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Interview/ Indemnisation des victimes d’accidents-Mme Karidjétou Koné (DRH et Directrice juridique du FGA):« On indemnise les accidentés dont le véhicule a pris la fuite ou n’est pas assuré »

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En cas d’accident, les blessés et même les parents des personnes décédées suite à l’accident, peuvent se tourner vers le Fonds de garantie automobile (FGA). Mais dans quel cas ? Que peut faire cette structure publique pour eux ? Mme Karidjétou Koné, directrice juridique et des ressources humaines du FGA, répond à toutes ces questions.

Quand a été créé le Fonds de Garantie Automobile ? Quelles sont ses missions ?

Le Fonds de Garantie Automobile (FGA) a été créé par décret en avril 2009. Elle est entrée effectivement en fonction en janvier 2010. Il s’agit pour l’Etat de prendre en charge les accidentés de la circulation en cas de délit de fuite du véhicule, à l’origine de l’accident ou défaut d’assurance.

Comment le parent d’un accidenté se trouvant dans ce cas,  peut-il saisir le FGA ?

Nous avons constaté que certains blessés, qui venaient à nous pour engager les démarches d’indemnisation, portaient de graves séquelles parce qu’ils n’avaient pas eu les moyens pour faire face aux soins que nécessitait leur situation. Pour remédier à cette situation, nous avons ouvert un premier bureau au CHU de Yopougon, puis au CHU de Treichville, de Cocody et d’Angré et dans les hôpitaux généraux de Bouaké, Korhogo, San Pedro, Bondoukou et Bôdô, sur l’autoroute du Nord. Désormais donc, ce sont nos agents qui vont, chaque jour, dans les salles d’hospitalisation voir s’il y a des accidentés. Quand il y en a, l’agent lui demande de donner un contact sur lequel on joint un parent du blessé. Quand le parent se présente à notre bureau du CHU, il remplit une fiche de déclaration de sinistre qu’il va aller faire remplir dans le commissariat qui a fait le constat.

Pourquoi dans un commissariat ?

Sachez que pour tout accident de la circulation, il faut le PV de constat. C’est ce document seul qui permet de dire qu’il s’agit bien d’un accident de la circulation et qui va déterminer les responsabilités. C’est pourquoi nous renvoyons les parents vers le commissariat. Pour répondre à l’urgence de prendre en charge médicalement le blessé, nous avons conçu cette fiche pour pallier quelque peu le retard que peut mettre la transmission du PV de constat.

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Sur la fiche, on indique s’il s’agit d’un cas de délit de fuite, de défaut d’assurance ou de véhicule assuré. Quand c’est un véhicule assuré, nous facilitons le contact avec l’assureur pour qu’il prenne en charge rapidement l’accidenté. Il arrive que certaines compagnies nous demandent d’assurer la prise en charge et elles vont nous rembourser. Cela s’appelle la prise en charge pour compte. Mais quand c’est un cas de délit de fuite ou défaut d’assurance, nos agents scannent la fiche qu’ils nous transmettent rapidement par mail, accompagnée d’une demande de prise en charge. Et nous délivrons la lettre de garantie.

Qu’est-ce que c’est ?

Après réception de ces documents, nous délivrons un bon de prise en charge que nous appelons lettre de garantie. C’est une lettre que nous adressons au directeur du CHU concerné pour lui dire que le Fonds de garantie s’engage à prendre en charge tous les frais de l’accidenté. Cette lettre est déposée au bureau des entrées, à la pharmacie du CHU et dans une pharmacie privée de la zone avec laquelle le Fonds a signé une convention pour des médicaments non disponibles à la pharmacie du CHU. Aucun soin que nécessite son état n’est exclu. Celui qui choisit de se faire traiter dans une clinique privée, quand il finit, il nous envoie les factures et nous allons faire des ajustements.

Qu’est-ce à dire ?

