Le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire, parti fondé par l’ancien président Laurent Gbagbo après l’abandon de sa formation historique, se propose d’offrir aux Ivoiriens, ce qu’ils n’ont jamais expérimenté en matière de gouvernance. Pour ce faire, après avoir accepté l’idée de se porter candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2025, l’ancien président a été investi ce week-end par ses partisans pour être leur porte-flambeau à cette élection cruciale. Comme nous l’avions dit dans notre publication de ce week-end, chaque parti politique en Côte d’Ivoire, est le seul responsable du timing et du choix de son candidat à la présidentielle de 2025. Sur la question, au-delà des scories de l’organisation et du caractère ubuesque de toute la cérémonie, personne ne peut reprocher au PPA-CI d’avoir investi son ‘‘candidat’’ à la présidentielle de 2025.
Mais là où le bât blesse, c’est quand Monsieur Laurent Koudou Gbagbo, ancien président de la République et ses hommes ont énuméré dix points sur lesquels ils veulent faire ou refaire le bonheur des Ivoiriens. Personne n’aurait trouvé à redire si et seulement si, le candidat investi était un deus ex machina qui venait pour offrir quelque chose de nouveau et de mieux aux Ivoiriens. Or, le fameux candidat dont il est question, est un habitué du landernau politique ivoirien. C’est même un truisme de dire qu’il est le plus ancien poisson du marigot politique ivoirien qui, de surcroît, a eu à diriger le pays pendant dix bonnes années. Quand l’on parcourt les dix engagements qui fondent cette candidature de Laurent Gbagbo, l’on ne peut pas s’empêcher de faire un rapprochement aux dix péchés capitaux de la Bible, tant la posture et les pratiques de l’ancien-nouveau candidat contrarient avec l’idéal qu’il claironne. Pour la bonne compréhension de tous, nous avons décidé de passer au scanner, ces dix engagements de Laurent Gbagbo, au regard de ce qu’il a eu à faire déjà à la tête du pays.
𝟭. Réconcilier les Ivoiriens par la vérité et la réparation en faveur de toutes les victimes des crises successives, sans exclusion, afin d’instaurer la cohésion nationale : Le problème ne peut être la solution
Ce n’est un secret pour personne. Depuis le temps du père fondateur Félix Houphouët-Boigny, Laurent Gbagbo est, dans une grande majorité des cas, à la base de la descente aux enfers de la Côte d’Ivoire. Alors qu’on a cru que son avènement au pouvoir en 2000 allait conjurer les mauvais démons de la division, Laurent Gbagbo n’a fait qu’approfondir le fossé des dissensions entre les Ivoiriens. C’est sous sa gouvernance que les délits de faciès et de patronyme ont connu leur heure de gloire en Côte d’Ivoire.
C’est sous lui qu’il y a eu une rébellion, les escadrons de la mort, les crimes des jeunes patriotes et surtout c’est lui qui est à la base de la crise post-électorale qui a occasionné des milliers de morts. Jusqu’à ce jour et même après la case prison, Laurent Gbagbo continue de dégager sa culpabilité dans tous les problèmes de ce pays, alors que sa responsabilité est beaucoup engagée. Un tel monsieur ne peut pas être la solution à une quelconque réconciliation en Côte d’Ivoire. D’ailleurs, les Ivoiriens ont déjà tourné la page de la crise. Ce qu’il y a lieu d’entretenir, c’est la consolidation de la paix et de la cohésion sociale.
𝟮. Rendre la justice réellement indépendante du pouvoir Exécutif. Un vœu pieu !
C’est un vœu pieu, dans la mesure où des magistrats ont même été bastonnés quand Laurent Gbagbo était au pouvoir. Plus grave, dans son intervention lors de son investiture, Laurent Gbagbo ne s’est pas empêché de s’en prendre à l’honorabilité des magistrats.
𝟯. Désendetter la Côte d’Ivoire. L’ignominie de trop !
On reconnaît à Laurent Gbagbo son profil de politicien carriériste. Mais de là à faire du désendettement, un projet de société, est tout de même une ignominie en matière de gouvernance, surtout pour un homme qui a été président de la République. Le recours à la dette est un mécanisme de développement. De plus, on n’accorde du crédit qu’à un pays qui a les fondamentaux économiques solides et des dirigeants sérieux et crédibles. C’est d’ailleurs, pourquoi des grands pays comme les États-Unis, la France, le Japon, etc. recourent aux emprunts extérieurs pour financer ou soutenir leur développement.
𝟰. Mettre en place un organe électoral juste et indépendant, gage d’une stabilité : Quand l’hôpital se moque de la charité !
