C’est l’information majeure de ce début de semaine en Côte d’Ivoire. Au terme d’une réunion du Secrétariat général du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), Damana Adia Pickass, patron dudit secrétariat, a fait l’annonce de la candidature de l’ancien président Laurent Gbagbo pour le compte de leur formation.
Et pour soutenir la candidature de l’ancien opposant historique qui ne saurait souffrir de la moindre contestation, Damana Pickas affirme que cette candidature est « naturelle ». À 77 ans bien sonnés, Laurent Gbagbo a le droit de se porter candidat, au regard de la Constitution ivoirienne et ses partisans peuvent déjà lancer leur machine. Mais le hic dans l’affaire, c’est que cette candidature risque de sonner le glas de la fin d’un parti qui peine à se positionner sur l’échiquier politique et par voie de conséquence, la mort politique des porteurs de ce projet. C’est une candidature improbable, dans la mesure où c’est un projet qui ne repose sur aucun fondement de logique politique.
L’idée découle d’une position toujours défendue par Laurent Gbagbo lui-même : « On peut quitter la présidence pour la prison et la prison pour la présidence ». Pour ses partisans, après dix années de détention à la Cour Pénale Internationale (CPI), le temps est venu pour l’accomplissement de cette ‘‘prophétie’’. Mais pas que. Les pro-Gbagbo sont convaincus que le parcours de leur mentor est un remake de celui de Nelson Mandela, icône de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, qui a aussi quitté la prison pour la présidence de son pays. Le calcul est donc clair : Mandela a fait la prison, Gbagbo a fait la prison, Mandela est devenu président à sa sortie de prison, Gbagbo aussi, peut devenir président à sa sortie de prison. Et comme une hirondelle qui fait le printemps, les pro-Gbagbo estiment que leur leader incarne l’espoir de l’Afrique qui veut combattre le système occidental, tout comme Mandela a incarné l’espoir de la lutte anti-apartheid.
Malheureusement, la désillusion de Damana Pickas et du quarteron de thuriféraires qui soutiennent cette candidature, viendra de là. Laurent Gbagbo et Nelson Mandela sont deux hommes totalement différents et sur tous les points. Et comme obstacle majeur que les pro-Gbagbo feignent d’ignorer, c’est l’incapacité du PPA-CI à emballer les Ivoiriens. Une année après sa création, les contempteurs de l’ancien régime dressent des bilans flatteurs, mais la réalité est tout autre. Sur le terrain, on ne sent pas cette ferveur populaire comme le FPI à ses débuts dans les années 1990. Ce qui risque de compliquer les calculs de l’ancien président, ce sont les divisions qu’il a lui-même occasionnées au sein de son système. S’il est candidat en 2025, il aura en face de lui, ses anciens partisans qui sont avec son ancien Premier ministre Affi N’Guessan, ceux de son épouse Simone, et surtout, ceux de l’ancien bras séculier de sa jeunesse, Charles Blé Goudé. Il est donc vrai que la Constitution donne le droit à Laurent Gbagbo de se porter candidat, mais autant dire que c’est une candidature improbable, quand on regarde l’environnement actuellement dans son propre appareil politique et la grosse menace que représentent ses anciens proches qui ont décidé de jouer leur carte personnelle.
Kra Bernard