Société

Reportage/Sommation aux occupants illégaux de vider les chambres des cités Universitaires : Au cœur de la détresse des étudiants des résidences universitaires

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Après un premier ultimatum, ils doivent libérer les chambres qu’ils occupent illégalement, jusqu’à samedi, au risque de se faire vider de force par la police. Depuis jeudi, les étudiants désertent les cités sous grosse pression. L’Avenir a fait le constat.

Depuis le mardi 1er octobre 2024, les évènements au sein du monde estudiantin et scolaire s'enchaînent à une cadence supérieure à la normale. Dans un communiqué, le Procureur de la République près le Tribunal de première instance du Plateau, a annoncé, la découverte du corps sans vie au CHU de Cocody dans des circonstances non encore élucidées, du nommé Agui Mars Aubin Deagoué alias ‘’Général Sorcier’’ (49 ans), membre influent de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). Depuis cette annonce, les campus sont secoués par des vagues de tension.

L’Etat prend les choses en main

Après l’arrestation, le mercredi 2 octobre, du secrétaire général de la FESCI, Kambou Sié et 6 autres de ses collaborateurs, interpellés dans le cadre de cette affaire. Un communiqué du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a mis toutes les cités universitaires en branle. « Les étudiants occupant les chambres des cités universitaires des Centres Régionaux des Œuvres Universitaires (CROU) de façon illégale, sont invités à libérer lesdites chambres en emportant tous leurs effets personnels, dès le mercredi 2 octobre 2024 », a indiqué la note signée du directeur de cabinet adjoint dudit ministère, Djimbala Diakité. Et d’ajouter qu’en « guise de démarrage de cette opération, dès ce jeudi 03 octobre 2024 à 12h00, les agents du CROU A1, aidés des forces de l’ordre, veilleront à l’application effective de cette décision dans les cités du campus de Cocody ».

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C’est ce dernier paragraphe qui met depuis lors tous les étudiants résidents des cités universitaires dans une angoisse totale. Il est 15h20, ce jeudi 3 octobre 2024. La présence d’un important détachement des CRS (police) devant la première université publique du pays, au niveau de l’entrée CHU de Cocody, donne déjà un petit aperçu de l’ambiance à l’intérieur de l’Université Félix Houphouët-Boigny. Ce jeudi après-midi, un silence de cimétière règne sur le campus. ‘‘L’heure est grave’’, comme on le dit dans le jargon estudiantin. Les étudiants directe[1]ment concernés par la mesure n’ont pas une seconde à perdre. Il faut rapidement quitter les lieux au risque de se heurter à la force publique, qui est mise en branle depuis quelques jours. Pas de temps à perdre, c’est une course contre la montre qui est engagée. Le ballet incessant des véhicules, taxis et autres fourgonnette de déménagement, est un spectacle inhabituel en ces lieux. Valises, sacs, réfrigérateurs, lits, fauteuils, climatiseurs, ventilateurs, il faut tout ramasser, car la note est claire. KB, étudiante en Licence 2 de Droit, occupe une chambre au bâtiment D de l’ancien campus depuis bientôt 3 ans. Aujourd’hui, il faut plier bagages sans broncher. Après quelques minutes d’attente, et à récupérer ce qui pouvait l’être, le taxi est enfin arrivé. Il ne lui faudra pas plus de 10 minutes pour tout embarquer. Le visage fermé, plein de tristesse, KB doit aller chercher gîte et couvert ailleurs.

Des victimes collatérales d’une mafia…

Partir, c’est également ce que Yves Kouadio, étudiant en Master 1 Sociologie doit s’atteler à faire. Contrairement aux autres, il supporte la situation avec beaucoup plus de calme. Et il y a de quoi. « C'est la troisième fois que je vis une telle situation. J'étais dans une maison litigieuse. On m'a demandé de quitter les lieux. J’ai pu trouver une chambre au campus, on m'a demandé de la libérer avant midi ce jeudi. Où vais-je aller ? Je garde mes affaires où ? Nous demandons au gouvernement de mettre un peu d’humanité dans cette action quoi que louable », lance-t-il. Les aller et venues des véhicules de déménagement se multiplient. Ceux qui ne peuvent pas se payer le luxe d’appeler un taxi, n’ont d’autres choix que de charger leurs affaires sur la tête et de faire le trajet jusqu’à la sortie, à pied.

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En face du campus 2000, non loin de la place Akpélé-Akpélé, près de leurs bagages entassés au bord de la voie, ils scrutent sur les téléphones, la position des taximen. La cité se vide petit à petit, d’autant plus que ceux qui sont touchés par la mesure s’avèrent être très nombreux. Selon des sources universitaires, depuis 2 ans, une mesure édictée par le ministère de l’Enseignement supérieur aurait dû permettre de réhabiliter les cités universitaires afin de mieux organiser l’attribution des chambres, qui était jusqu’alors gérée par la FESCI. Toujours selon notre source, l’organisation estudiantine occuperait plus de la moitié des chambres des résidences universitaires, pour lesquelles elle percevait des loyers au détriment de l'administration. Ce même jeudi, autour de 10h, toujours selon nos informations, la situation était quelque peu tendue entre les étudiants, qui avaient érigé des barrages à l’entrée des cités pour s'opposer à la décision, et les forces de l’ordre, qui ont vite rétabli l’ordre.

Départs inattendus, destinations inconnues…

Du côté de la cité rouge également, l’ambiance est la même. Les étudiants en situation irrégulière sont sommés de libérer les chambres en urgence. Mais, afin de leur permettre tous de trouver un abri, le ministère de l’Enseignement supérieur a décidé de leur accorder 48h supplémentaires. Ce qui n’est toujours pas du goût de certains étudiants. « Vous pouvez le constater, nous ne sommes pas du tout contentes. Nous n’avons certes pas eu la chambre par l’entremise du CROU, mais nous sommes des étudiantes. Tout le monde ne fait pas partie de la FESCI. Hier, (Ndlr : mercredi 2 octobre) la mesure a été prise, et aujourd’hui (jeudi) on nous demande de libérer les lieux.

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Nous allons où ? Nous qui avons nos parents à Ferké, Yamoussoukro et autres, quelles solutions nous offre-t-on à cette heure ? Franchement, nous aurions voulu avoir plus de temps, mais là, c’est vraiment difficile pour nous », décrit PK, étudiante en Master2 de Droit. Et sa co-locatrice d’ajouter : « l’administration nous avait déjà informés qu’il allait y avoir une réhabilitation des cités. Mais cela a trainé. Je pense qu’on aurait pu faire les choses autrement, qu’avec la force. Nous sommes encore là, parce que nous n’avons nulle part où aller. Nous sommes en train de chercher une habitation en location, afin d’avoir un abri et terminer nos études. Je demande vraiment à l’Etat d’avoir pitié des autres étudiants ». Ici, la plupart des étudiants font de petits jobs pour subvenir à leurs besoins (livreur et autres). Par la faute des agissements de la FESCI, ce sont plusieurs centaines d’étudiants qui sont sommés de quitter les cités.

Manuel Zako

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