Par exemple, si un scanner dans un CHU coûte 50 000 FCFA et que le même scanner est facturé à 200 000 FCFA dans une clinique privée, quand la victime nous envoie la facture, on lui rembourse seulement les 50 000 FCFA que coûte ce scanner dans un CHU. Nous n’intervenons que dans des hôpitaux publics. Une autre situation qu’il nous arrive de prendre en charge, c’est celle d’un accidenté transféré dans un hôpital public et qui est dans le coma ou est incapable de parler.

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On l’appelle patient x ; on le prend tout de suite en charge sans attendre de savoir s’il répond à nos critères. S’il se réveille et qu’il peut nous donner des informations, on va appeler ses parents et on va ouvrir la procédure. Mais, retenez qu’on ne le laissera pas sans soin parce qu’on ne sait pas si c’est un accidenté dont le cas est pris en compte par nous ou une compagnie d’assurance. Même si c’est une victime d’un véhicule assuré, on peut la prendre en charge, dans ce cas elle rentre dans le cadre de ce que j’ai appelé tantôt la prise en charge pour compte.

Vous avez parlé de l’importance du PV de constat dans la procédure. Et s’il n’y a pas eu de constat ?

Au cas où il n’y a pas eu de constat, les forces de l’ordre vont procéder à la reconstitution, même plusieurs années après. Nous avons beaucoup de dossiers où l’accident a été reconstitué. Nous avons reçu le dossier d’un jeune homme qu’on dit avoir été victime d’accident sur l’autoroute du Nord à 22H. Il a été renversé par un véhicule qui a pris la fuite. Ce sont les sapeurs-pompiers qui sont allés le prendre. Quand on nous a envoyé son dossier, nous avons demandé à voir le rapport d’intervention des sapeurs-pompiers prouvant qu’il a été effectivement enlevé sur une voie publique suite à un accident. Le document nous a été transmis et le dossier a été validé.

En plus du PV de constat, quels sont les autres documents que les parents des victimes doivent vous fournir ?

Lorsque la victime est encore à l’hôpital, on demande au parent de nous fournir sa pièce d’identité pour pouvoir remplir la déclaration de sinistre en vue de sa prise en charge. Si elle n’en a pas, on va demander son extrait de naissance, à défaut, tout document pouvant justifier de son identité. Mais, il nous est arrivé d’avoir des cas où l’accidenté n’avait aucune de ces pièces disponibles immédiatement. Dans ce cas, on se contente du nom que nous donne son parent pour entamer la procédure tout en leur demandant de nous apporter plus tard la pièce d’identité.

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Donc la production d’une pièce d’identité ne peut être un facteur bloquant pour la prise en charge. Il nous est arrivé d’avoir des accidentés qui sont des malades mentaux, des fous comme on dit trivialement. Ce sont des êtres humains donc ils nécessitent des soins. On les nomme patients x et on prend en charge leurs soins. On ne soigne pas leur folie mais les séquelles de l’accident. On soigne tout le monde, même les étrangers, tant que l’accident s’est produit sur le sol ivoirien.

Quels autres documents réclamez-vous en plus de la carte d’identité ?

Quand l’accidenté est guéri, il y a tout une liste de documents à fournir : un certificat médical, un certificat de vie etc. En cas d’accident, une compagnie d’assurance réclame un certificat médical initial dans lequel sont décrites les lésions causées par l’accident. Le certificat initial permet de confronter l’expertise réalisée après guérison avec les lésions décrites dès que l’accident s’est produit. Il permet de détecter une éventuelle incohérence dans le dossier. Pour nos victimes, nous payons le certificat médical. Même si c’est une victime d’une compagnie d’assurance, celle-ci va lui rembourser ce qu’il a déboursé pour le certificat médical. Quand quelqu’un fait un accident, tout ce qu’il fait comme dépense lui sera remboursé, même ses frais de déplacement, tant qu’il peut le prouver par un reçu de paiement.

Qu’en est-il de l’indemnisation de l’accidenté une fois qu’il sort de l’hôpital ?

