À l’instar d’autres pays du monde, la Côte d’Ivoire a été durement éprouvée par la pandémie de la Covid-19. Malgré cela, le pays a su préserver une croissance positive avec +2% en 2020 et +6,5% attendus en 2021, prouvant la solidité des acquis d’une décennie. Cerise sur le gâteau, en ce laps de temps, des secteurs d’activités se sont développés grâce au digital.
La Côte- d’Ivoire est entrée dans la crise au moment où elle amorçait une croissance économique qui avoisinait 7% avant de se retrouver à près de 1,8% en 2020. L’apparition des premiers cas positifs de COVID-19 sur le territoire a suscité une panique générale. Une situation qui a amené le gouvernement à agir en urgence.
Des mesures de distanciation sociale à savoir la fermeture des restaurants, des écoles, des entreprises, des marchés, des lieux de culte, les restrictions en matière de transports publics et de travail, ont causé d’énormes préjudices au plan économique. Ainsi, la récession de l’économie ivoirienne a porté atteinte aux investissements et provoqué le chômage technique à certains niveaux.
Cependant, le gouvernement a mis en place un plan de riposte économique dont l’objectif est de maintenir l’outil de production, préserver les emplois, soulager la trésorerie et la bourse des entreprises et citoyens, et favoriser une relance rapide des activités. C’est dans ce cadre que des mesures parallèles telles le report du paiement des factures d’eau et d’électricité pour les populations affectées par la crise de la COVID-19, la suspension des contrôles fiscaux ou encore l’accélération du paiement de la dette intérieure, en particulier pour les PME et les TPE ont été adoptées.
Le plan de l’État a été de débloquer une enveloppe globale de 1700 milliards de FCFA. Cela, dans le but de venir en appui à plusieurs entités : les ménages, à travers le Fonds de solidarité d’une valeur de 170 milliards de FCFA, les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard, par le Fonds de Soutien aux Grandes Entreprises d’une valeur de 100 milliards, les acteurs de l’informel à l’aide du Fonds d’Appui au Secteur Informel d’une valeur de 100 milliards, ainsi qu’aux PME à travers le Fonds de Soutien aux PME d’une valeur de 150 milliards de F CFA. Les PME ivoiriennes représentant 98% du tissu économique national, ont été affectées par la crise, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de l’exportation, de l’industrie, du commerce, des BTP, du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration et du transport.
L’alternative digitale
Dans ce contexte de pandémie, l’alternative digitale va engendrer une mutation. Les entreprises ou particuliers qui ont su se digitaliser, ont tiré leur épingle du jeu et entamé un cycle de croissance. Grâce au web, les startups ont eu la possibilité de négocier de gros marchés, car, de nouveaux produits ou services innovants peuvent rapidement toucher une clientèle importante, donc générer une forte croissance.
« On est dans un pays qui est dynamique. On sort de la guerre, il y a à peine dix ans. On a eu la Covid-19 il y a un an, mais on n’a pas l’impression que la vie s’est arrêtée. Chaque jour, il y a une nouvelle initiative de jeunes qui créent. L’activité économique des jeunes est dynamique. On dirait que la Covid a boosté ou accéléré l’utilisation des nouvelles technologies. Donc, ceux qui sont impactés négativement, ce sont ceux qui sont dans des secteurs qui sont difficiles à innover. Ceux qui commençaient avec les nouvelles technologies, vu qu’il y avait la Covid, étaient obligés de créer un système pour suivre ce qu’ils faisaient. Ce sont autant de choses vers lesquelles il faut qu’on tende. Le tissu économique s’est boosté. Aujourd’hui, on peut être à la maison et commander un garba, cela n’a l’air de rien, mais, c’est une véritable révolution. Il faut qu’on voit cela comme une opportunité », a témoigné Richard Fossou, chef d’entreprise, co-fondateur d’un Système et Outils Géo-spatiaux de Reconnaissance Opérationnelle et d’Aide à la Décision. Une application qui fait la part belle à l’agriculture de précision, en utilisant des technologies innovantes telles que les drones civils équipés de différents capteurs pour livrer des informations précises et en temps réel sur de grandes surfaces agricoles. « Le tissu de la Côte- d’Ivoire est de 70% à 80% informel. Alors, ce monde informel travaille de plus en plus avec les nouvelles technologies. Comme un indicateur, on voit que les transferts entre les individus sont à la baisse. Les gens n’ont pas mal d’activités inscrites au registre du commerce. Ça pourra être un indicateur économique », a-t-il poursuivi.
