Les auditeurs de la radio française RFI se sont prononcés hier, mercredi 26 avril, sur la réponse sociale comme solution à la menace terroriste dans la sous-région, singulièrement en Côte d’Ivoire. Invité à partager l’expérience ivoirienne, Mamadou Touré, porte-parole adjoint du gouvernement et ministre de la Promotion de la jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique, a expliqué les motivations qui ont porté la Côte d’Ivoire à explorer cette piste. « Les réponses sont à deux niveaux : d’abord une réponse militaire qui est indispensable. Toute cette zone est couverte ; l’armée marque sa présence (…) Ensuite, le chef de l’Etat a estimé qu’en plus de la réponse militaire, il fallait une réponse sociale. La zone ayant été délaissée, elle est l’une des plus pauvres de notre pays.
En 60 ans d’indépendance, elle n’a pas bénéficié forcément de projets importants : pas de centres de santé à Kafolo ou Tougbo, zones difficilement accessibles par la route, souvent pas de réseau de téléphonie mobile etc. », a laissé entendre le porte-parole adjoint du gouvernement. Qui a souligné que six régions sont concernées : le Poro (Korhogo), le Tchologo (Ferkessedougou), le Folon (Kaniasso), la Bagoué (Tengrela), le Kabadougou (Odienné) et le Bounkani (Bouna).
Ces actions qui ont changé le quotidien des populations
Il s’est, par la suite, étendu sur les actions posées par le gouvernement dans ces régions et les importantes ressources financières mobilisées à cet effet. « Ce plan Marshall, qui se chiffre à plus de 250 milliards de FCFA, vise à non seulement désenclaver ces zones mais aussi y amener les infrastructures, marquer la présence de l’Etat et agir en faveur des populations les plus pauvres », a-t-il soutenu. Selon le ministre, ces fonds, qui s’inscrivent dans le cadre du Programme spécial de lutte contre la fragilité dans les zones frontalières du Nord, ont permis de réaliser des infrastructures socioéconomiques dans ces régions, d’aider à l’autonomisation de 23 000 jeunes en 2022, de faire bénéficier plus de 30 000 familles les plus pauvres de filets sociaux.
Le ministre a, par ailleurs, égrené d’autres actions posées par le gouvernement en faveur des populations de ces régions dans le cadre de ce programme spécial. Entre autres initiatives : 647 km de routes ont été profilées dans les zones concernées, 100 forages ont été réalisés, 406 000 kits scolaires et 130 000 tables-bancs ont été livrés dans des établissements et 69 localités électrifiées. « L’idée, c’est de marquer la présence de l’Etat de sorte que les populations sentent que l’Etat apporte des réponses à leurs préoccupations quotidiennes », en a déduit le porte-parole adjoint du gouvernement. Qui a ajouté qu’en cette année 2023, décrétée année de la jeunesse, ce sont 30 000 jeunes qui seront touchés par les actions s’inscrivant dans le cadre de ce programme spécial.
Un expert et les auditeurs témoignent des résultats de la réponse sociale
Résultat de toutes ces actions : la restauration de la quiétude dans cette partie du pays, qui avait été l’objet de quelques incursions d’éléments venus de l’extérieur. « Nous avons réussi à ramener totalement la sécurité… Aujourd’hui à Kafolo, Tougbo, la vie est redevenue normale (…) les populations vaquent pleinement à leurs activités et donc la Côte d’Ivoire est totalement sécurisée sur l’ensemble du territoire national », a assuré Mamadou Touré. Avis partagé par un ressortissant d’un village frontalier du Burkina Faso, qui a requis l’anonymat. Appelé « Petit clair » pour la circonstance, il a admis que la sécurité est revenue dans la région dont il est originaire. « Dans mon village, je me sens de nouveau en sécurité. Les forces de l’ordre sont là, elles font des patrouilles mais on souhaite que l’effectif soit renforcé», a-t-il confié. Et d’ajouter : « On a constaté beaucoup de changements parce que le gouvernement est venu en aide aux jeunes. Beaucoup de projets sont venus et beaucoup sont en cours ».
Selon lui, ces actions du gouvernement ont eu pour effet d’enlever aux jeunes la tentation de céder aux promesses que font miroiter les mouvements terroristes aux populations vulnérables. A la question de savoir si des jeunes de sa région ont rejoint les rangs des jihadistes, sa réponse est sans équivoque : « Non, non ! Aucun jeune de chez nous ici n’a rejoint les jihadistes », a-t-il martelé. Ce qui a fait dire au ministre Mamadou Touré que ce témoignage conforte le gouvernement quant à l’efficacité des différents dispositifs qui ont été mis en œuvre dans ces régions. « Certes nous avons connu des incursions de gens venus de l’extérieur mais à ce jour il n’y a pas eu de basculement de jeunes. L’idée justement, c’est de prévenir plutôt que de guérir en sortant les populations, dont les jeunes, de la vulnérabilité pour éviter que ces jeunes ne donnent un écho favorable à quelque appel que ce soit (de la part des mouvements terroristes) », a-t-il poursuivi. Le même constat est fait par le chercheur senior à l’Institut d’étude et de sécurité, William Assonvo, spécialiste des questions de terrorisme. « On peut clairement être d’accord sur ce constat. On observe actuellement un calme relatif depuis fin 2021, si on prend le problème sous l’angle des attaques », a-t-il admis. Il a également reconnu que les populations de ces régions n’ont pas massivement cédé aux sirènes des jihadistes. « Il y a eu des recrutements. Il y a eu des associations entre des populations frontalières et ces groupes mais ça ne s’est pas fait de façon massive. C’est en ce sens que je suis d’accord avec le ministre quand il dit qu’il n’y a pas eu de basculement », a encore soutenu l’expert.
Assane Niada