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Portrait/Korhogo: La célèbre dame qui parle avec les morts se révèle

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Veuve Coulibaly Mafinin dit prier sans cesse pour la paix en Côte d’Ivoire et pour le président de la République Alassane Ouattara. (Photo : O.Y)             
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Depuis 1998, dame Coulibaly Mafinin s’occupe de l’entretien des tombes au cimetière de Korhogo. Elle y est bien connue des populations pour sa capacité supposée à parler avec les morts. Elle passe ses journées à sillonner les allées du cimetière qu’elle connaît comme sa poche. Portrait.

Visage ridé, comme marqué par le poids des vicissitudes de la vie, dame Coulibaly Mafinin semble pourtant, ne jamais se lasser de prendre soin du cimetière de Korhogo et des morts, avec lesquels elle dit communiquer. Selon elle, tout est parti d’un songe dans lequel elle a reçu la révélation d’accomplir cette mission.

 

 Au commencement était un songe

« J’ai fait un songe où j’étais morte et on m’a enterrée. Je faisais face au mur. Les anges m’ont tirée avec un fil et m’ont montré mes actes de mon vivant comme si c’était dans un film. Je ne me suis jamais rendue chez un marabout pour envoûter mon mari, ni ma coépouse et ses enfants pour avoir ce pouvoir. Je n’ai jamais fait de mal à quelqu’un. À la fin du songe, j’avais une daba en main et j’étais en train de désherber un terrain. J’ai expliqué le songe à mon oncle, il m’a confié qu’à un moment donné de ma vie, ce que j’ai vu en songe, se réalisera. Et ce, tant que je ne fais pas de mal à autrui. Trois ans plus tard, j’ai commencé à travailler ici.

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La crise militaire de 2002 m’a trouvée ici », explique la veuve sous un soleil de plomb, le mercredi 06 juillet 2022, à l’entrée de l’ossuaire. Dame Mafinin semble tirer un enseignement de ses vingt-quatre années de présence à l’ossuaire. D’ailleurs, elle dit ne pas souffrir de maladie depuis qu’elle s’occupe du nettoyage du cimetière.

 

Comment distinguer des défunts bons des méchants ? 

Habituée à côtoyer le monde des morts, dame Mafinin a son signe pour savoir si le défunt fut quelqu’un de bien ou pas, de son vivant. Notamment s’il a été un homme ou une femme de bonnes mœurs.

«Pendant le désherbage du cimetière,  lorsque je passe devant les tombes, il y a un doux parfum d’encens qui provient de l’intérieur des sépulcres. Ce qui veut dire que ce défunt était bien de son vivant. Mais quand il y a une mauvaise odeur, c’est clair. Ce cadavre était un malfaiteur. Il y a la tombe d’une personne de bonnes mœurs ici, montre-t-elle. Les esprits me disent qu’elle posait de bonnes actions de son vivant. Je ne la connais pas. Mais elle était bien », révèle Mafinin, avant d’ajouter que, de passage au cimetière, des personnes de tous les rangs sociaux font des vœux et prennent des engagements sur une tombe ‘’blanche’’ qu’elle a pointée du doigt.

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Interrogée sur le phénomène des revenants qui se dédoublent et vivent une autre vie normale dans une autre contrée loin de là où ils ont vécu, elle reste perplexe sur cette supputation. « C’est possible que des morts se réincarnent pour vivre une seconde vie. Mais j’avoue que je n’ai pas encore eu une révélation de la part de Dieu. Il m’arrive pendant mes prières de demander à Dieu de continuer de me révéler les choses cachées. Mais pour arriver à cette étape, il faut que celui qui prie sois disposé. Si ton cœur est troublé, tu ne verras rien du monde des esprits. Mais il m’est arrivé des jours où quand je mets de l’ordre autour de la tombe d’un mort, j’entends une voix qui me dit distinctement : « Merci maman pour ton acte ». Des défunts, sans aucune distinction religieuse, me remercient la nuit, en songe, également », révèle Dame Coulibaly.

