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Reportage/ Centre civique de Bimbresso: Au cœur d’un système qui transforme les jeunes  

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Ici, les pensionnaires au cours d’un signalement d’un instructeur, se mettent en position pour exécuter un défilé. (Photo : EF)
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Le centre civique de Bimbresso est situé dans la commune de Songon. Il fait partie des cinq (5) centres de service civique opérationnels en Côte d’Ivoire. Au cœur d’un système qui transforme les jeunes qui y entrent.

Centre civique de Bimbresso. Il est 10h ce dimanche 02 avril 2023. C’est le dimanche des rameaux, pour les chrétiens. N’empêche qu’il y règne une effervescence singulière, non pas pour le caractère religieux du jour. Mais, plutôt une visite historique. Celle de la présidente de l’Assemblée nationale française, Yaël Braun-Pivet, accompagnée de son homologue ivoirien Adama Bictogo. Ils étaient annoncés et leur arrivée était sans équivoque. Tout le personnel est en branle. Les pensionnaires également. Ces derniers, vêtus de pantalon noir et chemise grise, sont remarquables dans le centre dont la propriété frappe aux yeux, à l’image d’un camp militaire. Inauguré le 07 décembre 2017, ce centre est bâti sur une superficie de 2,5 ha et comporte des bâtiments à usage de dortoir d’une capacité de 250 personnes, des salles de classes, une infirmerie, un foyer polyvalent, un réfectoire, des maisons d’astreinte pour le chef de centre et le personnel d’encadrement militaire. Les pensionnaires trouvés, ont été intégrés selon le dispositif de recrutement propre à l’ensemble des centres civiques du territoire national.

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Tout premier visiteur se croirait effectivement dans un camp militaire, à la vue des pensionnaires, tous, les têtes rasées, comme des nouveaux soldats dans l’armée, sont attroupés par endroits, loin des ballets des responsables du centre, du protocole des personnalités attendues et des responsables du département ministériel du service civique. Des exercices ponctués de défilés aux pas cadencés, accompagnés de chants aux allures d’un défilé militaire, sont effectués par les pensionnaires, sous le contrôle de deux instructeurs militaires dirigés par l’adjudant-chef Drandri. Ils sont identifiables par le port d’une tenue de sport composée de tee-shirt orange et jogging noir et une paire de basket. Au nombre des pensionnaires, des jeunes filles aussi. Elles ont pris leur quartier, distinct de celui des hommes.

Des jeunes accrocs à la drogue et à la cigarette transformés en modèle de vie

Des vies ont été entièrement métamorphosées, grâce à ce centre de service civique. Nombreux sont des pensionnaires après leur intégration au centre qui ont fini par abandonner des pratiques de vie déviationnistes, telles que la consommation de la drogue, de la cigarette, de l’alcool, des mauvaises fréquentations, etc. Leur quotidien a été transformé, et ce, grâce à un système de formation qui tranche avec les formations dispensées dans les établissements classiques d’enseignement général et technique. A Bimbresso, si les pensionnaires bénéficient d’une formation technique et professionnelle au choix de ces derniers, et  sanctionnée par une attestation de fin de formation  et un permis de conduire, il y a une dimension militaire. C’est ce volet militaire, assuré par des instructeurs militaires, qui constitue le véritable moteur de transformation de ceux qui y entrent. Les témoignages de ces derniers sont révélateurs à ce sujet.

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Brou N’doli Ben Abib habite la commune d’Anyama et exerçait des petits boulots dans son quartier. Il a intégré le centre civique de Bimbresso par l’entremise d’une tante. Cette dernière l’a informé que le gouvernement a lancé un programme pour les jeunes en difficulté au centre social d’Anyama. « J’ai déposé mes dossiers et on suivait des formations de resocialisation. Après cette formation, il y a eu un tirage pour le centre civique de Bimbresso et mon nom y figurait », témoigne Brou Ben Abib en mécanique auto.  Ce dernier, depuis son intégration dans ledit centre, reconnaît un changement notable dans son comportement. Un changement d’ailleurs apprécié par ses parents : « Le centre m’a appris beaucoup de choses. Le centre m’a appris l’union et le partage, parce qu’avant, j’étais beaucoup solitaire. Je fréquentais beaucoup les maquis et j’étais beaucoup bagarreur. Mais depuis mon admission dans ce centre, on m’a appris à vivre en communauté. Le centre m’a permis de m’éloigner de beaucoup de vices tels que la cigarette. Lorsque je retourne à la maison pendant les congés, les parents sont fiers de mon changement et je suis beaucoup serviable. Je suis bien dans ma peau grâce à ce centre », s’est-il réjoui.