Le développement croissant de la technologie a permis la hausse des achats (vêtements, nourriture, véhicule…) en ligne. Ce qui a développé les sites de commerce électronique ou e-commerce devenus plus populaires.
« J’ai développé ma ligne vestimentaire grâce aux réseaux sociaux. Elle se comporte bien sur le marché. Avec l’argent que je gagne, j’arrive à nourrir ma famille et surtout, à assurer les charges de la maison. Je peux dire qu’Internet m’a tout donné », a indiqué Jean Hilaire Aphanou, chef d’entreprise de vêtements.
Les secteurs impactés
Selon une étude réalisée par le Gouvernement ivoirien à travers l’Institut national de la statistique (INS), avec l’appui du Programme des Nations -Unies pour le développement (PNUD), 1 375 000 ménages supplémentaires sont passés sous le seuil de pauvreté, suite à la crise sanitaire de la Covid-19 en Côte d'Ivoire. Des secteurs d’activités tels que l’industrie minière, la poste, le tourisme qui se remettent petit à petit des secousses subies, n’ont pas encore repris leur envol. À l’ouverture officielle des assises du 27ème Congrès postal universel, le lundi 9 août 2021, le Premier ministre ivoirien, Patrick Achi, avait fait remarquer que la part de la poste aux lettres dans les revenus totaux des opérateurs postaux, est en baisse constante sous l’impact de la digitalisation des économies et des échanges. Elle passe de 45% en 2008 à 39% en 2018, au profit des colis et de la logistique qui ont progressé de 16% à plus de 27% sur la même période à cause de la Covid- 19.
Cette crise a impacté plusieurs secteurs clé de l’économie nationale. Ce fut un drame social à cause des pertes d’emplois enregistrées. Selon une étude du ministère de l’Emploi et des affaires sociales, la pandémie a occasionné la perte temporaire de 12 694 emplois entre mars et septembre 2020. Toujours selon les statistiques de ce ministère, 5 414 personnes ont été mises au chômage technique et 4 854 obligées d’arrêter leurs stages. En termes d’emplois formels, la Côte d’Ivoire a enregistré 22 962 emplois perdus toujours entre mars et septembre 2020.
La perte d’emplois pendant la période de la Covid a été le plus ressentie par les petites et moyennes entreprises (PME). Sur les 22 962 emplois perdus, 22 224 ont été enregistrés au sein des PME, ce qui représente 3,9% des emplois de ce sous-secteur de l’économie. Quant aux 738 autres emplois restants, ils proviennent des grandes entreprises soit 0,13%.
La fermeture des frontières décidée en son temps par le gouvernement a eu une incidence sur les emplois dans le secteur aéroportuaire, du tourisme et de l’hôtellerie. Même le secteur de la presse n’a pas échappé à la situation. Des journalistes et autres employés ont été remerciés.
Selon le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé du Budget et du Portefeuille de l’Etat, Moussa Sanogo, une perte de 500 milliards Fcfa de recettes fiscales est imputable à la covid-19. « Quand nous avons fait des simulations au niveau fiscal, c’est une perte de l’ordre de 500 milliards Fcfa que nous entrevoyons », avait déclaré Moussa Sanogo, devant les sénateurs, le 24 juillet dernier, à Yamoussoukro avant de faire l’aveu que le gouvernement avait espéré voir la pandémie de la Covid 19 prendre fin en juin. Dans leurs estimations, les experts prévoyaient une croissance qui devait baisser de moitié pour se situer à 3,6% mais pas au-delà. Dans leurs nouvelles estimations, alors que le risque d’une nouvelle vague n’est plus à écarter, les autorités ramènent la croissance à 0,8% contre, il faut le rappeler, 7,2% lors de l’élaboration de la loi de Finance 2020.
Cette enquête a été réalisée grâce à l’appui du Programme Dialogue Politique en Afrique de l’Ouest de la Fondation Konrad-Adenauer-Stiftung (PDWA/ KAS)
Venance KOKORA