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L’échec face aux terroristes et les dérives paranoïaques au Faso

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L’information a fait l’effet d’une onde de choc dans les milieux politico-diplomatiques. Dans un entretien accordé à la chaîne nationale de télévision de son pays, le chef de la junte au pouvoir au Burkina Faso a fait des déclarations surprenantes, que même ses compatriotes établis depuis des lustres en Côte d’Ivoire, ont du mal à comprendre.

Le capitaine Ibrahim Traoré, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a évoqué des relations tumultueuses entre son pays et la Côte d’Ivoire, qu’il accuse ouvertement d’accueillir et d’entretenir des terroristes.  Dans cet entretien accordé le 26 avril à la RTB, le capitaine Ibrahim Traoré dit ceci : « Je pense qu’on commence à se comprendre. Du côté de la Côte d’Ivoire, il y a du développement à faire. Tous les déstabilisateurs du Burkina Faso sont là-bas, ils ne se cachent pas. Les officiers ivoiriens ont mal parlé du Burkina. À un moment donné, il faut arrêter l’hypocrisie ! Il faut dire la vérité : il y a un problème ! », a indiqué en vrac, le chef de la transition du Faso. Après cette sortie fracassante, sans aucun égard diplomatique, l’heure est aux interrogations. Quelles sont les réelles motivations de ces accusations et de ces propos discourtois du leader de la junte au pouvoir au Burkina Faso ? À l’analyse, le capitaine Ibrahim Traoré qui s’était donné trois mois pour chasser les terroristes de son pays, est pris dans le piège du populisme. Assez surprenant tout même pour un militaire de sa trempe ! En effet, quand il chassait un autre capitaine, le 30 septembre 2022, le capitaine Paul Henri Sandaogo Damiba, le capitaine Ibrahim Traoré s’est présenté à ses compatriotes comme le Zorro qui venait pour stopper la progression des terroristes dans le septentrion burkinabè avant de les neutraliser, à défaut de les bouter hors de son territoire. 19 mois après ses déclarations péremptoires, Ibrahim Traoré se rend compte de son échec. Face à cela, il faut trouver des boucs émissaires.

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Après la France, il faut donc trouver un autre bouc émissaire qui, cette fois-ci, n’est pas loin. Ibrahim Traoré décide d’accuser son voisin le plus important, la Côte d’Ivoire, d’être à la base de ses difficultés à mettre fin à l’invasion terroriste. Mais cette posture du chef de la junte au Burkina Faso s’apparente beaucoup plus à de la paranoïa. Selon les spécialistes des maladies psychosomatiques, « la paranoïa est un trouble mental caractérisé par une méfiance et une suspicion excessive à l'égard d'autrui, même lorsqu'il n'y a aucune raison de se méfier. Une personne atteinte de ce trouble a tendance à interpréter les actions ou les intentions des autres comme étant délibérément menaçantes, exigeantes ou malveillantes. La personne paranoïaque se met également facilement en colère et peut se montrer hostile envers autrui ». C’est donc en ces termes que l’on peut résumer la posture actuelle du capitaine Ibrahim Traoré. Mais au-delà même du caractère paranoïaque, certaines questions méritent d’être posées pour jauger un tout petit peu, la cohérence et la pertinence de cette sortie du chef de la junte burkinabè : Comment peut-on accuser la Côte d’Ivoire d’héberger et d’entretenir des terroristes, alors que ce pays déploie d’importants moyens financiers, matériels et militaires pour éviter que ces barbares s’y installent ? Comment peut-on accuser un pays de soutenir les terroristes qui endeuillent le Burkina Faso, alors que la Côte d’Ivoire accueille sur son sol et entretient plus de 55 000 réfugiés burkinabè qui fuient le terrorisme ? Comment peut-on proférer des accusations très graves et sans fondement à l’endroit d’un pays qui abrite sur son sol, près 5 millions de ressortissants burkinabè ? The last, but not the least.

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L’on sait tous qu’au Burkina Faso, les terroristes sont en train de se sanctuariser dans le Nord du pays et le Sud est relativement épargné des assauts djihadistes. Dans un tel contexte, comment accuser un pays comme la Côte d’Ivoire qui est au Sud d’être la base arrière des terroristes, alors que c’est dans le Nord que se font la plupart des attaques ? En un mot comme en mille, le capitaine Ibrahim Traoré est dans sa logique de victimisation et de recherche de boucs émissaires pour justifier son échec. À sa prise du pouvoir en septembre 2022, il s’était donné trois mois pour chasser les terroristes. Aujourd’hui, il est dans son 19e mois sans aucun résultat probant, malgré le soutien de la Russie et de sa milice Wagner. Le capitaine Ibrahim Traoré doit se rendre à l’évidence que le terrorisme est une guerre asymétrique qu’on ne peut gagner seul. La Côte d’Ivoire et le Burkina Faso sont deux peuples frères unis par l’histoire et la géographie, et donc, un bras de fer n’arrangerait aucune partie. Malheureusement, cela semble l’objectif visé par la junte au pouvoir avec cette sortie inopportune, particulièrement agressive vis-à-vis de la Côte d’Ivoire. Prions pour que le capitaine Ibrahim Traoré soit délivré de cette paranoïa de l’échec pour le bien de son peuple et la stabilité dans la sous-région.

 

Kra Bernard

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