À bord d'un véhicule de type 4x4 arborant le logo de la Brigade, un agent de la Gendarmerie Nationale est au volant, accompagné de trois femmes agents contrôleurs de commerce. Nous quittons les locaux de la BCR, situés au Plateau.
Suite à des dénonciations de clients sur la plateforme numérique de la Brigade, notre équipe se dirige vers la commune de Bingerville, plus précisément dans les environs du quartier Feh Kessé. Il est 10h00, ce 25 mai 2023, dans le sous-quartier Yopoumin, cité Mitterrand, sur le prolongement du boulevard Mitterrand.
Des constats effarants
En longeant une voie non bitumée, nous nous engouffrons dans les ruelles de la zone à la recherche de boutiquiers véreux qui ne respectent pas les prix plafonnés des denrées alimentaires de première nécessité, imposés par le gouvernement. La cheffe d'équipe, Mme Hassan, fait stationner notre véhicule de commandement devant l'épicerie de Barry Aliou. Hésitant, le jeune gérant refuse l'accès de sa boutique aux agents. La cheffe d'équipe lui intimide l'ordre d'ouvrir le magasin. Un rapide contrôle des prix dans les rayons laisse les agents pantois. Aucun prix n'est affiché, ce qui constitue une violation de la loi, violation que Mme Hassan lui fait remarquer. Plus grave encore, le propriétaire des lieux a dépassé les prix en vigueur. Par exemple, l'huile Dinor d'1,5 litre est plafonnée à 1775 F CFA, mais l'épicier la vend à 1900 F CFA. Les tomates Alyssa de 475 g, dont le prix plafonné est de 450 F CFA, sont vendues par Barry à 500 F CFA. « Je vais vous expliquer la procédure. Lorsque nous arrivons sur le terrain suite à une dénonciation des clients, nous vérifions les prix. Ici, les huiles d'1,5 litre et les sacs de riz Maman de 22,5 kg ne respectent pas les prix. Nous allons vous remettre une convocation, puis nous emporterons les produits qui ne respectent pas les prix. Vous devrez vous rendre dans nos bureaux avec les reçus d'achat de vos produits », explique Mme Hassan.
Confus, le jeune gérant se confond en excuse. Impuissant, il passe un appel téléphonique. Son interlocuteur souhaite parler aux agents du ministère du Commerce. La cheffe de mission décline poliment l'échange. L'opération d'enregistrement, de saisie et d'embarquement des produits incriminés commence avec la collaboration de l'agent de la Gendarmerie Nationale.
Le fraudeur fait de la résistance
Une dizaine de minutes plus tard, l'interlocuteur de Barry Aliou se présente aux agents. Il s'agit du propriétaire des lieux. Après de nombreuses négociations, les agents de la BCR restent intransigeants. Refusant d'assumer sa part de responsabilité, le propriétaire rejette la faute sur l'incompétence de son gérant. Pour se donner bonne conscience, il accuse ce dernier d'avoir oublié d'afficher les prix sur les étagères. Nous quittons les lieux pour une autre destination.
Dans une autre ruelle de Yopoumin, Aziz Mohamed est débordé par l'affluence des clients. Le constat est presque le même dans sa boutique. Contrairement à son collègue de l'autre rue adjacente, les prix des denrées sont affichés dans son épicerie. Toutefois, ces prix sont nettement supérieurs au prix plafond. « Ces prix que vous voyez ne sont pas de mon fait ; en effet, les grossistes me livrent les produits à des coûts élevés », se défend Aziz.
Il confirme ses explications en fournissant les reçus d'achat des grossistes. Malgré cette justification pour le moins compréhensible, les contrôleurs de la BCR saisissent les produits incriminés tout en lui remettant une convocation.
Avant d'embarquer les marchandises dans le véhicule de patrouille, Aziz Mohamed s'oppose à la saisie de ses marchandises. Une attitude qui irrite la cheffe de mission. Selon Mme Hassan, Aziz Mohamed aggrave sa situation, car il donne l'impression de couvrir les grossistes. Selon les dires des agents de la BCR, les saisies des marchandises ne respectant pas les prix plafonnés sont nombreuses dans les différentes boutiques.
Au-dessus de la loi ?
Une seconde mission, cette fois à la cité Ado à Yopougon Micao, le 12 juin 2023, avec une autre équipe, en dit long sur la surenchère autour des prix des denrées de première nécessité dans les quartiers.
Ici, en face de l'entrée de la cité, la boutique de Hamdy Hamed affiche complet. Les marchandises soigneusement rangées ne laissent aucun doute quant à leur qualité. Erreur d'appréciation.
L'absence criante d'hygiène laisse à désirer. Des produits en état de putréfaction sont fièrement exposés dans le mini-market. Stupéfaits, les agents de la BCR procèdent au retrait systématique des produits en question.
La vente au détail étant interdite, il est indéniable que le sieur Hamdy se moque éperdument de la réglementation. De plus, l'hygiène ne semble pas être sa priorité.
En effet, non seulement le boutiquier continue de vendre le lait au détail, mais le lait en question est périmé. Des taches moirées et verdâtres sont présentes au fond du sac de lait.
Les agents de la BCR sont furieux face à cette découverte. Conséquence : des boîtes de conserve et plusieurs produits sont retirés des étagères.
Pensant être au-dessus de la loi, Hamdy, après avoir reçu sa convocation, jette aux agents que le bout de papier est insignifiant à ses yeux.
Olivier YEO