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Enquête/ Dans le secret du business des agences matrimoniales

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Plusieurs personnes adhèrent aux services des agences matrimoniales (Photo : dr)
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L’époque où l’on rencontrait son futur mari ou sa future épouse dans un restaurant ou lors d’un shopping dans les supermarchés est-elle révolue ? On note, en effet, depuis quelque temps, une tendance des Ivoiriens à vouloir trouver l’âme sœur en recourant aux agences matrimoniales. Enquête au cœur de ce business de l’amour.

J’ai fait le choix de passer par une agence pour qu’on me trouve quelqu’un de sérieux

Jeune cadre de banque, Christian (un nom d’emprunt), a recouru aux services de l’agence matrimoniale SOTI Rencontre, pour que, celle-ci le mette en relation avec une femme européenne, qu’il envisage d’épouser. Après d’âpres négociations menées par le fondateur de l’agence, il consent à nous en dire quelques mots par téléphone mais, sous anonymat : « J’ai effectivement sollicité l’agence matrimoniale, pour qu’elle me trouve une femme blanche. Et ils l’ont fait. Ça fait un peu plus d’un mois maintenant que nous échangeons régulièrement. Tout se passe bien pour le moment. J’ai fait le choix de passer par une agence pour qu’on me trouve quelqu’un de sérieux ». Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux les Ivoiriennes et Ivoiriens qui ont abandonné les rencontres au gré des circonstances de la vie quotidienne comme moyen de trouver l’âme sœur. A Sweet Rencontre, l’on estime à près de 2000 le nombre d’adhérents depuis le démarrage des activités, il y a quelques années. Fondée par Mme Cissé Salimata, cette agence n’existe cependant, de façon formelle, que depuis 2021. A SOTI Rencontre, créée en novembre 2022 par SOTI Fulgence, l’on dénombre à ce jour 50 adhérents. L’on observe le même regain d’intérêt à l’agence Trinité, fondée depuis 2013 par Mme Konan Hortense.

 

Pourquoi ils préfèrent les agences

 Nous avons les jeunes femmes de 18-24 ans et les femmes de plus de 40 ans.

De l’avis des responsables de ces agences matrimoniales, il y a autant de femmes que d’hommes qui y recourent pour espérer trouver l’amour (Photo A.N)

De l’avis des responsables de ces agences matrimoniales, il y a autant de femmes que d’hommes qui y recourent pour espérer trouver l’amour. « Autant les femmes sont à la recherche de l’homme parfait, autant les hommes sont à la recherche de la femme parfaite. Je dirai donc que c’est quasiment 50/50 », estime Mme Cissé Salimata de Sweet Rencontre. Et ces hommes et femmes, sont pratiquement de tous âges et issus de diverses couches sociales. « Les hommes sont généralement âgés de 30 à 55 ans ; les femmes, de 25 ans et plus », avance-t-on à l’agence Trinité. A SOTI Rencontre, l’âge des adhérents varie entre 18 et 45 ans révolus. « Nous avons les jeunes femmes de 18-24 ans et les femmes de plus de 40 ans. Les plus nombreuses sont celles qui ont plus de 40 ans. Quant aux hommes qui viennent vers nous, ils sont majoritairement de la tranche de 30-40 ans », indique-t-on à Sweet Rencontre.

Mais pourquoi donc ces Ivoiriennes et Ivoiriens choisissent-ils les agences matrimoniales pour trouver un mari ou une épouse ? Les motivations sont diverses. « Les hommes qui nous sollicitent sont fatigués de se mettre en couple avec des femmes qui ne sont là que pour leur argent ou leur statut social. Ils recherchent la femme avec laquelle ils peuvent fonder un foyer. Ils se disent que si une femme a pu faire le pas pour venir rechercher une âme sœur dans un cabinet où elle paie de l’argent, c’est qu’elle doit être sérieuse », croit savoir Mlle Gnapi Eugénie de l’agence Trinité. Pour Mme Cissé Salimata de Sweet Rencontre, le recours aux agences matrimoniales doit être compris comme étant la conséquence de l’échec des voies traditionnelles de drague. « Les gens nous sollicitent, parce qu’ils se sont rendu compte que les autres approches qu’ils ont expérimentées n’ont pas abouti ou se sont soldées par un échec. Peut-être aussi se disent-ils qu’un cabinet comme le mien jouit d’une certaine crédibilité compte tenu de ma fonction de juriste et peut-être aussi de ma religion. Le mélange des deux a dû les mettre en confiance », explique-t-elle.

