Politique

Nationalité, foncier, éligibilité à la présidence: Des solutions tangibles apportées aux causes de la rébellion

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Selon Guillaume Soro, alors leader de cette rébellion, il s’agissait de faire front contre l’ivoirité, sous Henri Konan Bédié. (Photo : DR)
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Dès l’éclatement de la rébellion le 19 septembre 2002, ses principales figures ont invoqué plusieurs raisons les ayant poussés à prendre les armes. Ces raisons ont, pour l’essentiel, été énumérées dans l’accord de Linas-Marcoussis de janvier 2003, lequel avait appelé à y trouver des solutions. 20 ans après, des réponses durables ont-elles été apportées à ces causes de la rébellion ?

La question identitaire et son corollaire de la nationalité étaient avancés comme l’une des principales causes de l’insurrection armée du 19 septembre 2002. Selon Guillaume Soro, alors leader de cette rébellion, il s’agissait de faire front contre les tracasseries et autres exactions engendrées par la politique de l’ivoirité. Conçu sous Henri Konan Bédié et promu comme instrument de gouvernance sous Laurent Gbagbo, le concept d’ivoirité avait instauré une discrimination contre les étrangers et les ressortissants du Nord, taxés d’étrangers. Au sortir de la Table Ronde de Linas-Marcoussis, les participants avaient préconisé des solutions en vue de vider ce contentieux identitaire.

Le parcours sinueux des lois sur la nationalité 

Il avait été notamment préconisé que le gouvernement de réconciliation d’alors « dépose(ra), à titre exceptionnel, dans le délai de six mois, un projet de loi de naturalisation visant à régler de façon simple et accessible, des situations aujourd’hui bloquées et renvoyées au droit commun (notamment le cas des anciens bénéficiaires des articles 17 à 23 de la loi 61-415 abrogés par la loi 72-852, et des personnes résidant en Côte d’Ivoire avant le 7 août 1960 et n’ayant pas exercé leur droit d’option dans les délais prescrits), et à compléter le texte existant par l’intégration à l’article 12 nouveau des hommes étrangers mariés à des Ivoiriennes ». Cette recommandation s’est d’abord heurtée à l’hostilité des partisans de Gbagbo, quand il s’est agi de la traduire en acte en prenant les lois s’y rapportant. Finalement, une loi sera prise le 17 décembre 2004, portant dispositions spéciales en matière de naturalisation.

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Suite aux réserves de l’opposition au sujet de cette loi, la Décision n°2005 du 29 août 2005 relative au Code de la nationalité va être adoptée. « Sont concernées par la présente décision, les anciens bénéficiaires des articles 17 à 23 de la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant Code de la nationalité ivoirienne et n'ayant pas exercé leur droit d'option dans les délais prescrits ; les bénéficiaires de la loi n° 2004-663 du 17 décembre 2004 peuvent bénéficier des mêmes mesures exceptionnelles de naturalisation », dispose le texte.  

Il y est notamment mentionné que « l’homme étranger, épousant une Ivoirienne, acquiert la nationalité ivoirienne, s’il en fait solennellement l’objet au moment de la célébration du mariage. Cette acquisition de la nationalité ivoirienne devient définitive, s'il n'y a pas eu opposition du Gouvernement dans le délai de 6 mois après la célébration du mariage (art 12) • Si avant la période de dix ans suivant le mariage le couple ne divorce pas ». Mais le projet n’ira pas plus loin, bien que quelques bénéficiaires aient pu finalement déposer leurs dossiers, trois ans après le décret d’application.

16 000 demandes de nationalité accordées sur 123 000

Le dossier a été repris en main par le gouvernement qui a succédé au régime Gbagbo, suite à la présidentielle de 2010, qui a conduit à la guerre postélectorale. Une nouvelle loi est adoptée : la loi n°2013-653 du 13 septembre portant dispositions particulières en matière d’acquisition de la nationalité par déclaration. « Bénéficient des dispositions de la présente loi, les personnes entrant dans l’une des catégories ci-après :- les personnes nées en Côte d’Ivoire de parents étrangers et âgées de moins de vingt-et-un ans révolus à la date du 20 décembre 1961 ; -les personnes ayant leur résidence habituelle sans interruption en Côte d’Ivoire antérieurement au 7 août 1960 et leurs enfants nés en Côte d’Ivoire ;- les personnes nées en Côte d’Ivoire entre le 20 décembre 1961 et le 25 janvier 1973 de parents étrangers et leurs enfants », dispose notamment le texte.

