Venance Konan

Opinion

Quand on est le premier de la classe

Venance Konan
Il ne réalise pas que sa propulsion à la hussarde à la tête de ce vieux parti a créé des haines contre lui.  (ph:dr)
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Un journal a titré hier que « des « houphouétistes » refusent la nationalité ivoirienne au petit-fils héritier d’Houphouët ».

Faisons déjà remarquer que de son vivant, Houphouët-Boigny avait dit qu’il « avait fait la politique pour cinq générations d’Houphouët. » Cela veut dire qu’il ne voulait pas que ses descendants se mêlent de politique. 

Le premier de la classe est-il un de ses descendants ? De quelle génération est-il ? N’est-ce pas le grand-père qui est en train de lui faire payer sa désobéissance ? Il faudra sans doute que l’on aille consulter les vieux de Yamoussoukro qui savent interroger les ancêtres. Dans tous les cas de figure, personne en Côte d’Ivoire n’a refusé la nationalité ivoirienne au premier de la classe. C’est lui-même qui a décidé de prendre la nationalité française, parce que celle de la Côte d’Ivoire était trop petite pour lui permettre de s’envoler loin dans le ciel. 

A-t-il eu la nationalité française, oui ou non ? Certains nous disent qu’il est né Français, d’autres, que les Français lui ont donné leur nationalité sans qu’il ne l’ait demandé, qu’on l’aurait en quelque sorte contraint à être Français. A-t-il refusé cette nationalité ? 

N’est-ce pas lui-même qui a écrit un texte dans lequel il décrivait toute son émotion à être Français ? N’est-ce pas lui-même qui, sans doute pour mieux affirmer sa « francité », a coupé avec notre pays pendant 23 ans ? Qui lui a refusé la nationalité ivoirienne ? 

Lui, le premier de la classe, ne savait-il pas qu’une loi, adoptée du temps de son grand-père, stipulait que quiconque, étant majeur, prend la nationalité d’un autre pays, perd celle de la Côte d’Ivoire ? 

Certains veulent faire une analogie entre cette situation du premier de la classe et la politique de l’ivoirité mise en place lorsque le parti que dirige le premier de la classe était au pouvoir. Non, cela n’a rien à voir. 

En 1994, on a adopté des textes, qui ont par la suite été constitutionnalisés, qui visaient spécifiquement une personne. Ici, il s’agit d’une loi votée avant même la naissance du concerné.

Le premier de la classe a, à la suite de quelques déboires professionnels en Europe, décidé d’être le premier des citoyens de son ancien pays. Que fait-on dans ce cas ? 

Lorsqu’on est un élève moyen ou même un cancre, on cherche à se mettre en règle vis-à-vis des textes de ce pays que l’on avait renié. Mais quand on est le premier de la classe, on ne fait jamais les choses simplement. Sinon il aurait regardé les conditions pour être candidat et aurait vu qu’il fallait être exclusivement de nationalité ivoirienne. Il aurait alors fait comme Jean-Louis Billon, c’est-à-dire aller, sans tambour ni trompette, renoncer à la nationalité française. 

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Et ensuite, il se serait demandé si cette renonciation faisait de lui automatiquement un Ivoirien. La réponse aurait été oui, ou non. Dans le premier cas, le problème aurait été réglé. Dans le second cas, il aurait fait les démarches pour reprendre sa nationalité ivoirienne. 

Alors, il aurait pu annoncer en toute tranquillité sa volonté de devenir président d’un parti en Côte d’Ivoire, pour ensuite devenir président de la Côte d’Ivoire. Mais non. Il a fallu que quelqu’un dise à la télévision qu’il ne remplissait pas toutes les conditions pour être candidat, pour qu’il commence les premières démarches. Mais la première réaction des responsables de son parti avait été de dire qu’il remplissait parfaitement toutes les conditions, et de prendre l’affirmation qu’il était toujours Français comme une attaque contre eux. 

C’est en février seulement que lui-même a reconnu être Français, en entamant la démarche pour perdre sa nationalité française.

Quel temps n’avait-il pas eu pour faire toutes ces démarches et être inattaquable aujourd’hui ? La question qui se posait était alors de savoir s’il fallait appliquer une loi, parce qu’il s’agissait du premier de la classe, premier d’ailleurs d’un sondage qu’il semble avoir réalisé tout seul. 

En tout cas, il a eu affaire avec les Gbagboïstes qui n’ont pas du tout apprécié qu’il dise qu’il est premier devant leur champion.

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La décision du tribunal ne dit pas qu’il n’est pas Ivoirien. Elle dit qu’il n’était plus Ivoirien lorsqu’on l’inscrivait sur la liste électorale. Ce n’est pas pareil. Je ne sais pas si la renonciation à la nationalité française fait de lui automatiquement à nouveau un Ivoirien, puisque ses parents étaient Ivoiriens, ou s’il a d’autres démarches à faire. 

Dans tous les cas, lorsqu’il aura repris sa nationalité ivoirienne, il pourra à nouveau aller s’inscrire sur la liste électorale lors de la prochaine révision de cette liste.

Enfin, le premier de la classe accuse le parti au pouvoir de ses malheurs. 

Je crois que parce qu’il n’a pas vécu dans ce pays pendant trop longtemps, il ne connaît pas les mœurs politiques de son parti. Il ne réalise pas que sa propulsion à la hussarde à la tête de ce vieux parti a créé des haines contre lui. 

Sait-il ce que des membres de ce parti ont enduré ici pendant qu’il vivait sa belle vie en Europe ? Il aura tout le temps de le savoir.

Venance Konan