Politique

Coopération Côte d’Ivoire-Nigéria/Kalilou Traoré (Ambassadeur) : « 70% des échanges commerciaux de la région se font sur le corridor Abidjan-Lagos »

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Les nouveaux défis auxquels sont confrontés la Côte d’Ivoire et le Nigéria liés par une communauté de destin, les amènent à s’engager à une synergie d’actions pour relever les défis. Kalilou Traoré, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Côte d’Ivoire près la République Fédérale du Nigeria et auprès de la CEDEAO, a tenu, dans une interview exclusive accordée à notre envoyé spécial à Abuja, à faire le point de la coopération entre ces deux nations.

 Quel est votre point de vue sur la coopération régionale, notamment celle de la Côte d’Ivoire avec le Nigéria ?

La Côte d’Ivoire est sortie d’une longue crise. Pendant cette crise, beaucoup de choses se sont passées, au niveau interne comme au niveau régional et au niveau international.  

Au niveau interne, c’est le ralentissement économique, la dégradation des infrastructures, les fractures sociales, des difficultés à n’en point finir. Au niveau régional, c’est une perte de positionnement de la Côte d’Ivoire, une réduction des parts de marché de la Côte d’Ivoire. Cette dégradation de l’image de la Côte d’Ivoire, a nécessité, dès la prise de pouvoir du Président Alassane Ouattara, de lancer les programmes de reconstruction et plus tard, le programme d’émergence de la Côte d’Ivoire, fixant ainsi des objectifs très ambitieux au niveau national, régional et international.

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Ainsi, notre action au niveau diplomatique s’inscrit donc dans le cadre de ces objectifs que le président a fixés pour notre pays depuis une douzaine d’années, avec des acquis importants au niveau national et international.

Nous apportons une contribution significative à tous les sommets de l’Union Africaine et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Aussi plusieurs grands programmes de la CEDEAO et de l’Union Africaine, ont-ils été placés sous le leadership du Président Alassane Ouattara,

À quel niveau se situent la coopération et l’intégration régionale avec la CEDEAO ?

La CEDEAO est composée de quinze (15) États membres avec un objectif d’intégration politique, économique, sociale et sécuritaire. Le commerce intra-CEDEAO reste encore faible avec 15% des exportations vers les pays membres et 5% à l’importation.

La Côte d’Ivoire, aujourd’hui, est l’un des plus gros exportateurs du marché commun. Il y a d’énormes défis sur lesquels nous travaillons pour que les règles du marché soient adaptées et effectivement respectées.

Au niveau régional toujours, il y a d’autres défis comme l’interconnexion des infrastructures. Il y a le corridor Abidjan-Lagos, qui va fluidifier la circulation entre tous les pays qui sont sur cet axe. Selon les statistiques, 70% des échanges de la région se font sur cet axe. Même les pays du Nord enclavés, descendent sur les pays côtiers et utilisent cet axe. Évidemment, les autres infrastructures ne sont pas en reste des questions d’interconnexion (en énergie, en infrastructures de télécommunication,).  

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Une question qui a défrayé la chronique, il y a quelques temps, c’est celle de la monnaie unique, l’ECO. Lorsque des États veulent faire du commerce entre eux, il n’y a rien de plus important que de faciliter les moyens de paiement. Dans la région, nous avons huit monnaies différentes et cela ne facilite pas du tout l’intégration et les échanges entre nous, bien que nous ayons des règles de marché commun.

Les chefs d’État ont décidé qu’il y ait cette monnaie commune et plusieurs décisions ont déjà été adoptées sur le sujet, comme le nom de la monnaie, l’ECO, le sigle, les critères de convergence, et beaucoup d’éléments sur la future banque centrale.

L’ECO était initialement prévue pour 2020 et puis, il y a eu un certain nombre de difficultés, notamment sur le respect des critères de convergence. Ces difficultés ont été accentuées avec la crise sanitaire COVID-19 et la guerre en Ukraine qui ont beaucoup affecté nos économies. Les travaux se poursuivent et le lancement de l’ECO est prévu pour 2027.

En tant que diplomate, comment voyez-vous le positionnement de la Côte d’Ivoire à l’échelle internationale ?