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Moins d’un an plus tard, soit le 1er avril 2014, les premiers dossiers ont été déposés au ministère de la justice. Entre le 1er avril 2014 et le 24 janvier 2016 (date limite de dépôt des dossiers), ce sont au total 123 810 dossiers qui ont été enregistrés. À la date du 31 décembre 2019, ce sont en définitive, 15 983 dossiers qui ont reçu un avis favorable et se sont vu délivrer un certificat de nationalité ivoirienne. Soit 10 831 personnes correspondant à la 3e catégorie mentionnée dans le décret cité plus haut ; 2439 personnes de la 1ère catégorie et 194 personnes de la 2e catégorie. Ces statistiques fournies par la cellule d’exécution du projet « prévention apatridie » du ministère de la Justice et des Droits de l’homme, sont contenues dans le mémoire de Master Droit privé fondamental, présenté à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest d’Abidjan, en juillet 2020, sur le thème : « La loi n°2013-653 du 13 septembre portant dispositions particulières en matière d’acquisition de la nationalité par déclaration : incidence sur la résolution des cas d’apatridie en Côte d’Ivoire ».

Ce qui reste de l’équation identitaire

On le voit donc, pris sous cet angle, le contentieux de la nationalité est loin d’avoir été vidé, 20 ans après la rébellion. Certes, plusieurs personnes dont le problème identitaire a été posé suite à cette insurrection armée, ont vu leur situation être régularisée. Mais, à en juger par les statistiques, elles sont encore des milliers dont l’équation de la nationalité n’a pas été résolue. En effet, pendant longtemps, il a été répété que le nombre de personnes concernées par les recommandations de l’accord de Linas-Marcoussis sur la nationalité ou tout simplement menacées d’apatridie, était de l’ordre de 900 000. Or, seules 123 810 demandes ont été enregistrées à l’issue du délai imparti pour que les personnes concernées saisissent la perche qui leur a été tendue.

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Il y a donc plus de 700 000 personnes qui manquent à l’appel. De deux choses l’une : soit ce chiffre est surestimé, soit les concernés n’ont pas été suffisamment informés de cette opportunité de voir leur situation régularisée. Résultat : à l’arrivée, seulement 17% des personnes supposées être concernées, ont pu bénéficier de cette nationalité par déclaration. La question n’a été donc réglée qu’en partie.

Par ailleurs, sur le certificat de nationalité, il n’est plus mentionné l’instruction donnée au juge de mener une enquête, si les noms inscrits lui paraissent avoir une origine étrangère. Une mesure stigmatisante dont l’effacement est pour le moins judicieux.

La bombe foncière désamorcée ?

L’équation inflammable du foncier a été également partiellement résolue. En effet, les personnes ayant acquis la nationalité ivoirienne peuvent acquérir un terrain, conformément à l’article 12 de la Constitution de novembre 2016, qui stipule que « seuls l’État, les collectivités publiques et les personnes physiques ivoiriennes peuvent accéder à la propriété foncière rurale… ». Le même article ajoute : « Les droits acquis sont garantis ». Selon le président du Comité d’experts ayant rédigé cette Constitution, Ouraga Obou, cet alinéa « renvoie aux titres fonciers précédemment acquis par des non-nationaux ». Autrement dit, ceux-ci ont désormais un droit de propriété sur les terres acquises conformément à cette disposition de la loi fondamentale. Reste cependant, pendante, la question de la sécurisation des terres rurales dont 96% n’ont toujours pas de certificats fonciers.

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Et pourtant, une loi, n°2013-655, a été prise le 13 septembre 2013 pour prolonger de dix ans, le délai initialement imparti par la loi de 1998 pour permettre aux populations d’effectuer les démarches nécessaires en vue de l’immatriculation de leurs terres. À une année (2023), de l’expiation de ce nouveau délai, les choses n’ont vraiment pas changé de façon significative, s’agissant de la sécurisation du foncier rural par la délivrance de titres fonciers. Ce qui a fait dire au Président Alassane Ouattara, lors de la cérémonie de présentation de vœux de janvier 2018, que « le foncier reste une source de tensions et de conflits ». Il faut espérer qu’avec la création de l’Agence foncière rurale (AFOR) en 2016, l’équation du foncier sera définitivement résolue.

En ce qui concerne l’éligibilité à la présidence de la République, les dispositions litigieuses de la Constitution de 2000 (« Il (le candidat à la présidence, ndlr) doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine ; Il ne doit jamais s’être prévalu d’une autre nationalité ») ne sont plus qu’un lointain souvenir. La Constitution adoptée en 2016 fixe de nouvelles conditions d’éligibilité à la présidence de la République. « Le candidat à l’élection présidentielle doit jouir de ses droits civils et politiques et doit être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère ivoirien d’origine », dispose la loi fondamentale.

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