Chauffeur de taxi, Etienne Konan Kouassi peinait à joindre les deux bouts. C’est alors que lui vient l’idée de se lancer dans l’élevage de poulet de chair. Faute de ressources financières suffisantes, il décide de postuler pour obtenir un financement de l’Agence Emploi Jeunes, dans le cadre du Programme Agir pour les jeunes mis en œuvre par ce service public d’emploi. « Une fois, j’étais à bord du taxi que je roulais quand j’ai vu l’information sur une affiche d’une agence de la COOPEC. C’est ainsi que j’ai décidé de me rendre là-bas pour aller me renseigner », nous explique-t-il quand nous arrivons, le jeudi 16 mars 2023, sur le site de sa ferme à Cocody, dans le village d’Abatta. Vêtu d’un sous-corps blanc et d’un pantalon en tissu, il est en plein dans son train-train quotidien : donner à boire aux 700 poussins de son enclos tout en veillant à ausculter certains pour s’assurer de leur bon état de santé. A ses côtés, son épouse Solange Koné, tout aussi absorbée par la même tâche.
De chauffeur de taxi à éleveur de volaille
Etienne Konan et son épouse se sont retrouvés dans cette vaste cour située en bordure d’une rue du village d’Abatta à Cocody, après que leur première ferme construite à Abobo, puis une seconde, construite dans les environs du carrefour Nouveau goudron à Abatta, eurent été toutes deux détruites. Malgré ces deux coups durs, Etienne Konan ne cède pas à la tentation de jeter l’éponge. Voilà comment il se retrouve, en décembre 2022, dans cette vaste cour parsemée de cocotiers et recouverte de broussaille par endroits. En attendant qu’elle soit mise en valeur par son propriétaire, il obtient de celui-ci l’autorisation de construire de nouveaux enclos et relancer son activité. « Je loue l’espace à 50 000 FCFA par mois », nous souffle-t-il d’une voix recouverte par les cris stridents des poussins.
Mais pourquoi donc a-t-il opté pour l’élevage de volaille ? « C’est une activité qui me plaît et j’ai donc voulu me lancer là-dedans mais je n’avais pas assez d’argent », avance-t-il, justifiant ainsi pourquoi il a sollicité un financement public. « L’Agence Emploi Jeunes m’a donné un prêt de 700 000 FCFA. Avec cet argent, j’ai démarré avec 250 poussins et j’ai pu rembourser ce prêt. Ils m’ont félicité et m’ont accordé un autre prêt de 1 500 000 FCFA. Avec ça, j’ai acheté 700 poussins déjà et 800 autres, qui viendront le mardi prochain (22 mars 2023) », explique-t-il. Avant d’ajouter : « Avant de commencer, j’ai été formé en élevage par l’Agence Emploi Jeunes mais mes débuts ne furent pas faciles. Pour faire de l’élevage, il faut être courageux ».
Il se dit heureux d’avoir bénéficié de ce financement qui lui a permis de se lancer dans l’élevage de poulet de chair. « Depuis que j’ai commencé, je parviens à subvenir à mes besoins et à m’occuper de ma petite famille », se réjouit-il. « Grâce au financement reçu par mon mari, on se sent bien », renchérit sa compagne.
Camara Magnalé : «Nous sommes en train de réaliser notre rêve »
Il est 10h44 quand nous nous prenons congé du couple Konan et mettons le cap sur Abobo Belleville, un sous-quartier de la commune d’Abobo. Pour accéder à la cour familiale où est logée la ferme de Camara Magnalé, une bénéficiaire du Programme Agir pour les jeunes, il faut longer une ruelle serpentant à travers le quartier et recouverte, par endroits, d’eaux usées aux odeurs putrides. A notre arrivée, aux alentours de 11h40, le même jeudi, Camara Magnéli et son compagnon Bamba, sont eux aussi, occupés à travailler dans leur ferme, située dans un coin de la cour familiale. Et cela, en dépit de la chaleur suffocante et des bruits de mômes braillards.
En t-shirt et pantacourt sportif, elle explique qu’elle et son mari s’étaient lancés dans l’élevage de pondeuses en 2019. Mais l’expérience a fini par capoter, les poulets ayant été décimés par une maladie ayant occasionné la perte de plus de 800 poulets sur plus d’un millier. C’est alors qu’elle entend parler, grâce à leurs connaissances, de financement fait par l’Agence Emploi Jeunes. « Nous avons soumis notre dossier en 2021 et grâce à Dieu, il a été retenu et nous avons reçu 500 000 FCFA », raconte-t-elle. Et de renchérir : « Le financement reçu nous a permis de relancer notre activité de sorte que nous avons pu rembourser le prêt ».
Selon elle, le couple parvient à faire face à ses besoins grâce à cet élevage. A entendre son compagnon, la demande est si forte qu’ils ont encore besoin de financement pour étendre l’activité en exploitant un lopin de terre acquis non loin de la cour familiale. « Grâce au financement que nous a accordé l’Agence Emploi jeunes, nous sommes en train de réaliser notre rêve de devenir financièrement autonomes. J’invite donc d’autres jeunes à postuler pour ce financement, car c’est réel », conclut-elle, visiblement heureuse.
