Politique

Nationalité du père de Thiam Losseni Diomandé : « Pourquoi Amadou Thiam n’était pas Français »

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l’impossibilité pour le père de Tidjane Thiam d‘être Français. (ph:dr)
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Depuis la décision de radiation de Tidjane Thiam par la justice ivoirienne, un autre débat sur la nationalité française de son géniteur, Amadou Thiam a surgi. Losseni Diomandé, juriste et consultant pour le compte d’un organisme international réagit. Il explique le code de la nationalité française et l’impossibilité pour le père de Tidjane Thiam d‘être Français.

Le débat aujourd’hui, c’est sur la nationalité française de M Amadou Thiam, géniteur de Tidjane Thiam. En tant que spécialiste du droit de la nationalité, avez-vous une observation particulière sur le sujet ?

Avant leur accession à l'indépendance, les colonies françaises faisaient partie de la France et de ce fait, leurs habitants étaient Français. Mais la France a pris des dispositions pour régler la question de l'attribution de la nationalité dans ses colonies qui entendaient se séparer de l'Etat français en devenant des États indépendants. Ainsi, l'ordonnance N°45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française a prévu un certain nombre de dispositions. Les articles 11, 12 et 13 du chapitre premier intitulé "Traité, annexion ou cession du territoire " a prévu dans le titre 1er intitulé « des traités et des accords internationaux » dispose ce qui suit : "Article 11. Les personnes nées et les personnes domiciliées dans les territoires réunis à la France ou détachés par un traité international dûment ratifié comportant une annexion ou une cession acquièrent ou perdent la nationalité française suivant les dispositions édictées par ce traité"."Article 12. Dans le cas où le traité ne contient pas de telles dispositions les personnes qui demeurent domiciliées dans les territoires rattachés à la France acquièrent la nationalité française". "Article 13. Dans la même hypothèse, les personnes domiciliées dans les territoires cédés perdent la nationalité française, à moins qu'elles n'établissent effectivement leur domicile hors de ces territoires".

les personnes domiciliées dans les territoires devenus indépendants perdent la nationalité française

Comment doit-on comprendre toutes ces dispositions ?

Il découle de l'article 13 sus évoqué que les personnes domiciliées dans les territoires devenus indépendants perdent la nationalité française à moins qu'elle n'établissent effectivement leur domicile hors de ces territoires. Cette disposition concerne aussi bien les Français de la métropole que les citoyens de ces colonies françaises devenues indépendantes. Pour régler la difficulté de l'absence de différenciation entre les Français de la métropole et les Français des colonies, une modification a été apportée à cet article 13 en y ajoutant un second alinéa qui est libellé comme suit : "Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux personnes qui sont ou étaient domiciliées à la date d'entrée en vigueur d'un traité portant cession du territoire ou de l'accession à l'indépendance, dans un territoire, qui avait le statut de territoire d'Outre-mer de la République française à la date du 31 décembre 1946. Ces personnes sont régies par les dispositions du titre 2 du présent code, à moins qu'elles ne soient originaires, conjoints, veufs ou veuves d'originaires du territoire de la République française tel qu'il est constitué à la date de la promulgation de la loi numéro 60-752 du 28 juillet 1960, ainsi que leur descendant, auquel cas  elles sont dispensées de toute formalité ». Il faut également dire qu'il a été ajouté aux dispositions du code de la nationalité française un titre 7 intitulé  "De la reconnaissance de la nationalité française " qui prévoit un article 152 libellé comme suit : "Les personnes mentionnées aux alinéas de l'article 13 du présent code auxquelles une autre nationalité est conférée par disposition générale alors qu'elles possèdent la nationalité française peuvent se faire reconnaître cette dernière nationalité par déclaration reçue par le juge compétent du lieu où elles établissent leur domicile sur le territoire de la République française. Ces déclarations peuvent être souscrites sans aucune autorisation dès qu'ils ont atteint l'âge de 18 ans ; elles peuvent l'être par représentation".

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Quel est sens de toutes ces dispositions ?

