Politique

Gbagbo acquitté, pas innocent

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Le 31 mars 2021, l’ex-chef de l’État, Laurent Gbagbo, était définitivement acquitté par la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) des chefs d’accusation des crimes de guerre et crime contre l’humanité qui pesaient contre lui. Deux ans plus tôt, soit le 15 janvier 2019, il avait déjà été acquitté par la Chambre de première instance de la CPI.

Reconnu donc non coupable des faits qui lui sont reprochés, il a regagné la Côte d’Ivoire le 17 juin 2021. Depuis son retour au pays, il n’a de cesse de clamer qu’en le relaxant, la CPI montre là qu’il n’est coupable de rien, autrement dit, il n’a rien fait. Quelques jours seulement après son retour au bercail, il déclarait, depuis Mama, son village natal : « Même les Blancs qui ne nous connaissent pas, qui suivent nos petites querelles ici, ont su que je (n'étais) pas un criminel. Moi, je fais tout, hein, mais je ne suis pas un criminel ». Et d’ajouter : « La CPI, ce n'était pas sérieux, il fallait écarter un homme gênant, un concurrent gênant, alors on m'a mis là-bas ». Depuis, il est resté campé sur cette position d’homme libre qui ne saurait être comptable des crimes et exactions perpétrés durant la crise postélectorale, par tous ceux qui se réclamaient de lui. Tout récemment encore, à l’occasion de la fête de la renaissance organisée par son nouveau parti, le Parti des peuples africains Côte d’Ivoire (PPA-CI), il est allé jusqu’à réclamer que la lumière soit faite sur les auteurs des crimes commis durant ces tristes événements, estimant avoir été lavé de toutes les accusations portées contre lui.

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Certes, Gbagbo a été relâché par la justice internationale, parce que le procureur de la CPI n’a pu prouver sa culpabilité dans quelques faits précis autour desquels le procureur a fondé son accusation, notamment le bombardement du marché Siaka Koné d’Abobo, la tuerie des femmes le 3 mars 2011 à Abobo et l’attaque du Golf Hôtel par les forces pro-Gbagbo, le 16 décembre 2010.  C’est pour ces faits que le procureur n’a pu établir la culpabilité de l’accusé Laurent Gbagbo. Il reste que cela ne signifie pas que, pour avoir été acquitté, il reste innocent, c’est-à-dire blanc comme neige. Gbagbo, on peut le dire, a été blanchi mais il n’est pas blanc, comme le fait remarquer fort justement le juriste Roland Adjovi dans une tribune intitulée « acquittement, innocence et les leçons ivoiriennes », publiée sur la toile en 2019. Anciennement juriste auprès des juges du Tribunal pénal international pour le Rwanda, puis conseiller des victimes devant la Cour pénale internationale, il énonce en effet, qu’on n’est pas forcément innocent parce qu’on est déclaré acquitté. « L’acquittement n’est donc pas nécessairement le rétablissement de l’innocence, car il peut vouloir dire qu’on n’a tout simplement pas trouvé ce que la personne accusée avait fait », avance-t-il. Il ne croit pas si bien dire.

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Dans le cas du procès de l’ex-chef de l’État, il reste entendu que toute la tragédie qu’a connue la Côte d’Ivoire en 2011, part de son entêtement à vouloir se maintenir au pouvoir, alors qu’il a perdu le scrutin du 28 novembre 2010. Décidé à se visser dans le fauteuil présidentiel, il a fait bloquer le processus électoral par ses hommes et déverser les forces de défense et de sécurité dans les rues pour contrer toute velléité de s’opposer à ce projet funeste. C’est en réaction à cette forfaiture que son adversaire d’alors, Alassane Ouattara, s’est donné les moyens militaires de mettre fin à cette folle ambition de se maintenir au pouvoir vaille que vaille. De là est partie la guerre postélectorale, qui, dit-on, a fait officiellement 3000 morts. Moralité : Gbagbo est bien celui par qui cette tragédie s’est abattue sur la Côte d’Ivoire.

Assane Niada

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