Aujourd’hui, on peut dire que la Cote d’Ivoire est positionnée comme un pays de référence à tous points de vue, dans la région, sur le continent et à l’international. La Côte d’Ivoire abrite chaque année, beaucoup de conférences de niveau international. On peut citer la quinzième Conférence des parties (COP15) de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification qui s’est tenue à Abidjan en mai 2022, le Congrès de l’Union postale Universel en 2021, le CEO Forum African, depuis quelques années, la prochaine coupe d’Afrique, etc… Tout   cela indique, s’il en était encore besoin, la reconnaissance de la communauté internationale à la Côte d’Ivoire.

À travers les différents indicateurs qui sont publiés par les institutions de Breton Wood et d’autres agences, la perception sur la Côte d’Ivoire n’arrête pas d’augmenter en termes de classement sur les pays les mieux gouvernés et les moins corrompus.

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Quel commentaire faites-vous du niveau sécuritaire, notamment les attaques terroristes ?

Le défi sécuritaire d’aujourd’hui est certainement le plus pressant pour tous nos pays de la région. La montée du terrorisme et de l’insécurité est de plus en plus visible depuis une dizaine d’années, avec des attaques fréquentes, des millions des victimes, des centaines de milliers de morts et des millions de personnes déplacées.  

Notre pays prend une part particulièrement importante dans la recherche de solutions à ce défi dans le cadre régional de la CEDEAO. Cela a amené le pays à prendre beaucoup d’initiatives, au niveau national, notamment dans les zones frontalières, mais aussi des actions de coopération avec les pays voisins dans le cadre de ce qu’on appelle l’initiative d’ACCRA.

Dans le cadre de la CEDEAO, un plan de lutte contre le terrorisme a été mis en place pour renforcer la coopération régionale dans ce combat. Des actions sont également entreprises avec l’Union africaine, les Nations Unies et plusieurs partenaires au développement. La construction à Jacqueville de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme fait partie des initiatives prises par la Côte d’Ivoire en coopération avec la France.

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Quel bilan partiel dressez-vous de votre présence à Abuja ?

Notre action s’inscrit dans le programme du gouvernement de faire de la Côte d’Ivoire, un pays émergent. Nous avons une mission importante avec le Nigéria et avec les institutions de la CEDEAO.

Sur le plan bilatéral, notre approche est de faire en sorte que le renforcement de la coopération entre le Nigeria et la Cote d’Ivoire, en tant que les plus grands pays de la région, puisse tirer la coopération régionale vers le haut pour toute la CEDEAO au bénéfice de toute la région.

Nous avons un cadre de coopération et de rencontre avec la grande commission mixte entre les deux pays où nous faisons le point de la coopération sur tous les plans. La dernière édition a eu lieu en novembre 2021 et la prochaine édition est prévue pour se tenir en 2023 ici au Nigéria avant la fin de l’année.

Sur le plan économique, nous travaillons avec le département central et particulièrement, la direction de la politique économique. Nous allons valider très prochainement, une étude faite avec le BNETD sur les perspectives économiques entre la Cote d’Ivoire et le Nigeria. Cette étude donnera des orientations en matière d’appui gouvernemental et donnera une plateforme d’informations pour les opérateurs économiques.

Nous organisons des activités de promotion des investissements et de rapprochement entre les opérateurs économiques des deux pays avec des rencontres virtuelles ou des voyages.

Nous avons récemment organisé le voyage du contrôleur général des Douanes du Nigeria en Côte d’Ivoire pour discuter avec les différents acteurs en vue de rechercher des solutions aux problèmes d’accès aux marchés entre les deux pays.

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Actuellement, le Nigéria exporte en Côte d’Ivoire, environ 1,5 milliard de dollars (900 milliards F CFA), mais c’est essentiellement du pétrole brut pour ravitailler la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR). La Côte d’Ivoire exporte au Nigéria, des produits manufacturés divers pour environ 100 millions de dollars (70 milliards FCFA)]. Ce n’est pas assez ni pour le Nigéria, ni pour la Côte d’Ivoire, parce que ces deux pays ont de grandes capacités industrielles.

Au niveau de la coopération en matière de sécurité et défense, les deux pays échangent des officiers pour des formations dans les écoles militaires.