L’indemnisation n’intervient que lorsque vous êtes totalement guéri. On a par exemple le dossier d’une victime qui est déjà sortie de l’hôpital mais qui ressent encore des douleurs. Donc le Fonds va continuer d’assurer les frais que nécessitent ses soins additionnels. Le jour où il sera guéri, son médecin traitant va nous produire  un certificat médical de consolidation ou de guérison. C’est nous qui payons. Une fois ce certificat de consolidation délivré, on passe à la phase d’indemnisation.

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On adresse un courrier à la victime pour lui demander l’original de son extrait d’acte de naissance, les originaux des justificatifs des frais médicaux, les justificatifs des revenus de l’accidenté si c’est un adulte. Mais si c’est un mineur, on ne demande pas ça parce que l’enfant n’est pas censé travailler. On demande les justificatifs de revenu parce que si, en raison de l’accident, la victime n’a pas travaillé pendant un certain temps et donc n’a pas perçu de salaire ou de revenu mensuel, on lui paie tout ce qu’il aurait dû percevoir pendant tout ce temps.

Et si c’est un travailleur indépendant ?

Même s’il ne travaille pas, on se dit qu’étant majeur, il peut gagner par mois ne serait-ce que le SMIG. Donc on fera les calculs sur la base du SMIG. S’il fait 6 mois sans travailler du fait de l’accident, il percevra l’équivalent de 6 fois le SMIG pour l’incapacité temporaire de travail (ITT). Quand la victime nous fournit toutes les pièces demandées, on transfert le dossier chez un expert, qui est un médecin inscrit auprès des tribunaux, lequel va nous produire un rapport d’expertise. Il va évaluer tout ce que la victime a eu comme séquelle. Il va calculer l’incapacité temporaire totale, l’incapacité permanente partielle (IPP) c’est-à-dire le fait que l’accident ait réduit les capacités de la personne à se mouvoir.

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Il va également évaluer le pretium doloris c’est-à-dire le prix de la douleur, autrement dit la douleur que la victime a ressentie au moment de l’accident, cela au vu du certificat médical initial et des soins qu’elle a reçus. Il va également calculer le préjudice esthétique c’est-à-dire l’impact de l’accident sur la beauté physique de la victime. C’est sur la base de ce rapport d’expertise que nous procédons à l’indemnisation en prenant en compte, en plus des montants déduits des observations de l’expert, les frais médicaux engagés par l’accidenté. Si c’est un fonctionnaire, on ne paie pas l’ITT, de même que si c’est un mineur. Au Fonds de garantie, nous ne payons pas non plus le préjudice esthétique.

 Sont-ce les parents de la victime qui vous saisissent directement ou une ONG ?

La démarche la plus récurrente, ce sont les dossiers directs c’est-à-dire les victimes elles-mêmes qui portent leur cas à notre connaissance. On leur demande d’abord la copie du PV de constat. Dès qu’on la reçoit, on leur donne la liste des pièces à fournir. Tant que la dernière pièce n’est pas déposée, on ne peut pas entamer la procédure. Il y a aussi certaines ONG qui nous saisissent pour le compte de certaines victimes. On a aussi quelques cas où ce sont les avocats et les huissiers qui nous saisissent également.

Qu’en est-il de l’indemnisation en cas de décès ?

En cas de décès, on demande aux parents de nous fournir un certain nombre de pièces. Ici, il y a plusieurs documents à produire. On demande un certificat de décès, un certificat de genre de mort pour nous assurer que l’accidenté est bien décédé des suites d’un accident de la voie publique. On demande aussi la carte d’identité du défunt ; les pièces de chacun de ses enfants s’il a des enfants ; l’acte de mariage de son conjoint s’il est marié ; le certificat de vie des ayants droit pour s’assurer qu’on ne paie pas à des ayants droit qui sont décédés. On va même demander son bulletin de salaire des 12 mois ayant précédé son décès. C’est sur la base tous ces documents qu’on va faire le calcul des indemnités. S’il vit en concubinage, on ne donne rien à sa femme. On rembourse également les frais funéraires (conservation du corps, cercueil, transport du corps) mais tout cela dans un plafond de 900 000 FCFA.

Réalisée par Assane Niada

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