Le secteur des transports est confronté depuis plus d’une décennie, à un problème organisationnel lié au foisonnement de syndicats. Les « gros bras », communément appelés « Gnambros », font la loi et ont pris le milieu en otage.
L’anarchie est devenue une règle dans le milieu du transport urbain du fait du désordre causé par les syndicats qui règnent en maître absolu. Un tour dans les gares routières ou autres lieux de stationnement créés sur les principaux axes reliant divers quartiers d’Abidjan, met en évidence, ce désordre qui prévaut dans le secteur du transport. Les « gros bras » se livrent au racket systématique des chauffeurs et même parfois des usagers. Des fois, ils érigent des barrages sur des passages, au nez et à la barbe des autorités.
Interpellé sur la question aux cours des assisses des Rencontres annuelles des mobilités (RAMES) qui se sont tenues les 21, 22 et 23 juillet 2022 à Abidjan, le Directeur général du Haut conseil du patronat des entreprises de transport routier, Diaby Ibrahim, a passé en revue, les difficultés liées à de ce phénomène. Il n’a pas manqué de dire que la multiplicité des organisations syndicales a un impact négatif sur le bon fonctionnement du secteur des transports.
« C’est toute une histoire. Le président Houphouët avait réussi à fédérer les organisations pour créer le syndicat national des transporteurs de marchandises et voyageurs de Côte d’Ivoire (SNTMVCI) qui est resté la plateforme unique des transporteurs jusqu’en 1990 à la faveur du multipartisme où ce projet a volé en éclats. Avant, le transport était organisé, il y avait un seul responsable sur la ligne d’un endroit à un autre. Pour la multiplicité des gares, il faut demander au ministère de l’Intérieur, puisque c’est lui qui délivre les récépissés. L’impact de la multiplicité des organisations syndicales pour le transport sur le terrain est négatif », a-t-il tranché.
Les raisons d’un profond malaise
En dépit des efforts consentis par le gouvernement pour assainir le milieu, les choses semblent ne pas avoir bougé. Cela a amené le ministre des transports a monté au créneau pour interpeller les acteurs du secteur. À l’occasion de la troisième édition du "Gouv ’Talk", du 02 février 2022, rendez-vous d’échanges en ligne, sur la page Facebook officielle du gouvernement, le ministre Amadou Koné s’était montré intransigeant sur la volonté du gouvernement à mettre de l’ordre dans le milieu du transport dans le but de sauver des vies, faciliter la circulation des populations, mais également contribuer davantage, au rayonnement et au développement de la Côte d’Ivoire.
Dans une ambiance quelque peu tendue, sur le terrain, c’est l’anarchie, la violence, la fixation de tarifs selon les humeurs, le stationnement non réglementaire, qu’imposent ces syndicats de transport aux usagers.
« C’est pour corriger cela qu’on a mis sur pied, le haut conseil. Nous sommes en train de repartir petit à petit vers ce regroupement des syndicats pour combattre le désordre sur le terrain. Nous nous sommes organisés pour avoir ce bloc qui est le haut conseil afin d’avoir un droit de regard sur un certain nombre de comportements sur nos différents espaces », a déploré Diaby Ibrahim. Qui d’ailleurs, a exhorté les usagers à faire preuve de patience en attendant de corriger les imperfections.
« Il faut qu’aujourd’hui, on arrive à contrôler un peu ce désordre. Entre Abobo et Adjamé, quand vous demandez, on dit que le transport est cher, mais un gbaka entre Abobo - Adjamé ou Yopougon – Adjamé ou Bingerville – Adjamé, aux heures de pointe, il peut avoir un ajustement de tarif, parce que tous les véhicules d’Abidjan sortent au même moment et vont dans la même direction. Donc, le conducteur qui devait faire 3 ou 4 rotations pour rentabiliser le carburant, est obligé de faire un seul voyage. Mais après, quand vous revenez quelques heures, vous verrez que les tarifs ont baissé à plus de 80%. Cela est dû au fait qu’Abidjan est pratiquement en chantier, il y a d’interminables bouchons, mais il faut prendre l’usager pour le déposer à sa destination », a-t-il indiqué.
Difficultés pour les transporteurs
Les propriétaires de véhicules paient également le lourd tribut du désordre occasionné par les syndicats dans le secteur des transports. Ces « djoulatchê », comme on les appelle communément, ne tirent pas pleinement bénéfice des retombées de leurs investissements. La situation est d’autant plus déplorable, parce que les syndicats se sucrent sur leur dos. Ils occupent des espaces improvisés pour aider les chauffeurs à charger leurs véhicules moyennant un quota qui leur est imposé.
« Les prix des véhicules ont pris de l’ascenseur depuis bientôt 10 ans. Les véhicules qu’on pouvait avoir à 5 millions de FCFA, sont aujourd’hui à 8 millions FCFA en 2e ou 3e main. Les neufs qu’on pouvait avoir à 11 millions FCFA, frôlent les 17 millions FCFA », a confié M. Diaby, en guise d’interpellation à ces syndicats qui croient avoir toute la liberté.
Venance Kokora