Venus nombreux à l’invitation de Laurent Gbagbo et son parti, le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), les jeunes ont dû repartir déçus de n’avoir par reçu de réponses concrètes aux préoccupations qu’ils ont soumises à l’ex-chef de l’État. Plutôt que d’égrener quelques-unes des solutions qu’il entend apporter à leur souci d’insertion professionnelle, celui-ci s’est livré à son jeu favori : des propos démagogues, voire populistes. Évoquant les difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail, il a eu ces mots : « Près de 70% de la population ivoirienne est jeune. Au sens où ils ont moins de 35 ans. Que voulez-vous faire avec un pays où 70% des habitants ont moins de 35 ans et n’ont pas de travail ? ». Et d’ajouter : « Nous, les parents d’aujourd’hui, on leur dit : allez à l’école. Mais, ils vont à l’école et viennent avec des diplômes et ils dorment au salon. Qu’est-ce que vous voulez faire avec ça ? ».
Propos démagogiques
Ce constat fait, il ne propose aucune réponse concrète à cette épineuse équation de l’emploi des jeunes. Et quand on lui demande de quels moyens dont il dispose pour y remédier, il répond tout de go : « Rien ». Puis de justifier le fait qu’il ne puisse proposer de solutions à ce problème auquel reste confrontée une frange de la jeunesse. « Quand on n’est pas au pouvoir, on ne dispose quasiment d’aucun moyen pour résoudre les problèmes qu’ils ont. Les problèmes qu’ils ont, c’est de trouver du travail. Mais quand demain on sera au pouvoir, on a tous les moyens ». Là est tout le talent de démagogue. L’ex-chef de l’État fait, en effet, preuve de mauvaise foi en laissant croire que c’est maintenant qu’il découvre le chômage des jeunes. Du temps où il était aux affaires, le taux de chômage élargi de jeunes de 10-29 ans était de 20,6 % %, selon une enquête menée en 2001-2002, dans les principales agglomérations des pays membres de l’Union économique et monétaire (UEMOA). Un taux plus élevé que les 13,8%, représentant le taux de chômage des jeunes de 14-24 ans, issus d’une enquête sur l’emploi menée en 2012 par l’ex-Agence d’Etudes et de promotion de l’Emploi (AGEPE).
C’est dire que l’ancien chef de l’État ne découvre pas, comme par enchantement, le chômage des jeunes. C’est du reste pourquoi, on pourrait trouver incongru qu’il présente cette rencontre avec la jeunesse comme l’occasion de s’imprégner de leurs « problèmes », dont celui du chômage, pour les « comprendre mieux », comme il dit. Pour avoir eu à diriger le pays, il est censé savoir les difficultés d’insertion professionnelle que rencontrent les jeunes. Mieux, pour avoir reçu le rapport de la mission d’écoute des délégations qu’il a envoyées rencontrer les jeunes dans les différentes contrées du pays, il était censé avoir une bonne connaissance des attentes de ses invités. Là où ceux-ci étaient venus chercher des réponses, ils n’ont eu droit qu’à une sorte d’aveu d’impuissance et de promesses. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Gbagbo leur a vendu du vent et de la fumée. Puisque bien des préoccupations posées par les jeunes lors des missions d’écoute sont restées sans suite.
Des préoccupations restées sans réponse
En effet, selon une note du service de communication du PPA-CI, les jeunes ont notamment demandé à l’ancien président : « Vous avez été au pouvoir pendant une dizaine d’années. Quelle (s) mesure (s) avez-vous prises en faveur des jeunes ? » ; « Lorsque vous étiez au pouvoir, vous aviez affirmé que la fonction publique ne peut embaucher tout le monde. Il est donc évident que vous pensiez à l’entrepreneuriat comme alternative. Par quel mécanisme pensez-vous que l’État doit-il inciter les jeunes dans cette solution alternative qu’est l’entrepreneuriat ? » ; « Les jeunes africains ont tendance à quitter l’Afrique par des voies irrégulières, notamment la mer, pour chercher un mieux-être en Europe. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce phénomène et quelles solutions proposez-vous pour l’endiguer ? ». Pour toute réponse à ces questions pour le moins pertinentes, Gbagbo s’est contenté de botter en touche. Tout au plus, a-t-il soutenu, s’agissant de la dernière question, que quand « (il) étai (t) président, les jeunes Ivoiriens n’allaient pas mourir en mer ». Et rien de plus.
Il est resté muet sur le second volet de la question l’invitant à proposer des solutions au phénomène. Pas étonnant : il n’en a pas. Sous prétexte qu’il n’est pas au pouvoir. Et pourtant, du temps où il était aux commandes de l’État de 2000 à 2010, il n’a pas fait grand-chose pour adresser la problématique de l’insertion des jeunes dans le monde du travail, alors qu’il avait entre ses mains tous les leviers de l’État. Sous son mandat, les jeunes désœuvrés s’étaient résolus à passer le clair de leur temps à papoter dans les agoras et parlements, faute d’emploi. D’autres avaient trouvé refuge dans des associations et mouvements de soutien à la patrie, moyennant des subsides qu’ils recevaient des dirigeants d’alors, en lieu et place des opportunités d’emploi. C’est ce bilan peu élogieux que Gbagbo n’a pas osé évoquer lors de sa rencontre avec la jeunesse. Pis, il a manqué de vision en se refugiant dans la pirouette consistant à dire qu’il n’est pas au pouvoir, au lieu de donner aux jeunes, des pistes de solutions qu’il prévoit dans une perspective prospective.
Assane Niada