Le président de la République Alassane Ouattara et ses prédécesseurs Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, se sont rencontrés le jeudi 14 juillet 2022. Cette rencontre qui a été qualifiée par certains médias internationaux de rencontre des « trois éléphants » de la politique ivoirienne, a tenu toutes ses promesses. Comme il fallait s’y attendre, le caractère symbolique a pris le dessus sur le contenu des échanges entre les trois hommes. Le jeu en valait la chandelle, dans la mesure où la dernière rencontre sous ce format des ‘‘trois grands’’, remonte à juin 2010. Ce qu’il convient de retenir au sortir de cette rencontre, c’est la mise sur pied d’une sorte de Cadre permanent de concertation au sommet de l’État dont l’annonce a été faite par le chef de l’État Alassane Ouattara lui-même. Ce cadre permettra aux trois personnalités encore vivantes qui ont occupé ou qui occupent la fonction la plus illustre dans le pays, de s’asseoir autour d’une même table et de plancher sur les questions qui engagent la vie de la Nation. Autre leçon à retenir, c’est que ce projet permettra in fine, de conjurer une sorte de malédiction qui poursuit inexorablement la Côte d’Ivoire. Il s’agit de la transmission pacifique du pouvoir d’un président sortant au nouvel élu. Une telle situation qui n’a jamais été possible en Côte d’Ivoire. Et pourtant, si ces trois hommes qui cristallisent le débat politique depuis 30 ans dans leur pays, se mettent ensemble et accordent leurs violons, le pays parviendra à conjurer ses mauvais démons. Quel est donc ce pays dans lequel il n’y a jamais eu de passation de charges entre un président entrant et son prédécesseur ? Houphouët Boigny, emporté par la mort, n’a pas eu l’occasion de passer les charges de la République à son dauphin Henri Konan Bédié. Lui, à son tour, emporté par un coup d’État, n’a pas eu l’occasion de passer le témoin à Robert Guéi. Le général qui s’était donné pour mission de balayer la maison Ivoire et de remettre la clé à celui que les ivoiriens auront désigné, a été chassé par la rue. Laurent Gbagbo, arrivé au pouvoir dans des « conditions calamiteuses », son expression, a dirigé pendant dix ans. Après une élection presque parfaite, le pays va basculer dans une crise post-électorale. Conséquence, Alassane Ouattara, le vainqueur de la présidentielle de 2010, s’est installé au palais sans avoir reçu les charges de la République de son prédécesseur.
Alassane Ouattara veut réaliser ce qui n’est jamais fait en Côte d’Ivoire, à savoir parvenir pour la première fois, à une passation de charges en Côte d’Ivoire et constituer un collège d’anciens présidents qui va encadrer le président en exercice.
En 62 années d’indépendance, il n’y a jamais eu de passation de pouvoir entre un président sortant et son successeur. Il n’y a jamais eu également de cohabitation pacifique entre un ancien président et son successeur. Après 62 années d’indépendance, le président Alassane Ouattara veut donc conjurer ce mauvais sort. Ce vœu ne date pas d’aujourd’hui. Il y a déjà deux ans, et c’était précisément le jeudi 5 mars 2020 devant le congrès réuni à Yamoussoukro, Alassane Ouattara avait décidé de prendre sa retraite, de transmettre le pouvoir à une nouvelle génération et surtout, pour la première fois dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, de créer les conditions d’une passation du pouvoir. « Par cet acte, je veux donner la possibilité à des Ivoiriens plus jeunes de poursuivre l’œuvre de modernisation de notre pays et de conduire la destinée de notre Nation, avec toute l’énergie nécessaire. Je veux aussi assurer les conditions d’une passation du pouvoir d’un Président démocratiquement élu à un autre, pour la première fois dans l’histoire de notre pays. Bien évidemment, je resterai disponible pour apporter ma contribution, par mes conseils et mes relations », avait indiqué Alassane Ouattara. Deux années après, le chef de l’État, en recevant ses prédécesseurs, envoie un signal fort à l’opinion. Il veut réaliser ce qui n’est jamais fait en Côte d’Ivoire, à savoir parvenir pour la première fois, à une passation de charges en Côte d’Ivoire et constituer un collège d’anciens présidents qui va encadrer le président en exercice. C’est pourquoi, après la lecture du communiqué final par le « benjamin » du collège des Elders, le chef de l’État a pris à nouveau, la parole pour réaffirmer ce vœu qu’il a formulé à Yamoussoukro. « J’entends dire que c’est une rencontre extraordinaire, mais j’aimerais dire que c’est une rencontre ordinaire et elle sera régulière. Chaque fois que mes prédécesseurs auront le temps, je leur ferai appel pour recueillir leurs avis et leurs recommandations. Ce sera une bonne chose pour la Nation d’entendre et d’écouter mes prédécesseurs sur leur connaissance du pays et leur expérience. Nous aurons donc l’occasion de nous revoir régulièrement ». Comme on peut le voir, c’est un nouveau jour qui est en train de se lever sur la Côte d’Ivoire. Tout comme Bill Clinton, Georges Bush, Barack Obama et Donal Trump se retrouvent régulièrement quand les intérêts de la grande Amérique sont en jeu, Alassane Ouattara veut en faire autant pour son pays. Idem pour notre voisin de l’Est où les anciens présidents, au-delà de leurs divergences politiques, se retrouvent très souvent, autour de l’actuel président Nanan Akuffo-Addo pour plancher sur les intérêts du Ghana. Ainsi donc, ce 7 août 2022, Alassane Ouattara veut rassembler ses prédécesseurs à Yamoussoukro pour chanter ensemble, le chant que nous avons de plus cher : l’Abidjanaise. C’est de cette Côte d’Ivoire que l’on veut !
Kra Bernard