L’actualité est de plus en plus rythmée par des accusations de fraude sur la nationalité. Après le parti de Laurent Gbagbo qui, depuis l’année dernière, ne cesse de crier à l’inscription frauduleuse de plusieurs personnes sur la liste électorale, c’est au tour du PDCI-RDA de lui emboîter le pas. Le 11 octobre 2024, un journal proche de ce parti titrait à sa Une : « Le PDCI-RDA dénonce l’inscription de plus de 2 millions d’étrangers sur la liste électorale ». Jusque-là, aucun de ces partis qui crient à la fraude, n’a pu avancer des preuves permettant d’établir cette fraude sur la nationalité ivoirienne. A aucun moment, ils n’ont rendu public aucun élément probant pour étayer leurs allégations. Pourtant, cette façon de surfer sur la rhétorique identitaire, avec en point d’orgue, l’acquisition de la nationalité, peut engendrer une crispation du climat politique avec pour conséquence, des tensions entre des communautés. Comme ce fut le cas avant la présidentielle de 2010.
On se souvient que des accusations de fraude sur la liste électorale ont été portées contre Robert Beugré Mambé, alors président de la Commission électorale indépendante (CEI), parce que 900 000 personnes étaient soupçonnées d’avoir été inscrites frauduleusement sur la liste électorale. On parlait alors de « liste grise ». Ce qui avait créé les conditions d’un contentieux électoral enflammé, avec de vives tensions dans plusieurs localités du pays. Des jeunes patriotes, alors favorables au pouvoir de Laurent Gbagbo, s’étaient érigés en gardiens de la nationalité et de ce fait, empêchaient toute personne soupçonnée de ne pas être de nationalité ivoirienne, de venir se faire enrôler. Toutes choses qui ont fini par installer un climat de peur et de terreur qui a conduit au limogeage du président de la CEI d’alors, Robert Beugré Mambé, en février 2010.
Voilà que 14 ans après, les mêmes signaux ayant conduit à des tensions autour de la nationalité, sont en train de s’accumuler avec le risque de réveiller les vieux démons. Comme il y a 14 ans, nombre de ceux qui allèguent des fraudes sur la nationalité ivoirienne, n’en ont pas apporté jusque-là, la moindre preuve. Exception faite du député-maire de Tiassalé, Assalé Tiémoko qui, lui, prétend avoir les preuves de ses accusations. Toujours est-il que les politiques devraient savoir raison garder pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Loin de nous l’idée d’encourager toute fraude sur la nationalité ivoirienne. Bien au contraire. Mais encore faut-il que ceux qui crient au loup avancent des pièces probantes pour soutenir leurs accusations, car le sujet est si sensible qu’on ne saurait accuser un quelconque citoyen de fraude, de façon fantaisiste. Au risque de créer les conditions d’une chienlit comme le pays en a déjà vécu, ces deux dernières décennies.
Assane Niada