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Influenceurs, coachs, boucantiers : Mettre fin au printemps des faux modèles

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C’est l’affaire qui a cristallisé toutes les attentions de la blogosphère en côte d’Ivoire tout au long de la deuxième semaine du mois de novembre 2024. Le célèbre ‘‘influenceur’’ Stéphane Agbré, plus connu sous le pseudonyme Apoutchou National a été déféré devant le parquet du Pôle pénal économique et financier, puis mis sous mandat de dépôt au Pôle pénitentiaire d’Abidjan, ex MACA.

De fait, sorti fraichement de l’adolescence, cet adipeux dont on ignore une fonction officielle a posté une vidéo dans laquelle il a exposé un sac de voyage de grande marque, bourré de liasses de billets de banques dont la valeur avoisine la centaine de millions de Francs CFA. Incapable de justifier l’origine de ces fonds, cet addict qui vit et gagne sa vie sur réseaux sociaux a donc été mis sous mandat de dépôt. Au-delà de l’affaire Apoutchou National, il faut ouvrir le débat sur la culture des valeurs dans notre société à l’aune des réseaux sociaux. Pour emprunter un terme très prisé par un syndicat estudiantin fraichement dissout, l’on peut dire que l’heure est grave pour notre société. L’excellent, le repère, la référence et le modèle, ce ne sont plus ces élèves et étudiants qui sortent majors de leur promotion.

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Ce ne sont plus ces chercheurs qui font de grandes découvertes dans les laboratoires ou ces ingénieurs qui font de grandes inventions encore moins ces savants qui écrivent des livres d’anthologie et qui alignent conférences sur conférences pour partager leur savoir. Aujourd’hui les modèles de notre société hyper connectée, ce sont les influenceurs, les coachs sans aucun vécu et les boucantiers qui claquent des billets de banque sur des artistes au cours de soirées mondains. Ce sont aussi ces jeunes filles dont le plastique est un juteux fonds de commerce qui les fait voyager en business class ou encore ces hommes de Dieu illuminés qui exploitent la détresse ou l’ignorance de leurs semblables pour se réaliser. Le cas Apoutchou National est donc le reflet de la « corruption » à grande échelle de la jeunesse ivoirienne pour laquelle il faut une thérapie de choc. Il ne faut donc pas se voiler la face.

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Le développement à un rythme vertigineux du digital doit remettre au goût du jour les mécanismes de pérennisation des valeurs morales, sociales et sociétales pour ne pas déboucher sur une société d’anomie. Selon le sociologue français Emile Durkheim, l’anomie est la situation d'une société dans laquelle « il y a une déficience de règles sociales communément acceptées, de sorte que les individus ne savent plus comment orienter leurs conduite ». En d’autres termes, une société d’anomie est une société sans repère où chacun se lève, fait ce qu’il veut pour se réaliser ou avancer, au mépris des normes édictées par la société elle-même. Voici la situation dans laquelle nous vivons. Et malheureusement, la mauvaise exploitation du numérique et du digital a une grande part de responsabilité dans cette corruption de la jeunesse.

Le cas Apoutchou National est le reflet de la « corruption » à grande échelle de la jeunesse ivoirienne pour laquelle il faut une thérapie de choc.

C’est en cela qu’il faut mettre un terme au printemps des influenceurs et coachs autoproclamés qui pullulent sur les réseaux sociaux qui sont devenus des égéries pour beaucoup de jeunes. L’on a vu dans ce pays des jeunes, non héritiers, qui sont devenus milliardaires sans avoir jamais travaillé. C’est aussi dans ce pays que des jeunes filles et des jeunes gens mènent une vie ostentatoire sur les réseaux sociaux alors qu’on ne leur connait aucune activité professionnelle officielle ou une entreprise connue. Dans la société que l’on veut bâtir pour demain, un quidam ne doit plus s’autoproclamer coach ou influenceur.  Avant de devenir influenceur ou coach, il faut soi-même être d’abord un modèle. Ceci est une urgence sociale et nationale. Dans son article « Il faut faire le malin sauvagement », paru en 2023 dans la revue Terrain Muriel Champy, tire la sonnette d’alarme sur la déconstruction accélérée des valeurs sociales.

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Cette universitaire de l’Institut des mondes africains d’Aix-Marseille université, après une étude en Côte d’Ivoire sur le phénomène du ‘‘Coupé-décalé’’ et du ‘‘broutage’’ qui sont les points de départs de toutes ces dérives sur internet, soutient que l’imitation de tous ces travers risque de devenir une norme parce que nous sommes aujourd’hui dans un monde ou le réel et son reflet se confondent. Surtout avec la magie des réseaux sociaux. C’est en cela qu’il faut saluer cette réaction de la justice ivoirienne. Aujourd’hui, c’est Apoutchou National qui est dans la nasse, mais il faut aller au-delà et fouiner partout. Ceux qui s’autoproclament influenceurs ou coachs et qui roulent carrosse, qui voyagent en business class et qui fréquentent les endroits les plus sélects de la planète doivent désormais justifier l’origine de leur fortune avant de prétendre être des influenceurs ou des modèles pour les autres. En définitive, il ne faut pas donner raisons au philosophe et essayiste italien, Umberto Eco qui soutient que « Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui avant, ne parlaient qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui, ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel ». En Côte d’Ivoire, les réseaux sociaux ne doivent pas être révélateurs de médiocres, mais de talents et de valeurs. Il faut se le tenir pour dit.

Kra Bernard

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