Éditos

Henri Konan Bédié, enseignements d’une vie

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En Afrique et partout ailleurs, l’on a pour habitude de tisser des lauriers aux morts, surtout quand ils sont à des hauts postes de responsabilité et ceci, malgré les impairs qu’ils auraient commis de leur vivant.

Il est vrai que nul ne peut vivre sans nuire, mais le panégyrique fait à Henri Konan Bédié depuis le début de ses obsèques, en dit long sur les qualités intrinsèques de l’homme, indépendamment de tout ce qui a pu être dit sur sa gouvernance entre 1993 et 1999. Henri Konan Bédié, on peut le dire, a eu une vie épanouie. Certains analystes estiment qu’il est né avec une cuillère dorée dans la bouche. Mais HKB ne s’est pas contenté de vivre dans les jouissances de cette bonne étoile sous laquelle il est né. Sur les plans professionnel, politique et intellectuel, l’homme s’est construit et s’est bâti une réputation à nulle autre pareille. Parfois dans l’adversité. Aujourd’hui, l’homme n’est plus de ce monde. Le présent et l’avenir nous diront certainement le poids de l’héritage politique de celui qui aura marqué la marche de son pays pendant plus de six décennies.

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Ainsi donc, après son dernier tour au palais présidentiel, sa dernière session plénière à l’Assemblée nationale, son dernier bureau politique au siège du PDCI-RDA et son dernier voyage sur Daoukro, il serait fastidieux de dresser en quelques lignes, les enseignements de 63 ans de vie publique bien accomplie. Parmi toutes les enseignements que l’on peut retenir de l’homme, c’est son attachement à la paix. En 1999, quand il a été déposé par la junte militaire, l’homme n’a pas de difficulté à faire le choix de l’exil au Togo, puis en France, plutôt que de faire de la résistance. Au-delà de la paix, c’est la capacité de résilience de l’homme. Revenu d’exil en octobre 2001, il a porté à bout de bras sa formation politique jusqu’en 2010. Toujours sur cette capacité de résilience qui croise la posture d’homme de paix, l’on peut dire que Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara, chacun à sa manière, est une parfaite illustration de la philosophie pacifiste du père fondateur Félix Houphouët-Boigny. Alassane Ouattara et sa formation politique d’alors, le RDR, avaient opposé une farouche opposition au régime de Henri Konan Bédié. Ce dernier, à son tour, avait émis un mandat d’arrêt international à l’encontre du premier. Comme on peut donc le voir, les deux hommes sont allés jusqu’au bout de l’adversité politique. Mais cela ne les a pas empêchés de fumer le calumet de la paix et de tisser une alliance en 2005 qui a permis à la Côte d’Ivoire de revenir dans le concert des nations. En politique, les alliances se font et se défont certes, mais le RHDP a le mérite d’avoir été l’alliance politique la plus solide de tous les temps en Côte d’Ivoire. Et ceci est à mettre à l’actif du président Henri Konan Bédié et de son cadet Alassane Ouattara. De 2005 à 2010, cette paix retrouvée a été mise à rude épreuve, mais les deux hommes sont toujours parvenus à se mettre au-dessus de la mêlée.

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Au terme du premier tour de la présidentielle de 2010, Henri Konan Bédié, arrivé en troisième position devant l’ancien président Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, n’a pas sourcillé à appeler ses militants à porter leurs voix sur le candidat du RHDP. Quand éclate la crise post-électorale et que l’ancien régime établit un blocus sur l’hôtel du Golf, QG du candidat Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié, malgré ses 75 ans, a décidé de rejoindre son cadet dans ce blocus, malgré tout le risque que cela comportait. Il n’y pas plus grande preuve de solidité des liens et de sincérité que de choisir la voie du risque capital plutôt que d’aller vivre une dolce vita dans les endroits les plus paradisiaques de ce monde. D’ailleurs, l’actuel président du PDCI-RDA est revenu sur la question dans son discours de l’hommage national à la présidence de la République. En retour, en guise de reconnaissance, Alassane Ouattara n’a pas hésité à baptisé le premier grand ouvrage de son mandat du nom de son aîné. En 2018, en dépit des incompréhensions apparues dans la formation du parti unifié, le RHDP, Alassane Ouattara n’a jamais invectivé son aîné. De quelle manière que ce soit.  Bédié aussi, quand il s’est rendu compte en 2020 qu’il avait été embarqué dans une aventure de déstabilisation des institutions de la République dans le cadre du CNT, n’a pas hésité à prendre ses distances avec ceux qui voulaient renverser le régime d’Abidjan par les armes. Mieux, après le retour de l’ancien président Laurent Gbagbo, ceux qu’on appelait les « trois grands » de la politique ivoirienne, se sont retrouvés au palais présidentiel en juillet 2022. Aujourd’hui, parmi ces trois grands, l’aîné a tiré sa révérence. Il a reçu tous les hommages dignes de son rang. Il peut donc s’en aller en paix. Mais il laisse à la Côte d’Ivoire, des enseignements qui marqueront encore pendant longtemps le microcosme politique.

Bernard Kra

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