Pour SOTI Fulgence de SOTI Rencontre, c’est la mauvaise image que renvoient les lieux traditionnels de drague qui explique que certains choisissent de s’en détourner : « Quand je mets dans leur tête, je dirai que certains sont complexés. Ils se disent que s’ils vont dans un bar ou dans un restaurant pour faire une rencontre, les gens pourraient penser qu’ils sont des personnes légères. Donc, ils préfèrent quelque chose de discret où on ne les voit pas. Par ailleurs, ils se disent sûrement qu’une agence matrimoniale est plus crédible et qu’il y a plus de chance de réussir à avoir une âme sœur ».

 

Elles cherchent des hommes friqués et des Top modèles

 Les hommes mettent l’accent sur la beauté physique

Les hommes et les femmes qui se tournent vers les agences matrimoniales leur soumettent généralement le portrait-robot de l’âme sœur (Photo : A. N)

Les hommes et les femmes qui se tournent vers les agences matrimoniales leur soumettent généralement le portrait-robot de l’âme sœur qu’ils ont dressé. Au dire des fondateurs de ces structures, hommes et femmes mettent en avant la beauté physique. La femme un peu plus, nuance la fondatrice de Sweet Rencontre. « Oui, les hommes mettent l’accent sur la beauté physique. Il y en a même qui ne cherchent même pas à découvrir la femme qui leur est proposée. Ils disent tout de suite : sa forme ne me plaît pas », nous a –t-on confié à l’agence Trinité. « La plupart des hommes recherchent des femmes avec des rondeurs, belles, qui travaillent, qui sont mâtures et peuvent tenir un foyer. Ils veulent retrouver tous les critères qu’ils recherchent en une seule personne, ce qui n’est pas évident », s’en amuse le fondateur de SOTI Rencontre. « Il y en a qui vous disent qu’ils veulent une femme qui a une forte poitrine, qui est très fine ou qui a des rondeurs. Il y en a qui veulent des femmes claires. D’autres les veulent plutôt de teint naturel », fait savoir, pour sa part, Mme Cissé Salimata de Sweet Rencontre. Qui renchérit : « A part le critère physique, les hommes recherchent une bonne épouse, c’est-à-dire celle qui ne va pas leur créer des histoires, qui sera toujours là même quand ils seront confrontés aux difficultés financières par exemple ». Toujours de l’avis des promoteurs de ces agences, les hommes aimeraient une femme qui travaille. « Oui, quelques hommes. Mais la plupart n’ont pas cette exigence. Ce sur quoi ils insistent, c’est qu’ils veulent une bonne femme. Mais les femmes par contre ! », nuance la fondatrice de Sweet Rencontre.

Plus que les hommes, les femmes mettent en avant le physique et le matériel. « Elles les veulent bon chic, bon genre. Il y en a même qui nous disent : il faut qu’il soit beau comme tel Top model, sans quoi je ne suis pas intéressée, même s’il a l’argent. Il faut qu’il ressemble à tel ou tel acteur », soutient-on à Sweet Rencontre. « Elles disent généralement qu’elles veulent qu’il soit financièrement stable, qu’il possède une voiture. La majorité des femmes veulent un homme qui a déjà une maison ou qui puisse payer leur maison, qui a une voiture. Il y en a même qui vous disent que leur premier critère, c’est qu’il possède une voiture parce qu’elles ne veulent pas marcher », renchérit la promotrice de cette agence. Selon elle, les femmes insistent généralement peu sur les valeurs morales de l’homme qu’elles recherchent. « Ce sont les hommes qui, généralement, mettent cela en avant. Les femmes, tout ce qui les intéresse, c’est d’avoir un homme qui peut leur acheter une voiture, une villa. En tout cas, pour la plupart », souligne Mme Cissé Salimata.

 

 Payer pour trouver un mari ou une épouse

 

