
Tidjane Thiam, soudainement orphelin d’un destin présidentiel qu’il s’était sans doute lui-même prophétisé, qualifiant sa radiation de la liste électorale de « choquante, injuste, injustifiée et incompréhensible ».
Un quatuor lexical aussi emphatique qu’imprécis, destiné à dissimuler le véritable nœud de l’affaire.
Son inéligibilité n’est ni soudaine, ni imméritée, mais résulte d’un rapport constant et conflictuel avec le droit national, dont il semble n’accepter la suprématie que lorsque celle-ci lui est favorable.
Tidjane Thiam contre la République depuis 2020
La mascarade solennelle de Tidjane Thiam s’inscrit dans une cohérence limpide, celle du refus obstiné de la légitimité présidentielle d’Alassane Ouattara depuis 2020.
Il l’a suffisamment fait savoir récemment dans des dernières déclarations sur France 24, tv5, etc.
Que l’on se souvienne, le 7 août 2020, dans une adresse ampoulée, il s’auto-décrivait en « acteur de rassemblement », tout en dénonçant à demi-mots ce qu’il appelait alors « une déviation de la démocratie ».
Ce même soir, alors que le pays célébrait son indépendance, lui célébrait sa dissidence, travestissant l’unité nationale en promesse d’un combat politique larvé. Il n’annonçait pas sa candidature, mais il s’autoproclamait guide moral d’une fronde que l’histoire n’a jamais vu émerger.
Depuis, son engagement n’a jamais visé à construire un projet alternatif crédible, mais à délégitimer les règles, à déléguer la défaite future aux institutions, et à reconvertir le rejet de sa candidature en capital de victimisation.
Une posture qui oscille entre djihadisme intellectuel et opacité électorale
Une mystification savamment orchestrée
Ce que certains appellent stratégie, d’autres le nommeraient volontiers djihadisme intellectuel.
Une croisade contre la rationalité juridique, où l’émotion supplante le fait, et où les sondages fabriqués dans les officines numériques remplacent les urnes.
Ainsi, Tidjane Thiam s’est prêté au jeu de l’illusion électorale, depuis hier le 22 avril entretenant l’idée, répétée comme une vérité révélée, qu’il serait largement en tête dans tous les sondages sans jamais en citer un seul émanant d’un organisme reconnu, ou encore moins, en clarifier son échelle de mesure .
Une mystification savamment orchestrée, où les likes virtuels servent de bulletin de vote imaginaire.
Mais, en droit, la popularité ne vaut pas légitimité. Et la loi, n’en déplaise aux mystiques des sondages Facebook, ne se plie pas aux états d’âme numériques.
La radiation entre mémoire administrative et cohérence légale
La décision de radiation n’est ni hasardeuse ni discriminatoire, elle s’appuie sur une réalité têtue.
Les dispositions de la législation électorale ivoirienne imposent une régularité administrative, une présence fiscale et une conformité judiciaire que Tidjane Thiam, en bon globe-trotter financier, n’a pas toujours assumées.
D’ailleurs, nul ne peut ignorer que cette radiation ne résulte pas d’un caprice judiciaire , mais de son propre rapport distancié avec les institutions nationales, et de l’incompétence de son conseil juridique.
Se présenter à la magistrature suprême exige d’avoir au préalable intégré la République non comme une abstraction ou un terrain de projection d’ambitions, mais comme un cadre vivant, exigeant, où les droits se méritent à la hauteur des capacités individuelles en se rendant conforme à ses lois.
Les Institutions contre l’imposture
Jeter l’opprobre sur les institutions, dans une tentative de décrédibilisation préventive, est devenu le modus operandi des perdants en avance.
Quand les faits ne servent pas votre cause, il faut les dévoyer, quand le droit vous contraint, il faut le peindre en instrument d’oppression.
Tidjane Thiam use ainsi de la sémantique de la victime « choquant, injuste, incompréhensible » pour se laver du soupçon d’amateurisme ou de mauvaise préparation.
Pourtant, la CEI et les juridictions compétentes ont tranché en droit, et non en émotion.
Ce n’est pas la République qui le rejette. C’est lui qui s’est tenu à sa marge, qui n’a pas su donner du sens à ses actes à temps pour y prétendre aujourd’hui sans conséquence.
Quand la défaite est programmée, le mensonge devient stratégie
Thiam ne fait pas campagne pour diriger la Côte d’Ivoire.
Thiam ne fait pas campagne pour diriger la Côte d’Ivoire. Il fait campagne pour créer les conditions de sa propre légende, celle d’un président empêché, d’un Mandela de salon, victime d’un système qui aurait craint sa lucidité.
Mais à bien y regarder, c’est moins de lucidité qu’il s’agit, que d’un narcissisme mal camouflé sous les étoffes M du martyr politique.
Les impostures les plus durables sont celles qui font semblant d’être des éveils.
Ainsi, quand on ne peut entrer dans l’Histoire par la grande porte, il reste les marges du roman politique, celles où l’on inscrit, en lettres épaisses et vaines, le récit d’un héros fictif battu par un système qu’il n’a jamais su ni comprendre, ni protéger.
Le devoir de lucidité
Il est l’auteur de son inadéquation.
Tidjane Thiam n’est pas victime d’un système. Il est l’auteur de son inadéquation.
Le peuple mérite mieux qu’une image démocratique bardé de courbes flatteuses et de postures indignées.
La vérité, elle, ne fait jamais campagne, mais elle finit toujours par gagner.
Kalilou Coulibaly Doctorant EDBA, Ingénieur