La crise postélectorale aura visiblement définitivement liquidé les liens qui hier, liaient solidement Pascal Affi N’guessan et Laurent Gbagbo. En témoignent les propos peu amènes tenus par le premier à l’encontre du second dans l’interview. Quand il parle de Gbagbo, Affi ne s’embarrasse pas de circonlocutions et autres formules de vénération dont les inconditionnels de l’ex-chef de l’Etat le couvrent généralement. Se prononçant notamment sur la radiation de Gbagbo de la liste électorale, Affi l’a pratiquement appelé à assumer les conséquences de ses turpitudes. « Chacun assume ses actes et essaie de voir comment résoudre les problèmes auxquels il est confronté », lâche-t-il, avant de répéter comme pour enfoncer le clou : « C’est donc à chacun de voir comment agir pour résoudre ses problèmes ». Par ces mots, Affi laisse sous-entendre que l’ex-président du FPI devrait accepter cette radiation comme la conséquence des actes posés durant la crise postélectorale et l’assumer. Pas sûr que ces propos soient bien appréciés par les thuriféraires du nouveau parti de Gbagbo, qui, eux, jurent sur tous les toits qu’ils feront tout pour voir leur mentor retrouver son nom sur la liste électorale.
Le président du FPI sans pitié pour les GOR
Par ailleurs évoquant les bisbilles ayant conduit à la scission du FPI et à la rupture d’avec Gbagbo et son camp, Affi s’en prend sans gants à Gbagbo. De fait, il fait des révélations sur la forte implication de l’ex-leader de la mouvance présidentielle dans les intrigues visant à l’écarter de la tête du FPI, alors que l’opinion le croyait étranger à ces manigances. « Pendant ma détention, on monte une cabale contre moi pour me dégager. A ma sortie, les intrigues se poursuivent pour me nuire. Je cherche à connaître les acteurs de cette cabale, il se trouve que son nom y est mêlé », accuse l’ex-Premier ministre. Qui renchérit : « Je cherche à le rencontrer, il dit pas question de me recevoir pendant sept ans. Et tout ça parce qu’il veut me dégager, il soutient une rébellion contre moi ». Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Affi ne mâche pas ses mots quand il porte cette accusation contre l’ancien leader du FPI, qui semblait, à l’époque, n’être mêlé ni de près ni de loin aux déboires que les « dissidents » lui faisaient subir.
Autre preuve que le pont qui reliait Affi à Gbagbo et ses inconditionnels est à jamais pulvérisé par un missile, ce sont ces autres propos tenus par l’ex-Premier quand il parle de la divergence de vision politique entre le nouveau FPI et l’ancien dont Gbagbo était l’icône. « C’est maintenant que le FPI renoue avec ses valeurs fondamentales. C’est un parti social-démocrate. Ce n’est pas une formation politique de revanchards. Ce n’est pas non plus un parti tribaliste, xénophobe, qui exclut, condamne ceux qui ne partagent pas sa vision et les traite de traites, de vendus, car il y a la liberté de chacun de défendre des valeurs, de choisir une opinion… », assène-t-il. Au passage, il reprend à son compte l’étiquette de pouvoir xénophobe qu’une certaine opinion collait à l’ancien régime FPI.
Par ailleurs, Affi justifie sa profonde divergence avec les Gbagbo ou Rien (GOR) par une lecture du monde antinomique, au lendemain du conflit électoral. Selon lui, le FPI qu’il dirige aujourd’hui aspire à la consolidation de la paix, quitte à se rapprocher de leurs « ennemis » d’hier, alors que les GOR, eux, rêvent de voir les malheurs s’abattre sur ceux-ci. « Nous le faisons (Signer un partenariat avec le parti au pouvoir, NDLR) aussi pour que ceux qui sont dans la logique de vengeance et qui n’apprécient la politique que dans un contexte de règlement de compte entre les acteurs politiques, sachent qu’ils ne peuvent pas compter sur nous », martèle l’ancien Premier ministre. Qui dira plus loin : « Il y a ceux qui pensent qu’il faut rendre le pays ingouvernable en créant des problèmes à ceux qui sont au pouvoir et nous qui ne sommes pas dans cette logique ». Des propos sans ambages qui achèvent d’étaler au grand jour le fossé abyssal qui sépare Affi et ceux qui réclament de lui, des ultras du camp Gbagbo.
Assane Niada