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C’est le cas également pour A. George Cédric. Il s’est inscrit pour intégrer le centre en 2019  et c’est en 2023 qu’il a été retenu. « Je suis venu ici par ma propre volonté, parce que j’étais à la recherche de quelque chose de précis dans la vie. Je cherchais quelque chose de meilleur, une formation qualifiante qui allait me permettre d’avoir mon atelier ou être salarié dans une entreprise », fais savoir ce jeune qui se débrouillait en électricité, bien avant d’être retenu au service civique de Bouaké, où il a fait deux mois de formation avant de se retrouver à Bimbresso. Abonné à la consommation de la drogue et à la cigarette, ces habitudes sont désormais un lointain souvenir à l’en croire : « Aujourd’hui, je me sens en joie parce que j’ai la liberté du cœur. Après ma formation, je compte m’intégrer dans l’armée et travailler pour la communauté, parce que le centre civique m’a appris à défiler, à respecter un supérieur hiérarchique, à se comporter dans la société.  Je me sens désormais responsable. Avant, je suivais mes camarades dans la consommation de la cigarette, la drogue. Grâce au centre, j’ai abandonné la cigarette et la drogue ».

Des méthodes militaires pour une meilleure resocialisation

Quant à M’Gbesso Patrick Junior, titulaire du BEPC, il est admis dans le centre depuis cinq mois. En mécanique auto, son admission n’a pas été facile, soutient-il. Car, plus de 4000 postulants frappaient au même moment que lui, à la porte du centre civique de Bimbresso. « J’étais dans le business, mais ce n’étais pas fructueux. Je tenais à avoir une vie stable, un métier et être salarié afin de subvenir aux besoins de ma famille. Après l’obtention de mon BEPC, c’était le banditisme, mais grâce à ce centre, je me sens né de nouveau, libre responsable et réinséré dans la société », fait-il observer.

Les jeunes filles tiennent le coup  

Les filles sont logées presqu’à la même enseigne, du moins, pour ce qui est de l’instruction, que les garçons. Doumbia Fatima Elodie a fait l’option de la pâtisserie et de la boulangerie. Du centre civique de Bouaké, nous sommes venues à Bimbresso. C’est à 19 ans qu’elle a coupé les liens avec l’école, suite à une grossesse. Déscolarisée et voyant son avenir s’obscurcir, elle décide d’intégrer le centre civique de Bouaké. Depuis, elle avoue qu’elle a connu un grand changement très positif dans son caractère : « Avant, j’avais un gros cœur, mais maintenant, grâce au centre, j’ai appris à avoir la maîtrise de soi et j’ai reçu une bonne éducation », reconnaît-elle. Comme Doumbia Elodie, Cissé Korotoum s’est engagée dans la pâtisserie et la boulangerie. Très tôt, elle abandonne les bancs à 14 ans en classe de 5e. L’envie d’apprendre un métier est le mobil qui a guidé son choix à ne plus fréquenter les salles de classe.  « J’ai décidé de ne plus aller à l’école, parce que je voulais apprendre un métier. J’étais constamment en compagnie des garçons qui consommaient l’alcool, la drogue, la cigarette, mais je ne consommais pas. Grâce au centre civique de Bouaké, j’ai abandonné les mauvaises fréquentations de ces garçons. Mon père est désormais fier de moi, parce qu’avant, je refusais de faire les travaux ménagers de la maison et j’avais un gros cœur, mais grâce au centre, j’ai appris à être discipliné et solidaire ».

Ernst Famin

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