L’alliance entre le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) peut-elle aller loin ? L’on est en droit de se poser cette question, au regard des propos tenus par le porte-parole du PDCI, à l’occasion de la conférence de presse qu’il a animée le lundi 27 mars 2023 au siège du parti, et cela, en prélude au Congrès extraordinaire. « Le Président du Parti mettra bientôt, tous les cadres du PDCI-RDA sur le terrain à la rencontre des militants et des populations pour proposer une nouvelle offre pour sortir notre peuple de la souffrance, de l’injustice de la pauvreté, de la mévente de leurs produits agricoles. Que les Ivoiriens et les Ivoiriennes se rassurent, le PDCI-RDA est aujourd’hui, la seule alternative crédible au pouvoir. Notre parti est prêt à assumer à nouveau, cette responsabilité », a déclaré de manière péremptoire, Brédoumy Kouassi Soumaïla.
Le PDCI se croit au-dessus du PPA-CI
L’expression qui a attiré notre attention dans la déclaration du député de Tankessé, est le groupe de mots « la seule alternative crédible au pouvoir ». En parlant de la sorte, le porte-parole du parti septuagénaire indique implicitement qu’il y a d’autres alternatives. Mais la plus crédible au pouvoir RHDP, est bel et bien le PDCI. Il n’est point besoin d’être un devin pour comprendre qu’à travers ces propos, le parti de Henri Konan Bédié met à mal, son alliance avec le PPA-CI de Laurent Gbagbo. Les propos du porte-parole signifient que le PDCI n’a aucune considération pour son allié, le PPA-CI, qu’il le minimise ou le sous-estime à la limite. Et pourtant, les deux partis politiques, faut-il le rappeler, se sont rapprochés depuis quelques temps. Henri Konan Bédié (5 mai 1934) avait rendu visite dans le courant du mois de juillet de l’année 2019 à son cadet Laurent Gbagbo (31 mai 1945) à Bruxelles. De retour de la Cour Pénale Internationale (CPI) à La Haye, l’ex-chef de l’État avait retourné l’ascenseur au successeur de Félix Houphouët-Boigny, en lui rendant une visite le samedi 10 juillet 2021 à Daoukro, son village natal. Visiblement, cette visite historique a, semble-t-il, renforcé leur partenariat. Au point où le député-maire pro-Gbagbo de Ouragahio, qui englobe la circonscription du village de naissance de Laurent Gbagbo, Mama, n’a pu s’empêcher de déclarer à un confrère : « On ne peut pas l'exclure. C'est une alliance pour le bien de la Côte d'Ivoire, pas contre quelqu'un ».
Commentant la rencontre entre les deux hommes politiques, le président du groupe parlementaire du PDCI avait pour sa part, affirmé le vendredi 18 février 2022, à Bangolo dans le village de Grand Pin : « Les présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, à Daoukro, ont indiqué que leur rencontre marquait un tournant important, décisif pour l'avenir de notre nation. Et ils ont insisté sur l’importance de notre responsabilité commune devant l’histoire de notre pays ». Simon Doho avait ajouté : « Il s’agit pour nous de rester unis pour consolider les positions politiques de nos deux grands partis dans le pays Wê. Il s’agit pour nous de travailler ensemble pour consolider les positions de nos grands partis au niveau national ». Si les relations entre le PDCI et le PPA-CI se sont améliorées, et qu’elles sont dans une bonne dynamique, d’où vient cette sortie de Brédoumy Soumaïla ? Bien malin qui pourra l’expliquer. Mais en tout état de cause, la sortie du porte-parole du PDCI a remis en cause, tous ces propos, et par conséquent, l’alliance entre le PDCI et le PPA-CI. Si le PDCI dit être le seul crédible pour succéder au RHDP, c'est qu'il disqualifie de facto, son allié du PPA-CI comme un parti à même de bien diriger le pays. C'est une injure à un allié sur lequel le PDCI compte pour arriver au pouvoir. Il est alors clair que le parti de Henri Konan Bédié se positionne comme celui qui est à même de bien diriger le pays si d’aventure le RHDP quitte au pouvoir. Il s’affiche ainsi comme le meilleur parti de l’opposition ivoirienne. Le PDCI jette pour ainsi dire, le discrédit sur tous les partis, et plus encore sur le PPA-CI, du fait de l’alliance qui existe entre eux. Comment alors comprendre la sortie de Brédoumy Soumaïla ?
Alliance Bédié-Gbagbo : un jeu de dupes
Il ne faut pas se voiler la face. L’alliance qui existe entre le PDCI et le PPACI, donc entre Konan Bédié et Laurent Gbagbo, est à l’analyse, un jeu de dupes. En vérité, le parti doyen, qui s’estime comme le seul crédible, pour succéder au RHDP, entend se servir du PPA-CI comme une perche pour se projeter sur le fauteuil présidentiel. Il veut s’appuyer sur ce parti, dont plusieurs membres sont des transfuges du Front populaire ivoirien (FPI), pour accéder à la magistrature suprême. En somme, si l’on veut caricaturer la situation qui prévaut, le PDCI se présente comme le cavalier, et considère le PPA-CI comme le cheval, dont il veut se servir pour conquérir le pouvoir. Mais, c’est mal connaître Laurent Gbagbo, également appelé « le Woody de Mama ». L’homme a plus d’un tour dans son sac. Avec lui, il faut s’attendre à tous les scénarios. C’est probablement pour cette raison que certains acteurs politiques n’ont pas hésité à le surnommer « le boulanger ». Le PDCI s’est empressé d’affirmer qu’il est le mieux placé ou outillé pour succéder au RHDP. Mais, il ne connaît pas l’agenda caché du PPA-CI. Il ne sait pas ce que ce dernier lui réserve. Le PDCI doit se préparer à une réplique de la part du PPA-CI.
Aristide Otré
