Entre Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo, c’est je t’aime, moi non plus. Tout laisse à penser que les deux hommes sont dans une logique de guerre à fleurets mouchetés. Une guéguerre que l’ancien chef de l’État ne parvient plus à cacher. En témoignent ses propos allusifs distillés comme des piques lancées contre Tidjane Thiam, sans pour autant le nommer. Tout se passe comme si, à l’approche de la présidentielle, Laurent Gbagbo avait décidé de ne faire aucun cadeau au président du PDCI-RDA, qu’il voit visiblement comme un probable concurrent. Au cas où il serait finalement admis à prendre part à ce scrutin, le président du PPA-CI ne veut pas que le leader du PDCI-RDA lui fasse de l’ombre. Aussi entend-il le faire savoir à Tidjane Thiam par des propos allusifs à relents de croc-en-jambe. Le dernier acte en date remonte au samedi 8 février dernier à l’occasion du meeting animé par le leader des GOR (Gbagbo Ou Rien) dans un stade de la commune de Marcory.
« On ne peut être un peu Français, un peu Ivoirien… »
À l’occasion, l’ancien chef de l’État s’est invité dans le débat sur la nationalité française du président du PDCI-RDA, qui a défrayé la chronique durant la semaine dernière. « On ne peut être un peu Français, un peu Ivoirien, un peu Danois…Il faut que ce soit clair », a-t-il lancé, sur un ton railleur. On l’aura deviné, Laurent Gbagbo parlait de Tidjane Thiam, sans le citer nommément. Il tire une balle dans les pieds du président du PDCI-RDA. Celui-ci était, en effet, au cœur d’une polémique sur sa nationalité à laquelle il n’a pas encore renoncé, alors que le code électoral dispose que, pour être candidat à l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, il faut être « exclusivement Ivoirien ».
Autrement dit, n’avoir pour toute nationalité que la nationalité ivoirienne. Aussi Tidjane Thiam, qui jouit de la nationalité française, en plus de la nationalité ivoirienne, devait-il avoir renoncé à cette deuxième nationalité, s’il aspire à se présenter à la présidentielle d’octobre. Jusqu’à jeudi dernier, il n’avait pas encore entamé les démarches en vue de la renonciation à sa nationalité française, contrairement à ce que soutenaient des personnalités et militants du PDCI-RDA. Il a fallu que l’universitaire Arthur Banga lève le lièvre sur le sujet, pour que la toile s’affole et que l’on voie l’intéressé annoncer qu’il est venu effectuer les formalités requises.
« Il y en a qui font comme si eux seuls connaissent les gens »
Il n’en fallait pas plus pour que Laurent Gbagbo s’invite dans le débat et retourne l’affaire contre Tidjane Thiam. Le président du PPA-CI voudrait-il enfoncer son homologue du PDCI-RDA qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le leader du PPA-CI a saisi cette perche pour porter un coup à un adversaire politique, qu’il tend à présenter comme partiellement Ivoirien, par opposition à l’Ivoirien 100% qu’il dit être.
À l’évidence, pour Laurent Gbagbo, tout est bon pour fragiliser un potentiel concurrent à la présidentielle. En tout cas, il ne se prive pas de formules assassines pour écorcher le président du PDCI-RDA. Il n’y a pas longtemps, il se moquait de la propension de Tidjane Thiam à faire croire qu’il a un relationnel à nul autre pareil. « Je m’amuse beaucoup quand je vois des gens dire : “Oui, je connais un tel, un tel m’a écrit, je connais un tel.” Mais on se connaît tous ! Le Secrétaire général de l’ONU actuel, António Guterres, j’étais encore dans l’opposition quand il est venu ici pour moi. Donc moi, je le connais depuis bien avant eux tous. Il y en a qui font comme si eux seuls connaissent les gens, mais nous tous, on connaît les gens », a-t-il déclaré au cours d’une semaine en janvier dernier. Selon bien des observateurs, il rétorquait à Tidjane Thiam qui affirmait, à l’occasion d’une activité politique, que l’ancien Président américain, Barack Obama, lui avait écrit du temps où il était à la tête du Crédit Suisse. Des propos qui ont été perçus comme de la vantardise par Gbagbo.
« On cherche un chef d’État, pas un banquier »
Quelques mois plus tôt, soit le 10 mai 2024, à l’occasion de son investiture comme candidat du PPA-CI à la prochaine présidentielle, le même Laurent Gbagbo taclait déjà l’ancien parton du Crédit Suisse. « Il ne faut pas confondre. Ah oui, j’ai été banquier, ah oui, j’ai été ceci. Ici, on cherche un président de la République pour orienter notre économie. Ici en Côte d’Ivoire, on cherche un chef d’État », avait-il lâché. Des observateurs avertis ont tôt fait de dire qu’il brocardait ainsi, en des termes à peine voilés, le président du PDCI-RDA que ses militants tendent à présenter comme un technocrate hors pair, ayant fait ses humanités dans la célèbre banque suisse appelée Crédit Suisse. On le voit, Tidjane Thiam est dans le viseur de Laurent Gbagbo, qui semble écarter toute idée d’être le cheval dont le président du PDCI-RDA peut se servir pour accéder au pouvoir.
Assane Niada