 

La réalisation des vœux 

Au dire de la nécromancienne, plusieurs personnes sont venues expérimenter sa science consistant à faire parler les morts, à intercéder auprès d’eux en faveur des vivants. « J’ai eu plusieurs témoignages. Le cas notamment d’un jeune qui éprouvait des difficultés pour se marier. Après son passage ici, les jours qui ont suivi, il s’est marié. D’autres devaient passer des concours. Ils sont venus prier sur la tombe ‘’blanche’’ et ont été admis à leur concours. Un instituteur de la Sous-préfecture de Karakoro prenait des engagements pour la réussite de ses élèves. Après leur succès, il venait me remettre de l’argent. Des commerçants, qui ont obtenu satisfaction après être passés par ici, n’hésitent pas à me faire des dons de moutons que je partage avec les enfants du quartier. Des exemples de ce genre sont légion », confie le médium.

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Mais que pensent donc ses enfants et sa famille sur sa vie dans les cimetières ? La sexagénaire dit être choquée, surtout par les railleries des camarades de ses enfants. Les sceptiques crieront au scandale, mais elle croit mordicus à son appel divin. « « Il y a des personnes qui viennent et pensent que je suis une sorcière, alors que je ne pratique pas la sorcellerie », soutient-elle avant d’ajouter. « J’ai expliqué ma mission aux enfants. Ils m’ont comprise. Je les défends de répondre aux provocations. Il y a eu des gens qui ont pensé aussi que je suis une nécessiteuse, raison pour laquelle j’exerce ce métier pour subvenir aux besoins de ma famille. Dieu seul est mon témoin. Je ne reçois aucun salaire. C’est une mission divine », souligne-t-elle amèrement.

Révélations troublantes

Se faufilant entre des milliers de sépultures dont certaines sont recouvertes de mottes de terre et d’autres de béton, la vieille dame a visiblement du cœur au ventre. Veuve Coulibaly Mafinin dit s’entretenir avec les morts. « Ils m’interdisent de communiquer au téléphone au cimetière. Car, ça interfère dans leurs échanges. Je laisse, par conséquent, mon téléphone à la maison avant d’aller travailler là-bas», révèle-t-elle. Elle dit les entendre et les voir. Ils lui dictent leur message. « Ils sont là. Ils sont autour de nous (parlant des morts). Pour moi, c’est comme si je suis en voyage, je considère ici comme un pays normal, comme tout autre pays. Ici est très animé. Ils vivent normalement comme les vivants vivent dans les villes », lâche la nécromancienne avec un brin de sourire. «Dites merci à Ouattara Lacina (dit Lass PR, député de Korhogo commune, Ndlr). Les morts ont aimé le mouton  qu’il m’a offert la veille de la fête de la tabaski », ajoute-t-elle.

Selon la vieille dame, des tombes sont nuitamment profanées. « La nuit, on voit des lumières provenant des lampes torches dans le cimetière. Au réveil, je découvre la profanation des sépultures. Ils emportent des parties des cadavres. Si ce n’est pas les pieds, ce sont les bras ou souvent les têtes ou bien d’autres parties », révèle Coulibaly Mafinin. « Nous sommes en Afrique et très souvent, des gens sont victimes des sorciers ou féticheurs, mais aucun défunt ne m’a encore désigné son meurtrier. Par contre, mon défunt mari s’attriste chaque fois qu’il me voit travailler durement au cimetière. Je me souviens avoir été victime de la méchanceté de ma rivale, quand elle vivait encore. J’avais pris la résolution de quitter la maison familiale pour aller à Abidjan chez mon aîné. Mon mari qui nous rend visite à la maison, m’est apparu en songe pour m’interdire d’effectuer ce voyage. Depuis lors, je suis à la maison familiale », nous relate-t-elle avec nostalgie.

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