À 11 mois de la prochaine élection présidentielle, Laurent Gbagbo a commencé déjà à ameuter l’opinion sur une éventuelle fraude qui pourrait coûter la victoire à son parti. « Nous allons à l’élection présidentielle. Chers jeunes gens, préparez-vous, préparez-vous, parce que les élections seront dures ! Non pas parce que nous craignons des difficultés. La seule difficulté que nous craignons, c’est la fraude », a déclaré l’ex fondateur du Front populaire ivoirien (FPI), aujourd’hui président du PPA-CI.
Des propos dangereux
Et d’ajouter aussitôt : « Sinon, si ce n’est pas la fraude, regardez le pays… Mais nous allons y aller et on va gagner ! ». À entendre l’ex-chef de l’État, son parti est assuré d’une victoire déjà écrite dans le livre de Dieu. Ne clame-t-il pas : « On va gagner » ? Pour lui donc, seule la fraude peut empêcher une victoire de son camp à la présidentielle de 2025. Autrement dit, si le candidat issu de son parti venait à être déclaré perdant à ce scrutin, c’est parce que la partie ad verse aura triché ou tri patouillé les résultats. Il est dangereux d’avancer de tels propos qui pourraient préparer ses partisans à se dresser contre une issue du scrutin présidentiel qui ne leur serait pas favorable. Puisque ceux-ci auront été programmés par ce narratif confligène à une contestation violente des résultats à la manière des partisans de Donald Trump, le 6 janvier 2021 ou ceux de l’ex-Président brésilien Jair Bolsonaro, le 8 janvier 2023.
C’est d’autant plus dangereux que ces certitudes de Laurent Gbagbo ne reposent sur aucun fait objectif. Aux dernières élections générales (législatives, sénatoriales et municipales) de septembre 2023, auxquelles ont pris part tous les partis politiques qui comptent, le PPA-CI a fait piètre figure, bien qu’il ait aligné presque partout des poids lourds. Il a rem porté 2 communes et 1 région. Si l’on se fonde sur ce cuisant échec, ce parti ne saurait prétendre, avec une assurance de chaman, qu’il va gagner la prochaine présidentielle. Et donc appeler insidieusement à contester tout résultat qui le donnerait éventuelle ment perdant. Cette posture de l’ex chef de l’État est d’autant plus curieuse qu’il est frappé par une décision le rendant, pour l’heure, inéligible, puisqu’il est radié de la liste électorale. En effet, il a été condamné à 20 ans d’emprisonnement pour braquage de la BCEAO.
Il exclut toute solution à la Sonko-Diomaye
Une peine qui, à en croire les juristes, le prive de ses droits civiques et partant, a motivé la décision de la Commission électorale indépendante (CEI) de biffer son nom de la liste électorale. Bien que radié, il n’envisage pas la possibilité de se faire remplacer par un cadre issu de son parti. Il exclut même une telle éventualité. C’est du moins, ce qu’il laisse clairement voir quand il déclare : « Il y a des gens qui cherchent des plans B, des plans C. Je dis pourquoi pas un plan Z ? ».
Et d’ajouter : « Il y en a qui appel lent mes amis qui sont dans d’autres pays pour que ceux-là m’appellent pour me dire qu’ils veulent faire partie d’un plan. Je leur réponds qu’il y a un plan ici, c’est Gbagbo. S’ils veulent faire partie d’un plan, qu’ils viennent avec Gbagbo ». Tout est dit. L’ancien chef de l’État écarte toute solution à la manière du PASTEF d’Oumane Sonko, qui consisterait à opter pour un plan B, faute de pouvoir aligner le leader du parti à l’élection présidentielle. « Il y a un plan ici, c’est Gbagbo », tranche-t-il. Écartant au passage toute option consistant à donner sa chance à une personnalité de son parti. C’est ce qu’il sous-entend, quand il déclare : « S’ils (les cadres de son parti, NDLR) veulent faire partie d’un plan, qu’ils viennent avec Gbagbo ». Il est curieux que Laurent Gbagbo, qui passe pour être un démocrate, soit porté à tout ramener à lui et à lui seul. Toutes choses qui annoncent un climat de tension au cours de la prochaine élection présidentielle.
Assane NIADA