Dans l’espoir de décrocher de tels princes charmants ou oiseaux rares, les femmes qui recourent aux agences matrimoniales doivent payer. Les hommes aussi du reste. A Sweet Rencontre et à l’agence Trinité, l’on s’est voulu peu loquace sur le coût de ces prestations, par « secret professionnel ». Tout au plus, nous a-t-on fait savoir à l’agence Trinité que les participants à des rencontres One by One doivent débourser chacun 50 000 FCFA. A Sweet Rencontre, on indique que tout cela a évidemment un coût. « Bien sûr ! Mais c’est au cas par cas. Nous avons plusieurs produits : nous en avons de 25 000 FCFA, de 50 000 FCFA, de 100 000 FCFA, de 150 000 FCFA. Et cela, peu importe le sexe », souligne sa fondatrice, Mme Cissé Salimata. « Ces différentes prestations donnent droit à différents privilèges », se contente-t-elle d’ajouter. A SOTI Rencontre, on est un peu plus transparent : « Nous avons plusieurs forfaits. Les avantages des forfaits, ce sont le nombre de profils qu’on peut vous proposer. Pour l’offre de 15 000 FCFA, dite Standard, l’adhérent a droit à un seul profil donc à une seule mise en contact. Pour le forfait de 25 000 FCFA, qui est l’offre VIP, il a droit à 2 profils. Il y a aussi l’offre Diamant, qui coûte 50 000 FCFA et qui donne droit à 5 profils. C’est l’offre préférée des hommes. Le dernier forfait, c’est l’offre Or, qui coûte 100 000 FCFA et donne droit à un profil européen c’est-à-dire une personne de race blanche ». Et son promoteur de poursuivre : « Pour les femmes, l’offre Standard revient à 10 000 FCFA (un profil) ; l’offre VIP, 15 000 FCFA (2 profils), l’offre Diamant coûte 25 000 FCFA pour 5 profils. C’est celle qu’elles préfèrent. Enfin, l’offre Or, qui fait 100 000 FCFA et leur donne droit à un profil européen ».

 

Comment s’assurer du sérieux du prétendant ?

 Les dossiers à fournir sont déjà une enquête en amont

Une fois le profil-robot de l’âme sœur dressée et que les postulants se sont acquittés des frais de dossier, comment s’assurer que l’adhérent est sérieux ? Comment vérifier l’authenticité des informations qu’il fournit ? Telle est l’autre inconnue de l’équation. Au dire des responsables des agences matrimoniales, rien n’est laissé au hasard. D’abord, il est demandé aux hommes et femmes en quête d’âmes sœurs de produire des documents, notamment une copie de la pièce d’identité civile ; de remplir un formulaire d’identification, une fiche d’engagement ou une attestation sur l’honneur. « Les dossiers à fournir sont déjà une enquête en amont. Si vous essayez d’usurper une identité, on peut vous retracer pour voir si vous existez vraiment. En effet, si vous dites que vous travaillez aux impôts, que vous nous fournissez un document et que quelqu’un d’autre, disant travailler lui aussi aux impôts nous fournit un document différent, on s’apercevra qu’il y a quelque chose qui cloche », explique-t-on à l’agence Trinité.

Sur la fiche d’identification, l’adhérent indique son nom, sa ville natale, sa situation matrimoniale, le nombre d’enfants, sa profession, sa religion, l’ethnie, le type d’habitation. « Pour éviter les malentendus, il faut mentionner les détails les plus intimes pour que l’adhérent qui lit le profil sache déjà à quoi s’attendre », précise-t-on à SOTI Rencontre. « Si M. X vient nous voir pour nous dire qu’il souhaite avoir une compagne, on lui remet une fiche dans laquelle il va décliner son identité, ses origines et nous préciser s’il y a des interdits dans son groupe ethnique », fait savoir la promotrice de Sweet Rencontre. Dont l’agence exige de l’adhérent qu’il l’autorise à vérifier la véracité des informations qu’il fournit.

En plus de la fiche d’identification qu’il remplit, l’adhérent est appelé à fournir un casier judiciaire à SOTI Rencontre. « Il doit nous fournir un casier judiciaire pour qu’on vérifie s’il n’a pas d’antécédent judiciaire. Tout est fait pour qu’on ne dise pas demain : vous nous avez mis en contact avec quelqu’un qui n’est pas de bonne moralité », justifie-t-on cette exigence.

Par ailleurs, on lui fait remplir soit une fiche d’engagement sur l’honneur, soit une attestation sur l’honneur. « On peut se servir de la fiche d’engagement pour faire un recours en cas de débordement », assure-t-on à l’agence Trinité. « L’adhérent y confirme être célibataire, libre de s’engager dans une nouvelle relation sans causer de préjudice à une tierce. Quand il signe ce document, ça le condamne demain au cas où il serait marié. Si sa femme ou son compagnon vient se plaindre, c’est ce document qu’on présente pour dire que son compagnon a confirmé être libre donc ce n’est pas de notre faute. C’est un document qui sert donc à décourager les personnes qui ne sont pas sérieuses », fait-on remarquer à SOTI Rencontre, où l’on exige également une photo portrait et une photo entière de celui ou celle qui postule. « La photo entière, c’est au cas où l’adhérent aurait un handicap physique qui mérite d’être porté à la connaissance de la personne qui pourrait être intéressée par son profil », renchérit-on. Autant de mesures parmi tant d’autres, qui visent à bien encadrer cette recherche de l’amour via les agences matrimoniales.

Assane Niada

 

 

 

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