En Côte d’Ivoire, tout le monde peut polémiquer sur la configuration de l’actuelle CEI sauf Laurent Gbagbo et son clan. Depuis le départ des refondateurs du pouvoir, toutes les élections qui se sont déroulées, ont prouvé que le vrai problème de la CEI, était les hommes, pas l’institution. Sous Ouattara, des ministres et le patron de son parti ont perdu des élections et le ciel ne leur est pas tombé dessus. Et pourtant, du temps de Gbagbo, c’est son poulain Damana Pickass qui a empêché la proclamation des résultats et a entraîné la Côte d’Ivoire dans une crise post-électorale.
𝟱. Favoriser le leadership des femmes et des jeunes. Rien que de la fanfaronnade
Ici aussi, Gbagbo a démontré qu’il n’a aucun projet pour les jeunes et les femmes. Pendant les dix années de son règne, il n’y a eu aucune promotion des jeunes et des femmes. Ceux-ci étaient confinés dans les activités patriotiques et dans les agoras et parlements.
𝟲. Transférer effectivement la capitale à Yamoussoukro : Rien de nouveau sous le soleil
Le transfert de la capitale à Yamoussoukro fait partie du narratif de Laurent Gbagbo pour séduire une partie des Ivoiriens. Pour éclairer la lanterne de tous, ce n’est pas Laurent Gbagbo qui a décidé du transfert de la capitale à Yamoussoukro. Cette décision remonte à 1983. En dehors de l’hôtel des parlementaires et des propos creux, Laurent Gbagbo n’a rien posé comme acte pour le transfert de la capitale, contrairement à Ouattara qui y a déjà installé des institutions de premier plan comme le Sénat, la Chambre des rois et chefs traditionnels, l’Institution de formation judiciaire, etc. Mieux, le transfert d’une capitale ne se fait pas en juste quelques années. Cela prend du temps. Gbagbo ne fait donc que de l’enfumage quand il évoque pompeusement cette idée de transfert de la capitale.
𝟳. Faire acheter les produits agricoles au juste prix et promouvoir l’industrialisation : De rien, rien ne sort
Quand il était dans l’opposition du temps du PDCI-RDA, Gbagbo avait promis acheter le cacao à 3000 francs le kilogramme. Mais une fois au pouvoir, il n’est pas parvenu à offrir aux paysans la moitié de ce prix. Plus grave, c’est sous son règne qu’il y a les plus grands détournements du fruit du travail des planteurs de Côte d’Ivoire. Ce bagout ne peut plus séduire le monde agricole, encore moins les spécialistes du monde de la finance.
𝟴. Baisser le coût de la vie et augmenter le pouvoir d’achat : Rien que des propos en l’air
Quiconque aspire à devenir président en Côte d’Ivoire, peut tenir de tels propos, mais pas quelqu’un qui a déjà dirigé et qui a un bilan. Sans rentrer dans les polémiques inutiles, l’on peut dire que contrairement au régime de la Refondation, Ouattara a offert des mécanismes qui ont consolidé le pouvoir d’achat des citoyens. Il y a par exemple le déblocage des salaires, la construction de nombreuses usines, les nombreuses routes qui précèdent le développement, l’électrification de la quasi-totalité des localités du pays, etc. Sur la question, le candidat du PPA-CI peut parler, mais il ne peut pas faire mieux que Ouattara qui a mis la barre très haut.
𝟵. Lutter contre la corruption et assainir le milieu des affaires
Tout comme la lutte contre la cherté de la vie, quiconque aspire à devenir président peut avoir des projets sur la question. Mais le laxisme dont ont fait preuve Laurent Gbagbo et son régime pendant de 2000 à 2010, le disqualifie totalement sur le débat de la lutte contre la corruption. C’est sous Gbagbo qu’il a eu les plus gros scandales financiers dans ce pays. L’on peut citer pêle-mêle l’affaire du Probo Koala, le scandale de l’usine de Fulton, les milliards du café cacao, etc. Aujourd’hui, en plus de l’Inspection générale d’État, le régime en place a créé une haute autorité de lutte contre la corruption et une juridiction spéciale pour traquer les prévaricateurs des deniers publics.
𝟭𝟬. Rétablir la liberté de la presse et assurer la viabilité des médias : Un bagout ne peut prospérer
Le dernier point des 10 engagements de Laurent Gbagbo est une grosse couleuvre qui ne peut être avalée. Nous sommes tous contemporains de l’histoire récente de ce pays. Il importe de savoir que Laurent Gbagbo est le plus mauvais exemple en matière de gouvernance sur la question de la liberté de la presse. C’est sous son régime que des journalistes ont été tués dans ce pays : Jean Hélène et Guy André Kieffer. C’est encore sous lui que des journalistes sont allés en prison. Dire donc qu’on va rétablir la liberté de la presse, est un mensonge qui ne saurait prospérer.
Kra Bernard