La vice-présidente du Parti des peuples africains, section Côte d’Ivoire (PPA-CI), chargée de la mobilisation, Marie-Odette Lorougnon, s’est livrée à une dérive langagière en commentant l’arrestation, suivie de l’incarcération de 26 partisans du PPA-CI. Grisée sans doute par la foule, elle a cru devoir tirer à boulets rouges sur le pouvoir. C’est alors qu’elle a procédé à un amalgame en juxtaposant les déboires subis par les 49 soldats ivoiriens détenus au Mali six mois durant et qui ont été libérés le 7 janvier 2023, avec la situation des 26 partisans du PPA-CI condamnés le jeudi 9 mars dernier. « Nous les avons vus ici : pour 46 mercenaires qu’ils ont envoyés en mission, ils ont pleuré ; Ouattara a pleuré, partout. Il a pleuré dans tous les pays, en France, partout, pour qu’on libère les mercenaires. Les mercenaires n’ont pas le droit de faire la prison mais ce sont les Ivoiriens qui doivent être en prison », a martelé Odette Lorougnon.
Par ces mots, la sulfureuse vice-présidente du PPA-CI a fait une intolérable sortie de route. Elle accuse, en effet, les autorités ivoiriens d’avoir « envoyé (au Mali) 46 mercenaires ». De graves accusations qui viennent contredire la position défendue par Abidjan au plus fort de la crise des 49 soldats, pris en otage par la junte malienne, mais aussi celle de la justice malienne elle-même, laquelle avait finalement reconnu que ces 49 soldats étaient bel et bien des Ivoiriens et non des mercenaires étrangers. Alors que le dossier a été clos il y a trois mois, par une grâce présidentielle accordée à ces 49 soldats, dont la nationalité ivoirienne ne souffrait plus d’aucun doute, voilà que Marie-Odette Lorougnon, elle, continue de répandre dans les esprits la thèse selon laquelle ces malheureux soldats ivoiriens n’étaient que des mercenaires. En soutenant cela, non seulement elle remet en cause les documents officiels produits par la Côte d’Ivoire et qui attestaient de la nationalité ivoirienne de ces 49 soldats et de leur appartenance à l’armée ivoirienne, mais aussi elle contribue à perpétuer la théorie complotiste tendant à faire croire que les autorités ivoiriennes s’étaient attachées les services de mercenaires pour tenter de renverser les militaires au pouvoir au Mali. Il s’agit là assurément d’une dérive langagière qui dénote de l’immaturité politique de cette responsable du PPA-CI, habituée à des écarts de langage au nom d’une prétendue liberté d’expression. Que faut-il donc pour faire comprendre à dame Odette Lorougnon que le mot est un fusil ?
A l’évidence, elle ne semble pas en être consciente, elle qui, poursuivant, estime que les « mercenaires n’ont pas le droit de faire la prison mais ce sont les Ivoiriens qui doivent être en prison ». Si on ne saurait lui dénier le droit de porter un regard sur la décision de justice ayant conduit à l’emprisonnement de 26 partisans du PPA-CI pour trouble à l’ordre public, il est cependant regrettable qu’elle développe une rhétorique à relent identitaire tendant à opposer d’une part « les mercenaires » supposés être étrangers à des « Ivoiriens » qui sont jetés en prison. En établissant un parallèle entre la situation des 49 soldats ivoiriens qu’elle taxe de « mercenaires » et celle des « Ivoiriens », sous-entendus les partisans du PPA-CI, condamnés récemment pour trouble à l’ordre public, Odette Lorougnon, laisse voir qu’elle reste prisonnière de ce narratif identitaire, qui semble lui coller à la peau depuis les années de gestion du pouvoir par son ancien parti, le Front populaire ivoirien (FPI).
Il est temps qu’elle soit gagnée par la sagesse au risque d’apprendre à ses dépens que la parole peut vous perdre quand vous en faites un mauvais usage. C’est ici le lieu d’interpeler la direction de son parti de la rappeler à l’ordre, comme elle l’a fait promptement pour démentir un communiqué prétendument signé par le Secrétaire général du PPA-CI, Damana Adia Pickass, appelant à une prochaine marche contre la décision de justice prise à l’encontre des 26 partisans du PPA-CI. Sous peine de se rendre complice de ce dérapage de trop de dame Odette Lorougnon.
Assane Niada