Elle a une voix langoureusement exquise qui a bercé plusieurs générations de mélomanes, un teint marron bronzé comme le sable fin du désert et des yeux dormants d’un charme séduisant qui font la synthèse de la beauté africaine à l’état pur. Elle fait partie des icônes de la musique africaine.
notre Aïcha Koné s’est subitement trouvé une âme de panafricaniste
Elle, c’est la diva Aïcha Koné. Elle tend allègrement vers un demi-siècle de présence sur la scène musicale. Malgré ce riche parcours auréolé de deux disques d’or, 26 albums et 47 distinctions, celle qui était jusque-là, une référence pour plusieurs générations d’artistes, risque de quitter la scène par une porte dérobée et peut-être même sous les huées de millions de mélomanes qui l’ont adulée hier. De fait, au soir de sa carrière, notre Aïcha Koné s’est subitement trouvé une âme de panafricaniste qu’il l’amène à soutenir des causes politiques aussi alambiquées et complexes que l’épreuve d’un aveugle devant un choix de couleurs.
Alors que l’Afrique est en passe de réussir son combat contre les coups d’État sous toutes leurs formes, notre diva, après avoir célébré en grande pompe, ses 45 ans de carrière, a décidé de sortir un single pour magnifier un obscur officier qui a fomenté un coup d’État dans un coup d’État dans son pays. Il est vrai que dans sa riche carrière musicale, ce n’est pas la première fois que l’artiste sort des titres pour soutenir des hommes politiques, mais sur ce coup-là, maman Aïcha s’est lourdement fourvoyée. Le timing et le contexte sont si mauvais, au point où l’on demande quelle mouche a bien pu piquer notre icône à la voix suave.
Pourquoi avoir combattu une rébellion en Côte d’Ivoire et soutenir un putsch au Mali ?
Oui, Aïcha Koné peut avoir ses accointances avec Assimi Goïta et au nom du sacro-saint principe de la liberté d’expression, elle peut dire ce qu’elle veut et avoir la position qui est la sienne sur un sujet quelconque. Mais chanter les louanges d’un sinistre individu qui a fomenté un coup d’État et qui a pris des compatriotes en otage, n’est pas loin d’une faillite morale.
après l’éclatement de la rébellion menée par Guillaume Soro en 2002 en Côte d’Ivoire, Aïcha Koné faisait partie des artistes qui ont déployé la gorge pour défendre la patrie
Nous avons tous en mémoire, qu’après l’éclatement de la rébellion menée par Guillaume Soro en 2002 en Côte d’Ivoire, Aïcha Koné faisait partie des artistes qui ont déployé la gorge pour défendre la patrie. Cela revient à dire que maman Aïcha est contre l’intrusion des armes dans le jeu politique. Alors, comme le célèbre pasteur des réseaux sociaux, Gédéon de la Tchétchouva, disons question : est-il logique d’avoir condamné une rébellion de toutes ses forces dans son pays et aller soutenir un coup d’État dans un pays voisin ? Seule maman Aïcha peut répondre à cette question. Ce qui choque encore le bon sens, c’est la situation actuelle des 46 soldats ivoiriens qui sont pris en otage par la junte malienne. Depuis l’éclatement de cette affaire, les relations entre la Côte d’Ivoire et le Mali n’ont jamais été aussi exécrables que ces deux derniers mois. Au regard de l’évolution de cette affaire, d’aucuns craignent même une escalade de la violence entre les peuples frères du Mali et de la Côte d’Ivoire qui sont unis par des liens historiques et sociologiques séculaires. Pourquoi c’est dans ce contexte particulièrement tendu, que maman Aïcha trouve l’occasion de chanter les louanges de celui qui a pris en otage, des ressortissants ivoiriens ? Comment peut-on qualifier un Ivoirien qui chante les louanges d’un chef d’État étranger qui a pris d’autres ivoiriens en otage ?
Si Aïcha Koné avait son fils parmi les 46 militaires otages au Mali, pouvait-elle sortir ce single à la gloire du preneur d’otages Assimi Goïta ?
Dans une vidéo postée sur le réseau social Meta, Maman Aïcha a tenté de se dédouaner en disant qu’elle a fait cette chanson tout simplement parce qu’elle a de « l’admiration pour Assimi Goïta qui est un panafricaniste et qui a osé ». Qu’à cela ne tienne. Sur la question des 46 soldats, maman Aïcha estime que sa chanson n’a aucun lien avec ses compatriotes qui sont enfermés par son idole. « Assimi Goïta se bat pour son autonomie et je pense que cela concerne tout bon Africain qui devrait comprendre quand même le sens du combat du Mali et d’Assimi Goïta. Dire que c’est un peu lui faire trop d’hommage, d’honneur par rapport à nos soldats, je ne vois pas le rapport », a soutenu encore notre diva. Sur la base de cette explication, beaucoup de questions méritent d’être posées : pourquoi c’est au soir de sa vie que maman Aïcha Koné s’est découvert une âme de panafricaniste au point d’apporter sa voix à un putschiste ? Au début de sa carrière et pendant plusieurs décennies, Aïcha Koné a été pouponnée et chouchoutée par Félix Houphouët-Boigny à qui elle doit beaucoup et dont elle connaît l’idéologie et la philosophie politique.
Pendant tout ce temps, Aïcha ne savait-elle pas que le panafricanisme existait ? On a vu des artistes comme Miriam Makeba qui ont pris des positions politiques claires dans leur pays. Si Aïcha Koné avait cette fibre panafricaniste comme elle veut le faire croire aujourd’hui, pourquoi ne s’était-elle pas engagée quand elle était au sommet de la gloire pour mieux apporter sa voix à cette lutte ? Si Aïcha Koné avait son fils parmi les 46 militaires otages au Mali, pouvait-elle sortir ce single à la gloire du preneur d’otages Assimi Goïta ? Est-ce que Maman Aïcha sait que son idole panafricaniste Assimi Goïta a refusé de faire soigner un ancien Premier ministre, en l’occurrence Soumeylou Boubeye Maiga et l’a laissé mourir, malgré les supplications de son épouse et de ses enfants ? Ce sont-là, autant de questions qui méritent d’être posées à notre maman. En un mot comme en mille, notre diva Aïcha Koné qui fait partie des plus grandes voix du continent africain, file actuellement du très mauvais coton avec ce single en soutien à Assimi Goïta. Et comme l’enseignent les sages, quand ton chant n’est pas plus beau que le silence, tais-toi. Sur ce coup-là, Maman Aïcha Koné doit donc faire profil bas et se taire.
