Toujours à en croire les organisateurs, cette célébration aura deux temps forts : le premier, un grand meeting à la Place Ficgayo de Yopougon, le vendredi 31 mars 2023 et le second, le samedi 1er avril au Palais de la Culture de Treichville où une rencontre d’échanges est prévue entre l’ancien président et la jeunesse. L’axe de communication de cette fête dite de la renaissance, est de présenter Gbagbo comme l’espoir de la jeunesse ivoirienne. Le décor est donc planté. Il est vrai qu’on ne peut pas dénier à quelqu’un de choisir le thème sur lequel festoyer, mais cette fête du PPA-CI consacrée à la jeunesse relève simplement du vuvuzela politique aussi bien dans le fond que dans la forme. Laurent Gbagbo, on le sait, a dirigé ce pays de 2000 à 2010. En dix années de gestion du pays, on sait tous ce qui est advenu à la jeunesse ivoirienne dans toute sa déclinaison.
Revenir treize années après, se présenter comme l’espoir de la jeunesse après avoir été son bourreau, est une vraie escroquerie morale et intellectuelle qui ne saurait prospérer. En marge de cette fête de la renaissance du PPA-CI, L’Avenir a décidé de publier une série d’articles sur l’état de la jeunesse sous Laurent Gbagbo de 2000 à 2010 et l’état aujourd’hui de cette même jeunesse sous Alassane Ouattara de 2011 à 2022. Cette série d’articles tiendra compte des questions qui touchent à la jeunesse sur tous les plans. Il s’agira de faire le bilan de l’école sous Gbagbo, la gestion de la question de l’emploi des jeunes de 2000 à 2010, l’instrumentalisation et l’aliénation de la jeunesse sur cette même période, etc. En un mot, comme en mille, celui qui a été le bourreau de la jeunesse ivoirienne quand il était au pouvoir, ne peut pas incarner aujourd’hui l’espoir de cette même jeunesse. Cette analyse historique se fera sur la base de choses factuelles et non de vaines spéculations.
Une vision étriquée pour un président sans projet…
Quand Laurent Gbagbo accède au pouvoir en 2000, beaucoup de jeunes qui avaient donné leur poitrine pour l’installer au pouvoir, croyaient encore en lui. Mais il aura fallu seulement quelques mois de gestion du pouvoir pour comprendre que l’opposant historique n’avait pas de véritables projets pour la jeunesse de son pays. Son approche pour la prise en compte des préoccupations des jeunes était une véritable navigation à vue. Parvenu au pouvoir dans des conditions qu’il a lui-même qualifiées de calamiteuses, Laurent Gbagbo va sombrer dans l’instrumentalisation et la manipulation de la jeunesse. La FESCI qui dictait sa loi dans les universités et résidences universitaires, était son arme fatale. De 2000 à 2022, rien n’a été réalisé pour la promotion de la jeunesse, aussi bien dans la gestion des affaires courantes du pays qu’en terme de projets.
Son pouvoir s’est contenté de distribuer des subsides aux responsables de la FESCI, de la JFPI et des agoras et parlements pour les appuyer dans leur logique de manipulation et d’intoxication des masses. Quand survint le soulèvement armé de septembre 2002, ayant échoué à faire face aux rebelles de Guillaume Soro, Gbagbo va utiliser la jeunesse comme chair à canon pour protéger son pouvoir. Ainsi, naissent la galaxie patriotique et les jeunes patriotes qui étaient en réalité une constellation de milices entretenues par des pontes du régime FPI. Dans la revue scientifique Genèse de 2010, Richard Banégas, professeur à Science Po Paris et spécialiste de l’Afrique de l’Afrique de l’Ouest et des Grands lacs, a produit un article qui dépeint avec force détails, la descente aux enfers de la jeunesse ivoirienne sous Laurent Gbagbo.
Laurent Gbagbo : espoir déçu de toute une génération…
Dans son article « La politique du « gbonhi ». Mobilisations patriotiques, violence milicienne et carrières militantes en Côte d'Ivoire », voici la définition qu’un des responsables de la galaxie patriotique a donné à ce terme qui a caractérisé la jeunesse pendant les dix années du pouvoir Gbagbo. « Ce qu’on appelle, en jargon loubard, le “gbonhi”, c’est la masse. C’est-à-dire que toi, ils vivent de ta parole. Dès que tu dis “mes petits sortez tout de suite”, ils vont sortir. C’est une histoire de masse. » A la lumière de cette définition, l’on comprend aujourd’hui aisément le fondement des mots d’ordre de Charles Blé Goudé. Ainsi donc, de 2002 à 2010, c’est dans les rues, les agoras et parlements que la jeunesse s’exprimait à travers les marches et les meetings qui bénéficiaient même de financements officiels. Sous Laurent Gbagbo, aucun projet structurant n’a été implémenté pour la jeunesse.
Les jeunes n’avaient pas de repères, encore moins de modèles, puisque sous leurs yeux, des jeunes patriotes qui n’ont jamais travaillé dans leur vie, sont devenus des milliardaires. D’autres se sont réalisés dans la violence, l’expropriation de biens sociaux et la vente des places aux concours de la Fonction publique. Si donc en dix années, Laurent Gbagbo qui avait tous les leviers du pouvoir, a été incapable de donner des perspectives à la jeunesse ivoirienne, ce n’est pas aujourd’hui à 78 ans et dans l’opposition qu’il peut incarner l’espoir de cette jeunesse. En 2023 et sous Alassane Ouattara, la jeunesse a formaté le disque de la manipulation et de l’instrumentalisation. Cette jeunesse qui a muri, ne veut plus sombrer dans la politique politicienne. Gbagbo peut donc organiser sa fête de la renaissance, mais la jeunesse consciente a décidé de saisir les nombreuses opportunités qui leur sont offertes depuis 2011 et qui vont connaître une accélération à partir de cette année avec le PJ-GOUV.
Kra Bernard