Au niveau du tourisme, lorsque vous rencontrez des gens, tout le monde vous dit, il faut que j’aille visiter la Côte d’Ivoire. C’est une très bonne opportunité pour nous. Nous essayons d’organiser les flux touristiques et les voyages d’affaires sur la Côte d’Ivoire, surtout que les Nigérians veulent découvrir la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire va accueillir bientôt, la Coupe d’Afrique des Nations, les Nigérians sont fans de football et nous sommes en train de travailler pour promouvoir l’événement ici et aider les Nigérians à y participer massivement.

Ces jeunes n’attendent pas toujours qu’on leur donne de l’argent

La jeunesse est au cœur du programme de gouvernance de nos États, qu’est-ce qui est fait pour elle au niveau de la coopération bilatérale entre les 2 pays ?

La décision de déclarer cette année 2023, année de la jeunesse, nous l’avons tous accueillie avec beaucoup de joie. La jeunesse, c’est 70% de la population. Et c’est la frange la plus dynamique et créative de notre société. Nous avons une communauté ivoirienne qui est estimée à environ 3000 personnes ici au Nigéria. Cette communauté est très jeune, dynamique, combative et aussi très sérieuse. La grande majorité sont des jeunes qui sont dans les différents secteurs de métiers dont principalement la couture, le commerce, la restauration… Nous avons déjà commencé à travailler avec eux en mettant en place, d’abord, un fonds de solidarité et à l’alimenter pour les aider à financer leurs petites activités. Nous sommes en train d’ouvrir un atelier pilote de couture pour aider ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir du matériel de pouvoir travailler. Nous allons solliciter davantage le pays pour nous permettre d’accompagner cette jeunesse. Nous allons plaider pour que la jeunesse qui est sortie du pays, puisse bénéficier des opportunités mises en place.

Vos compatriotes attendent des actions de l’ambassade. Quels sont vos grands projets à venir ?

Notre priorité est d’ouvrir un bureau à Lagos, parce que c’est le cœur économique du Nigéria et nous y avons la plus grande partie de nos compatriotes. Nous travaillons avec le département central et certains partenaires pour non seulement régler les questions consulaires, mais aussi pour que ce bureau soit une représentation économique. Ceci, pour permettre d’accueillir les opérateurs économiques qui viennent de la Côte d’Ivoire en relation avec la communauté ivoirienne qui est là-bas, afin de mieux s’intégrer dans le tissu. Nous espérons qu’à travers ce bureau, la communauté ivoirienne qui se trouve à Lagos puisse également avoir des partenaires en Côte d’Ivoire et améliorer le commerce entre les deux pays.

Actuellement, nous avons le transport aérien (Air Côte d’Ivoire) qui dessert chaque jour, Lagos et 3 fois par jour, Abuja.

Mais pour la route, nous sommes en pourparlers avec les grandes entreprises ivoiriennes de transport terrestre pour pouvoir fluidifier la circulation des personnes et même des marchandises. Aux dernières nouvelles, une entreprise de transport devrait ouvrir bientôt une ligne directe Abidjan-Lagos.

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Ces jeunes n’attendent pas toujours qu’on leur donne de l’argent. Ils attendent qu’on accorde de l’attention à leurs préoccupations et qu’on les accompagne institutionnellement.

Nous associons la communauté à toutes les activités de l’Ambassade et nous faisons en sorte que l’image du pays puisse rejaillir sur leurs contacts et relations personnels.

Votre mot de la fin…

Nous voulons remercier nos autorités en commençant par le Président de la République SEM Alassane Ouattara, le Premier ministre Patrick Achi, Madame la Ministre d'État, Ministre des Affaires étrangères, de l'Intégration Africaine et de la Diaspora, Kandia Camara et ses services, le Ministre délégué auprès de la Ministre d’État, Ministre des Affaires étrangères, Adom Kacou Houadja Léon  et tous les ministres, notamment celui du commerce et l’industrie, des Mines, du Pétrole et de l’énergie, du Tourisme et du Transports, sans oublier le Directeur Général des Douanes avec lesquels nous travaillons actuellement. Sans leur soutien, nous ne pourrions faire ce travail.

Réalisée par Joël Dally, envoyé spécial à Abuja

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