
Pas parce qu’il était malade ou retenu par une contrainte professionnelle officielle. Thiam était absent tout simplement parce qu’il avait un rendez-vous privé à honorer dans un pays quelconque, le Djibouti. Et c’est justement à ce niveau que se situe aujourd’hui le débat. Peut-être qu’au sein du PDCI-RDA, certains, surtout les nouveaux venus qui se font appelés les ‘‘Ropéros’’, ne le savent pas. Le Bureau politique est l’organe de décision du parti entre deux congrès. Autrement dit, après le congrès qui est l’instance suprême, le Bureau politique est l’organe le plus important. Pour la première session de cet organe sous son magister, Tidjane Thiam a préféré honorer un rendez vous de sa société qu’il a créée en 2021 en Djibouti où il percevra de lourds émoluments, plutôt que de venir perdre son temps au cours d’une rencontre politique.
Cette attitude, au-delà de tous les justificatifs que l’on pourra apporter, remet au goût du jour, la cohérence des actions de Tidjane Thiam et ses ambitions à la tête du PDCI-RDA. À six mois d’une élection présidentielle et dans un contexte où il est au cœur de l’actualité nationale, l’ancien patron du Crédit suisse a trouvé le moyen de ne pas honorer la première réunion du Bureau politique de son mandat. Comparaison n’est pas raison, mais là où, le 31 juillet 1999, Alassane Ouattara a démissionné de son prestigieux poste de Directeur général adjoint du FMI pour venir servir son parti, Thiam a préféré aller chercher du fric avec sa société privée, plutôt que de venir honorer un rendez-vous plus qu’important de son parti dans un contexte particulier où il était beaucoup attendu. Jusquelà, ceux qui osent faire une comparaison entre Alassane Ouattara et Tidjane Thiam sont donc servis. Les deux hommes n’ont pas la même appréhension du sens du devoir, du sacrifice et du don de soi pour les autres.
Alassane Ouattara a démissionné en 1999 pour venir combattre auprès des siens dans un contexte où le régime PDCI-RDA avait levé le glaive sur le RDR. Tidjane Thiam, par contre, est venu en politique après son éviction du Crédit suisse et a été ensuite imposé à la tête du PDCI-RDA par une vieille garde après la mort de Bédié. C’est donc normal que l’homme mette ses activités personnelles avant celles du PDCI-RDA. Mais en agissant ainsi, Thiam donne du grain à moudre à ceux qui soutiennent mordicus qu’il est venu en politique par pur opportunisme et non pas par conviction et par engagement de vouloir servir son pays comme il le prétend. Il ne peut pas en être autrement, parce que depuis qu’il pris les rênes du PDCIRDA le 23 décembre 2023, tout tourne autour de sa personne. Ce nombrilisme est clairement perceptible dans ses prises de parole où, en dehors de quelques références à son grand-oncle, Félix Houphouët Boigny, pour juste parler de sa filiation dans l’optique de contrer les arguments de ceux qui lui attribuent une origine étrangère, Thiam évoque rarement les acquis ou actions réalisées par ses prédécesseurs et aussi les efforts de ceux qui étaient là avant lui. Aujourd’hui, sur un ton qui frise l’arrogance et la suffisance, Tidjane Thiam fait croire que tout ce qui a été réalisé sous l’ère Bédié est de son fait.
Malheureusement, en voulant tout s’accaparer, il finit parfois par se ridiculiser en s’attribuant la paternité de chantiers réalisés soit, quand il était gosse comme l’autoroute du Nord ou encore des chantiers réalisés pendant ses 23 années d’absence du pays comme le cas de la mosquée du Plateau pour laquelle il prétend avoir bouclé les financements, commencé et achevé la construction et même équipé et décoré, alors que tout le monde sait que c’est sous Ouattara que ce chantier atteint sa vitesse de croisière, avant d’être livré en 2012. Comme on peut le voir, l’absence de Tidjane Thiam à la réunion du Bureau politique ne peut être une surprise, dans la mesure où l’homme semble être venu sur la scène politique par effraction, poussé dans le dos pour la vieille garde qui refuse de mourir. C’est pourquoi, tout tourne autour de sa personne et il peut décider quand il veut et comme il veut, lorsqu’il s’agit de participer à une rencontre importante du parti ou d’aller gérer ses affaires personnelles pour ses intérêts personnels. C’est ce qui s’est passé ce week-end à Yamoussoukro et rien d’autre.
Bernard KRA