Qui donc de l’opposant Alassane Ouattara et du président sortant d’alors, Laurent Gbagbo, a remporté le second tour de la présidentielle, qui s’est tenu le 28 novembre 2010 ? À la question, les partisans de l’un et l’autre prétendent que c’est leur leader qui est sorti vainqueur de ce scrutin. Un examen du processus électoral depuis la fin du second tour, jusqu’à la certification des résultats par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d’Ivoire, en passant par la proclamation des résultats définitifs par le Conseil Constitutionnel, devrait aider à démêler l’écheveau. Tout commence le jeudi 2 décembre 2010, par la proclamation des résultats provisoires par le président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), le diplomate Youssouf Bakayoko. Alassane Ouattara est donné vainqueur avec 54,10% des voix contre 45,90% pour Laurent Gbagbo.
Yao N’dré déclare Gbagbo vainqueur
Le lendemain, soit le vendredi 3 décembre 2010, le Conseil constitutionnel, par la voix de son président Paul Yao N’dré, proclame, quant à lui, Laurent Gbagbo élu avec 51,45% contre 48,55% pour Alassane Ouattara. Pour en arriver là, il invalide le vote dans 7 départements du Nord, à savoir Bouaké, Korhogo, Ferkessédougou, Katiola, Boundiali, Dabakala et Séguéla. Raison invoquée : « irrégularités flagrantes de nature à entacher la sincérité du scrutin ». Et pourtant, le Code électoral alors en vigueur, ne laissait qu’une seule alternative au président du Conseil constitutionnel en cas de litige électoral. « Dans le cas où le Conseil constitutionnel constate des irrégularités graves de nature à entacher la sincérité du scrutin et à en affecter le résultat d’ensemble, il prononce l’annulation de l’élection », dispose l’article 64 du chapitre premier intitulé « de l’élection du président de la République ».
Est-ce pour cela que le Représentant Spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Côte d’Ivoire, Young-Jin Choi, est monté au créneau en sa qualité de certificateur de cette élection présidentielle ? Toujours est-il que le même vendredi 3 décembre, il rend son verdict de certificateur après que le Conseil constitutionnel eut rendu les résultats définitifs. « En tant que certificateur des élections ivoiriennes, j’ai procédé à l’évaluation et à l’analyse de tous les procès-verbaux transportés par l’ONUCI et reçus de la CEI. Même si toutes les réclamations déposées par la Majorité Présidentielle auprès du Conseil constitutionnel étaient prises en compte en nombre de procès-verbaux, et donc de votes, le résultat du second tour de l’élection présidentielle tel que proclamé par le Président de la CEI, le 2 décembre ne changerait pas, confirmant le candidat Alassane Ouattara vainqueur de l’élection présidentielle », assure-t-il dans sa « Déclaration sur la certification des résultats définitifs du second tour de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 ».
L’ONU tranche en faveur de Ouattara…
Mais cette certification, alors dévolue au Représentant Spécial du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire, est vite battue en brèche par le camp Gbagbo, qui estime qu’elle ne saurait être au-dessus des lois nationales et donc du Conseil constitutionnel. Et pourtant, le gouvernement d’alors avait endossé la résolution 1765 du Conseil de Sécurité de l’ONU qui avait entériné l’accord de Ouagadougou de 2007 et institué, en son point 6, la certification. « Décide de mettre un terme au mandat du Haut Représentant pour les Elections (Gérard Stoudmann, récusé par Gbagbo, Ndlr), décide en conséquence que le Représentant Spécial du Secrétaire général en Côte d’Ivoire certifiera que tous les stades du processus électoral fourniront toutes les garanties nécessaires pour la tenue d’élections présidentielles et législatives ouvertes, libres, justes et transparentes, conformément aux normes internationales, et prie le Secrétaire général de prendre toutes les dispositions nécessaires afin que le Représentant Spécial dispose d’une cellule d’appui lui fournissant toute l’assistance requise pour pouvoir s’acquitter de cette mission », était-il mentionné dans ladite résolution onusienne.
Par ailleurs, faut-il le rappeler, ce sont les acteurs politiques ivoiriens qui, dans l’accord de Pretoria, avaient appelé les Nations Unies à s’impliquer dans l’organisation des élections qui se profilaient en vue d’en garantir la crédibilité. « Les parties signataires du présent accord sont conscientes des difficultés et sensibilités liées aux élections. En vue d’assurer l’organisation des élections libres, justes et transparentes, elles ont admis que les Nations Unies soient invitées à prendre part aux travaux de la Commission Electorale Indépendante. À cet effet, elles ont donné mandat au Médiateur, Son Excellence Monsieur Thabo Mbeki, d’adresser une requête aux Nations Unies, au nom du peuple ivoirien en vue de l’organisation des élections générales. Les parties demandent que la même requête soit adressée aux Nations Unies en ce qui concerne le Conseil Constitutionnel », est-il souligné au point 10 dudit accord.
L’UA aussi
C’est fort de ces différents textes que le certificateur Young-Jin Choi, mandaté par l’ONU, a proclamé les résultats donnant vainqueur Alassane Ouattara. Et cela, selon la compréhension que la Cellule de certification de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) avait de la mission du certificateur. « Le certificateur doit donc s’assurer que toutes les garanties nécessaires sont réunies pour la réussite des élections en Côte d’Ivoire. Il s’agit de sauvegarder aussi bien le processus que les résultats des élections (…) Il veillera à ce que les résultats soient respectés ; que le vainqueur soit celui qui a gagné les élections », assurait-elle dans un dépliant de certification, produit par la Cellule de certification des élections de l’ONUCI en mai 2009.
Invité à départager les deux protagonistes du conflit postélectoral, un panel de cinq chefs d’État africains, mandatés par l’Union africaine, est arrivé lui aussi à la même conclusion : le scrutin du 28 novembre 2010 a été remporté par Alassane Ouattara. Cette décision, annoncée comme « contraignante pour toutes les parties ivoiriennes », est tombée, près de trois semaines après que le panel eut rencontré tour à tour, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara à Abidjan