
Selon cette étude, une telle mesure pourrait non seulement prévenir des millions de décès prématurés, mais aussi générer des milliards de dollars de recettes pour les gouvernements, notamment dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Une urgence sanitaire mondiale
Chaque année, la consommation de tabac, d'alcool et de boissons sucrées entraîne environ 10 millions de décès, faisant de ces produits un fléau sanitaire majeur. Le tabac à lui seul tue 8 millions de personnes par an. Ces produits sont également responsables de coûts économiques considérables, évalués à plus de 4 000 milliards de dollars.
Le rapport souligne que des politiques fiscales plus agressives, en particulier l'augmentation des droits d’accises sur ces produits, pourraient avoir un impact décisif sur la santé publique. Toutefois, l'adoption de telles politiques reste insuffisante. "Les gouvernements doivent agir rapidement pour mettre en œuvre des taxes sur ces produits nocifs", indique le rapport, citant une stagnation des progrès, notamment en matière de taxation du tabac depuis 2020.
Des exemples probants : les Philippines en tête
Les Philippines sont un exemple de réussite en matière de taxation du tabac. Depuis 2012, le gouvernement philippin a augmenté les droits d’accises sur le tabac à travers quatre réformes successives, multipliant par six les prix du tabac. Cela a permis une baisse significative de la consommation : chez les adultes, la prévalence du tabagisme est passée de 30 % en 2009 à 20 % en 2021. Chez les jeunes, le taux est passé de 18 % en 2007 à 10 % en 2019. Ces mesures ont également entraîné une augmentation des recettes fiscales, qui sont passées de 1 milliard de dollars en 2012 à 2,9 milliards en 2022.
Cependant, dans de nombreux pays, la situation est loin d'être aussi positive. Le rapport révèle que dans 115 pays, les prix des cigarettes sont restés inchangés ou sont devenus plus abordables. Ce constat montre à quel point les actions en matière de taxation du tabac ont régressé, au grand bénéfice des fabricants de tabac.
L'alcool et le sucre : des défis persistants
En ce qui concerne l'alcool, bien que responsable de 2,6 millions de décès prématurés en 2019, les droits d’accise restent largement sous-utilisés. Alors que la consommation d’alcool par adulte est en augmentation, les taxes sur l'alcool ne représentent que 17 % du prix, contre 42 % pour le tabac. Cette faible taxation contribue à rendre l'alcool plus abordable dans de nombreux pays, notamment ceux où les jeunes sont les plus vulnérables.
Les boissons sucrées, quant à elles, sont également pointées du doigt pour leur rôle dans la hausse de l'obésité mondiale et des maladies associées, comme le diabète et les maladies cardiovasculaires. Bien que 41 pays supplémentaires aient adopté des taxes sur les boissons sucrées depuis 2018, celles-ci restent très basses : en moyenne, elles ne représentent que 3,4 % du prix des boissons sucrées. Ce chiffre est loin des 20 % nécessaires pour induire un changement significatif de comportement.
Une solution simple et efficace
Le rapport met en évidence que les droits d'accise sont relativement simples à mettre en place et à augmenter. Les systèmes fiscaux existent déjà dans la plupart des pays pour collecter ces taxes, et les résultats positifs sont rapidement observables. Une hausse des prix de 20 % sur ces produits générerait 2,2 billions de dollars de recettes supplémentaires sur cinq ans, dont les deux tiers proviendraient des pays à revenu faible ou intermédiaire.
En augmentant les prix du tabac de 50 %, les gouvernements pourraient générer 1 000 milliards de dollars supplémentaires sur cinq ans et réduire la consommation de tabac de 25 %. Cela permettrait d’éviter 27,2 millions de décès liés au tabac. Dans l’ensemble, sur une période de 50 ans, une augmentation de 50 % des taxes sur le tabac, l'alcool et les boissons sucrées pourrait sauver 50 millions de vies.
La lutte contre les industries du tabac, de l’alcool et du sucre
Le rapport met également en garde contre l'opposition des industries du tabac, de l'alcool et des boissons sucrées. Ces secteurs déploient des stratégies visant à bloquer la mise en œuvre des politiques fiscales, notamment par des campagnes de désinformation et des actions en justice. Pour contrer ces interférences, les gouvernements sont appelés à renforcer leur législation et à adopter des politiques qui limitent l’influence de ces entreprises, particulièrement auprès des jeunes.
L’augmentation des taxes sur le tabac, l'alcool et les boissons sucrées représente un levier puissant pour améliorer la santé publique tout en renforçant les finances publiques. Pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, cette mesure est d'autant plus cruciale pour générer des recettes et alléger le fardeau des maladies non transmissibles. Il est temps pour les gouvernements de se saisir de cet outil fiscal sous-utilisé et de l’adopter comme une priorité sanitaire.
Olivier YEO avec Génération sans tabac