Irié Delphine : « Je finance la scolarité de mes enfants »
Quand nous quittons Camara Magnéli peu après 12h, c’est pour nous retrouver au marché du sous-quartier avocatier où dame Irié Lou Botty Delphine tient une mercerie. Son échoppe se situe à quelques encablures du marché. A notre passage, le magasin est visiblement achalandé : divers articles inondent les rayons. Venue nous accueillir pour nous accompagner à son magasin, dame Delphine doit immédiatement s’occuper des clients une fois parvenue à son échoppe. Certains sont venus acheter des articles, d’autres pour le faufilage. Dans un français approximatif, elle nous explique qu’elle était couturière mais peinait à s’en sortir. « Avant de bénéficier du financement, je faisais la couture mais c’était difficile », confie-t-elle.
C’est au sein de son association communautaire qu’elle apprend qu’elle peut solliciter un financement public. Elle introduit alors son dossier à l’agence régionale de l’Agence Emploi Jeunes d’Abobo et se voit octroyer un prêt de 500 000 FCFA l’année dernière. « Ça m’a permis d’acheter davantage de matériel. J’ai choisi la mercerie parce que j’étais déjà dans la couture », relate-t-elle. Pour l’heure, l’activité se déroule bien, selon elle. « J’ai pu rembourser le prêt avant le délai. Grâce à cette mercerie, je scolarise mes enfants et parviens à faire face à mes charges », assure Delphine.
Prisca Taé choisit la vente en ligne
Comme elle, Prisca Taé est désormais sa propre patronne ; elle qui s’est lancée dans la vente en ligne de vêtements et accessoires de mode. Nous l’avons rencontrée dans la matinée du vendredi 17 mars 2023, au domicile de son père au quartier Aboboté, dans les environs de l’église Saint Augustin. Dans le salon où elle nous reçoit, sont parqués ses marchandises mais aussi le ring light servant à réaliser son shooting photos. Des dizaines de pairs de chaussures de marque pour hommes côtoient des sacs de femmes. « Ça, ça coûte 48 000 FCFA », nous dit-elle en montrant l’une des paires de chaussures.
Elle dit s’être lancée dans ce business après avoir aidé sa mère à vendre depuis son adolescence. « J’ai démarré sur fonds propres avec 50 000 FCFA en 2020, mais ça ne donnait pas », relate Prisca. C’est alors qu’informée de l’existence du Programme Agir de l’Agence Emploi Jeunes, elle soumet son projet. « J’ai reçu un prêt de 500 000 FCFA courant 2022. Après avoir remboursé, la banque m’a accordé un autre prêt de 1 million FCFA en décembre dernier », fait-elle savoir.
Selon elle, ce financement public l’a aidée à booster son activité en lui permettant d’augmenter son approvisionnement et de mieux s’équiper pour vendre davantage sur le net et donc d’avoir plus de clients et par ricochet d’augmenter son chiffre d’affaires. « L’activité me permet d’être indépendante », confesse-t-elle, tout en déplorant le délai pour le remboursement jugé court. Toutefois, admet-elle, « le Programme Agir pour les jeunes est une réalité ».
De vendeuse d’œuf à commerçante
Une réalité que vit également Diarra Aïchatou, commerçante au marché de Dokoui. Elle aussi a bénéficié d’un financement de l’Agence Emploi Jeunes. Dans son magasin où nous la trouvons autour de midi, après avoir pris congé de Prisca Taé, elle est occupée à exposer ses marchandises. Située en bordure de route, son échoppe s’apparente à un souk, tant elle est achalandée : Aïchatou y vend des vêtements, des chaussures, de la vaisselle etc.
Une activité qui s’inscrit dans la droite ligne de ce qu’elle faisait déjà, mais à une moindre échelle. « Avant d’être financée, je vendais des plaquettes d’œufs. Ça marchait mais les choses n’avançaient pas, car il n’y avait personne pour m’aider », raconte-elle. Vient un jour où elle est informée de l’opportunité offerte par l’Agence Emploi Jeunes. « Je suis dans une association à Abobo BC. Comme je parlais régulièrement de mon intention de prendre un prêt à la banque, le chef de mon association m’a informée du financement que donne l’Agence Emploi jeunes. C’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser aux formations qu’ils donnaient. Et plus tard, j’ai été financée », poursuit Aïchatou.
Elle a en effet reçu un prêt de 300 000 FCFA en 2021. « Ça m’a aidée à augmenter mon chiffre d’affaires », confie-t-elle. « Je peux dire que je suis indépendante, car quand j’ai un problème d’argent, je ne me tourne vers personne. Ça a changé ma vie », se réjouit la commerçante, alors que nous sommes sur le point de la laisser à son train-train quotidien. Il est 12h22.
Assane Niada