C’est une tradition pour la quasi-totalité des chefs d’État de la planète de s’adresser à leurs concitoyens à l’avènement d’une année nouvelle. C’est l’un des exercices les plus importants dans la vie d’une nation et c’est justement la raison pour laquelle cette adresse commence et finit toujours par l’hymne national. Chez nous en Côte d’Ivoire, le président de la République, Alassane Ouattara, n’a pas non plus dérogé à cette tradition. Comme cela est de coutume, il a adressé son message à la Nation, le mardi 31 décembre 2024 à 20 heures UTC.
Mais pendant que le président s’adressait à la Nation, Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, a choisi le même moment pour s’adresser aux militants de cette formation. La question fondamentale que l’on pourrait se poser, est de savoir si les militants du PDCI-RDA ne sont pas, eux aussi, des nationaux ivoiriens. Qu’à cela ne tienne. Le président du PDCI-RDA, en tant que responsable d’une formation politique, a le droit de s’adresser à ses militants dans un message solennel, à l’occasion du nouvel an. Mais ce qui heurte la conscience républicaine, c’est le timing de cette adresse du président du plus vieux parti de la Côte d’Ivoire qui devrait logiquement montrer l’exemple. Tidjane Thiam a choisi de s’adresser à ses militants, le même jour, à la même heure et à la même minute, que le président de la République. Ce que Henri Konan Bédié à qui il a succédé, n’a jamais fait, même au plus fort de ses divergences politiques avec le chef de l’État.
En France, quelles que soient leurs contradictions politiques, Jean Claude Mélenchon et Marine Le Pen ne se hasarderont jamais à exprimer leurs vœux aux militants de leurs partis respectifs au même moment que Macron. Là-bas, ils sont, certes, opposants, mais ils ont cette éthique républicaine du respect des institutions de la République et des hommes qui les incarnent. Il n’y a que chez nous, où des gens applaudissent cette outrecuidance du deus ex machina du PDCI-RDA. Tout comme en droit, la forme l’emporte sur le fond, le fait de s’adresser à ses militants au même moment que le premier citoyen du pays, décrédibilise totalement le président du PDCI-RDA et le contenu de son message. La présidence de la République, au-delà de la personne qui l’incarne, est une institution de la République.
C’est d’ailleurs, pourquoi, dans les administrations et les représentations diplomatiques, l’on retrouve toujours le drapeau national et la photo officielle du président de la République. Manquer donc de respect au président de la République, c’est manquer de respect au drapeau national, à la Nation elle-même et aux Ivoiriens. Ce qu’a fait le président du PDCI-RDA n’est pas la manifestation de la démocratie, encore moins de la liberté d’expression, consacrées par la Constitution. Alors, de deux choses l’une : soit Tidjane Thiam, malgré son parcours professionnel et universitaire élogieux, n’a pas les soft skills pour diriger un pays, soit il a été induit en erreur par ses services. Mais dans un cas comme dans l’autre, le président du PDCI-RDA ne peut aucunement avoir une circonstance atténuante. Quand on veut diriger un pays, on ne doit pas se comporter ainsi. Ce qu’a fait Thiam est une irrévérence républicaine indigne du président d’un parti qui a pourtant été à la base de la création de ce pays.
Bernard KRA