Il faut comprendre par là que la combinaison de ces deux dispositions permet de dire que les citoyens d'Afrique noire ne peuvent conserver leur nationalité française qu'à la condition de fixer leur domicile en France et d'y souscrire une déclaration dite de reconnaissance de la nationalité française. Quant aux Français de la métropole, ceux-ci concernent la nationalité française sans avoir à accomplir aucune formalité.

cette loi a d’ailleurs été généreuse

Ceci n’explique pas toujours le cas de M Amadou Thiam. Où voulez-vous en venir ?

J’en viens M Doumbia. Il me fallait expliquer d’abord les dispositions du code de la nationalité française. Ensuite établir un lien entre ces dispositions et le cas de M Amadou Thiam afin que les lecteurs puissent comprendre. De tout ce qui précède, M Doumbia, imaginez vous combien d'Africain vivant dans les colonies françaises d'Afrique noire devenues indépendantes ont établi leur domicile en France et ont souscrit à cette déclaration ? Il n'y en a pas beaucoup. En application, cette loi a d’ailleurs été généreuse car pour éviter les cas d'apatridie, la nationalité française fut maintenue de plein droit aux personnes domiciliées sur le territoire de l'un des nouveaux États au moment de l'indépendance, mais à qui la nationalité du nouvel État n'a pas été attribuée par le jeu des dispositions générales. Ramené au cas de M Thiam et dire que son père était Français d'origine parce qu'il était fonctionnaire français mérite quelques interrogations. Amadou Thiam (le père de Tidjane Thiam) avait-il établi son domicile en France comme le prévoient les articles 13 et 152 de la loi numéro 60-752 du 28 juillet 1960 ? Y avait-il souscrit une déclaration de la nationalité française prévues par les dispositions de cette loi ?

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Qu’en savez-vous ?

Pour ce que nous savons, M Amadou Thiam, naturalisé ivoirien et directeur de la Radio Côte d’Ivoire, était domicilié en Côte d'Ivoire. M Amadou Thiam aurait été Français s'il avait accompli ces 2 formalités prévues par la loi française, ce qui ne semble pas être le cas. Même en cas d’application généreuse de ces dispositions , M Amadou Thiam qui était domicilié en Côte d’Ivoire et qui a été naturalisé Ivoirien le 6 novembre 1962 a perdu le bénéfice de la nationalité française si elle lui avait été octroyée. C'est donc à ses enfants de rapporter la preuve que leur père bénéficiait de la nationalité française. Dès lors que ces preuves ne sont pas rapportées, tout le reste n'est que verbiage creux. D'ailleurs, si cela avait été le cas, Tidjane Thiam n’aurait jamais été naturalisé Français. Il aurait bénéficié des effets de la nationalité française de son père.

 

D’où la naturalisation en surabondance dont parle son nouvel avocat Me Dadjé Rodrigue…

M Amadou Thiam était encore vivant le 24 février 1987 lors de la naturalisation de son fils. Pourquoi alors n'a-t-il pas fait connaître aux autorités françaises qu'il était Français et que son fils était en droit de bénéficier des effets attachés à sa nationalité française ? J'espère qu'avec ces informations qui sont accessibles à travers les lois françaises, le débat sur la nationalité française de M Amadou Thiam prendra fin.  Au demeurant, j'invite les avocats et ceux qui veulent bien comprendre la situation à lire l’ouvrage du Professeur Paul LAGARDE intitulé "La nationalité française". J'espère que vous passerez ce message à l'avocat bricoleur auteur de la naturalisation par surabondance.

La nationalité se prouve par des actes

 

Il y a un acte de naissance de la grande sœur de Tidjane Thiam qui circule sur les réseaux sociaux et sur lequel il est mentionné que son père est un citoyen français…

J'ai vu l'acte de naissance en question sur les réseaux sociaux. La nationalité se prouve par des actes au lieu d'aller sur des démonstrations historiques qui n'apportent rien au débat. Lors du jugement, il aurait été plus judicieux pour les avocats de M Tidjane Thiam de produire un document attestant de la nationalité française du père de leur client. Et même si cela avait été cas, le problème allait demeurer parce que la question essentielle ici à laquelle tout le monde doit répondre est celle-ci : "Oui ou non M Tidjane Thiam a-t-il été naturalisé ? " Dès lors qu'un journal officiel français a publié le décret décret de naturalisation de M Thiam datant du 24 février 1987, le débat est clos.

Entretien réalisé par

Yacouba Doumbia

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