L’on sait qu’en Côte d’Ivoire, certains acteurs politiques proches de l’opposition ne peuvent pas exister sans le débat identitaire. Sur ce point, l’on pourrait dire que le molosse ne change jamais sa manière éhontée de s’asseoir, si et seulement si, des hommes politiques d’ordinaire très mesurés et pondérés, n’avaient pas embouché cette trompette de l’ivoirité qui a fait tant de mal en Côte d’Ivoire. Le dernier fait en date, est celui de l’éminent professeur d’urologie et éminent homme politique, Alphonse Djédjé. Oui, le Pr Alphonse Djédjé Mady, ancien Secrétaire général du PDCI-RDA, a violé lui-même les conseils qu’il a prodigués aux jeunes le lundi 17 juillet 2023 lors de la conférence de ralliement de Stéphane Kipré à sa candidature aux élections régionales dans le Haut-Sassandra. Ce jour-là, Djédjé Mady avait sagement demandé à ses partisans de ne pas répondre aux provocations, de prôner un discours de paix et de rassemblement. Deux semaine après, patatras ! Le même Djédjé Mady viole ses propres consignes et devient plus virulent qu’il ne l’a jamais été. De fait, ce week-end, l’ancien ministre de la Santé sous Félix Houphouët-Boigny, s’est fait le chantre de la xénophobie et du tribalisme en invitant ses parents à privilégier l’autochtonie au détriment du vivre-ensemble qui fait la force des communautés et nations. « Fils autochtones du Haut-Sassandra, nous devons nous mettre ensemble pour protéger nos terres. Le président Henri Konan Bédié et le président Laurent Gbagbo se sont concertés pour réunir les enfants de ce pays. Le président Laurent Gbagbo espère que notre union va sauver notre région des mains des prédateurs », a indiqué le candidat du PDCI-RDA, le week-end dernier dans sa région.
La politique de la terre brûlée sous le regard indifférent et/ou approbateur de Bédié et de Gbagbo…
Face à ces propos dangereux pour la cohésion sociale et l’unité nationale, une question mérite d’être posée : Comment le très mesuré et pondéré Djédjé Mady a-t-il pu faire ce revirement à 180° ? Sur la question, il ne faut pas se leurrer. Le retour du débat ivoiritaire et tribaliste semble s’inscrire dans un plan commun, derrière lequel se cache un brumeux projet pour semer le chaos dans le pays. Sinon, comment Djédjé Mady qui, après avoir prôné la paix et la cohésion sociale, peut-il ravaler ses propres vomissures deux semaines plus tard, en demandant à ses parents de voter sur la base de l’ethnie et de l’appartenance tribale ? La réponse peut se trouver dans l’alliance PDCI-RDA-PPA-CI. Ces deux formations partagent quelque chose en commun relativement à la tenue des élections locales du 2 septembre prochain. Le PDCI et le PPA-CI n’ont pas pu couvrir la moitié des circonscriptions du pays en candidats. Plus grave, dans des localités phares où des alliances étaient en vue, le partenariat s’est terminé en eau de boudin. Ainsi, dans un cas comme dans l’autre, le PDCI et le PPA-CI savent qu’ils vont prendre une véritable raclée au soir du 2 septembre. La parade toute trouvée, est de faire monter le mercure politique et éventuellement, provoquer des troubles ou des arrestations en leur sein afin de jeter l’anathème sur les résultats qui sortiront des urnes le 2 septembre prochain.
Sinon, après le boycott actif de 1995, le coup d’État de 1999, la rébellion de 2002, la crise post-électorale de 2011et la désobéissance civile de 2020, rien, absolument rien, ne pouvait amener un homme politique ivoirien digne de ce nom, à débiter à nouveau, des propos tribalistes, sectaires, ivoiritaires et xénophobes qui ont été à la base de tous les malheurs de ce pays. Mais comme nous l’avions indiqué, cela s’inscrit dans une logique et l’ancien Secrétaire général du PDCI-RDA s’est laissé prendre au piège des thuriféraires du PPA-CI. Bien avant lui, c’est Koua Justin qui attisait la flamme de la haine avec des propos orduriers et inutilement provocateurs à l’endroit des deux personnalités de la République, en l’occurrence, le président de l’Assemblée nationale Adama Bictogo et la ministre d’État Kandia Camara. « Tout le monde sait que Bictogo n'est pas ivoirien, il est burkinabé. Mais il est devenu ivoirien parce qu'on peut devenir ivoirien. Mais on peut devenir ivoirien sans avoir un village, ça ne fait rien (…) Ça ne fait rien si Kandia n'a pas de village ; elle est ivoirienne, elle est ministre, on la respecte. Mais il ne faut pas qu’elle s’invente un village. Adama Bictogo, il est ivoirien.
Il est président de l’Assemblée nationale, on le respecte. Mais, il ne faut pas qu’il s’invente un village ; Agboville n'est pas son village », avait-il indiqué. Bien avant Koua Justin, c’était Damana Pickass, l’homme par qui la Côte d’Ivoire a sombré en 2010, qui avait clairement indiqué que quelque chose va se passer dans le pays avant les élections du 2 septembre. « On n'a pas peur de la confrontation. Militants du PPA-CI, à partir de ce soir, on est en crise. On va aller aux élections, mais dans cet état d'esprit de crise. Il ne faudrait pas que qu'ils se méprennent avec notre détermination. Si ça continue, c'est nous qui avons notre calendrier », avait clairement indiqué Damana Pickass. Comme on peut le voir, ces dérives ivoiritaires et xénophobes ne sont pas des paroles en l’air. Incapables d’aligner des candidats à de simples élections locales et hantés par la peur de subir une bérézina devant le RHDP, le PDCI et le PPA-CI ont décidé de pratiquer la politique de la terre brûlée, sous le regard indifférent et/ou approbateur de leurs leaders, Henri Koné Bédié et Laurent Gbagbo.
Kra Bernard