travail ainsi qu’une vision de grandeur pour son pays. J’ajouterai qu’il faut savoir que le développement à un coût qui ne peut être négligé. Il exige des sacrifices et pas des moindres. Les revalorisations salariales et de l’augmentation du salaire minimum dont toute la population se réjouit actuellement sont le résultat de plusieurs années de gestion rigoureuse qui avait été violemment critiquée par ceux qui n’avaient aucune vision. Ainsi, le Président Ouattara a prouvé que tout ce qu’il exige du peuple est à l’avantage du peuple. Si nous nous partageons immédiatement et totalement tous les fruits de la croissance, avec quoi, travaillerons-nous pour développer le pays ?

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Pour l’opposition, toutes ces réalisations ont pour conséquence un surendettement du pays. Vous qui êtes un expert des questions de développement, qu’en pensez-vous ?

Sachez qu’aucun pays au monde n’a été qualifié de « développé » sans bâtir les infrastructures nécessaires. Le régime actuel s’est focalisé sur cet indispensable fondement. Ce qui est compréhensible, car avec les PIB aussi faibles que les nôtres, il faut fixer des priorités et procéder à des choix parfois douloureux. Il est vrai que si l’on redistribue tout comme le clamaient haut et fort ceux qui n’ont pas de vision, aucun développement ne serait possible. N’ayant rien à redire sur ce développement titanesque des infrastructures, les adversaires du Président Ouattara s’enlisent dans des envolées théoriques telles que le rythme d’endettement. Ce qui n’est pas un crime dans le système capitaliste où les meilleurs modèles de développement économique dont les Etats-Unis et l’Union européenne détiennent des taux d’endettement sans commune mesure avec le nôtre. Cette capacité d’endettement reflète plutôt le retour de la confiance qui avait déserté la Côte d’Ivoire. En dehors de la présidence d’Houphouët Boigny, ce pays n’a jamais été autant émerveillé le monde.

 Réalisée par Assane Niada

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