
Ce billet est un droit de réponse à certains juristes dont un avocat qui, depuis le prononcé de l'ordonnance le 22 avril 2025, de Mme le président du tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau, ordonnant la radiation de Monsieur THIAM de la liste électorale dénoncent avec une certaine indignation une violation de forme notamment les règles de compétence dans la décision.
En effet, selon ces juristes, la juridiction présidentielle n'avait pas la compétence ratione materiae de prendre cette décision de radiation de Monsieur THIAM Cheick de la liste électorale.
Et pour cause, selon eux, le recours formé par les requérants a trait en réalité au contentieux de la nationalité, lequel, aux termes de l'article 77 de la loi 61-415 du 14 décembre 1961 portant code de la nationalité, relève de la compétence exclusive du Tribunal de Première Instance siégeant en formation collégiale.
De plus, selon eux, les requérants n'avaient pas qualité à demander la radiation de Monsieur THIAM de la liste électorale avec pour moyen qu'il n'avait pas la qualité de citoyens ivoirien au moment de son inscription sur ladite liste électorale litigieuse.
Mes observations (I) et la réponse de la juge par rapport à cette exception d'incompétence soulevée également par les avocats de Monsieur THIAM Cheick Tidjane.
I - Mes observations sur les moyens évoqués pour soutenir cette prétendue exception d'incompétence
Les arguments sus-évoqués par les contestateurs de la décision auraient été des moyens sérieux si en l'espèce, le recours contentieux porté devant la juridiction présidentielle portait sur la nationalité du défendeur notamment s'il s'agissait de demander au juge de se prononcer sur le fait que Monsieur Thiam est ivoirien ou ne l'est pas.
Or attendu que dans leur demande, les requérants sollicitaient uniquement la radiation de Monsieur THIAM de la liste électorale provisoire parce que, indûment inscrit, selon eux.
Autrement dit, nulle part dans leur recours les requérants demandaient à Mme le Président du Tribunal de déchoir l'intéressé de la nationalité ivoirienne ou de juger qu'il ne serait pas ivoirien.
Dès lors, leur recours aux fins de radiation était parfaitement recevable et que, le procureur de la république n'avait aucunement besoin d'agir en leur lieu et place comme le prétendent certains.
En effet, l’article 83 du code de la nationalité évoqué par ces juristes pour dénier le droit aux requérants d’intenter cette action dispose très souvent que :
<< Le procureur de la république a seul qualité pour intenter une action contre tout individu dont L'OBJET PRINCIPAL ET DIRECT EST D'ÉTABLIR si le défendeur a ou n'a pas la nationalité ivoirienne (...) l>>.
Il suit de cette disposition pertinente de la loi, que le procureur de la république n'avait pas à agir en lieu et place des requérants, dès lors que leur demande n'avait pas pour OBJET PRINCIPAL ET DIRECT D'ÉTABLIR que Monsieur THIAM a ou n'a pas la qualité de citoyen ivoirien.
Comme indiqué surpra, les requérants sollicitaient uniquement sa radiation de de la liste électorale provisoire pour s'être inscrit indûment.
Dès lors, l'argument qui consiste à dire que seul le procureur de la république conformément à l’article 83 du code de la nationalité devrait agir et non les requérants est totalement erroné et inopérant dans le cas d'espèce.
Ceux qui évoquent cet argument ont tout faux et ou alors il font tout simplement du FAKIRISME JURIDIQUE. Dans tous les cas, c'est une méconnaissance les règles gouvernant le contentieux de la liste électorale.
A toutes fins utiles, il convient d'observer dans la décision que ces mêmes arguments ont été soulevés par les avocats de Monsieur THIAM devant le Tribunal de céans dans leur exception d'incompétence.
En effet, sur la base des mêmes arguments sus-évoqués les avocats du défendeur ont demandé à Mme le Président du Tribunal de se déclaré incompétente.
II - La réponse de la juridiction présidentielle sur l'exception d'incompétence soulevée par les avocats de Monsieur THIAM
À la page 28 à la page 30 de son ordonné, en réponse à l'incompétence de sa juridiction, Mme le Président soulève plusieurs arguments qui fondent sa compétence à trancher ce litige.
Mme le Président du Tribunal souligne dans sa décision, qu'il ressort de l'économie des mémoires motivés des demandeurs qu'ils sollicitent, uniquement la radiation de Monsieur THIAM Cheick Tidjane de la liste électorale provisoire.
Et que même si pour justifier le bien-fondé de leur recours contre la décision rendue le 15 avril 2025 par la CEI, ils excipent de ce que Monsieur THIAM Cheick Tidjane jouissait plutôt de la nationalité française au moment de son inscription sur la liste électorale, un tel moyen, qui a pour unique but de faire radier le surnommé de la liste électorale provisoire, ne saurait donner au recours formé , la coloration d'un contentieux de la nationalité.
En réalité, dit Mme le Président, l'argument tiré de ce que Monsieur THIAM Cheick Tidjane n'etait pas ivoirien, n'est pas une demande, mais un simple moyen dont l'appréciation de la pertinence revient souverainement à la juridiction compétente, dans son office tendant à apprécier la régularité ou non de la présence du surnommé sur la liste électorale.
Il s'agit donc en réalité, selon Mme le Président, de constater si le défendeur était effectivement français au moment de son inscription sur la liste électorale.
Poursuivant, pour Mme le Président, sa juridiction n'a pas été saisi pour trancher la question de la nationalité, mais pour connaître du recours formé contre la décision rendue par la commission électorale indépendante.
Or en application des articles 12 du code électoral, les recours contre les décisions rendues par la CEI, comme c'est le cas en l'espèce, sont portées devant le président du tribunal.
Que ces dispositions suffisent à rejeter l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur THIAM Cheick Tidjane, par le canal de ses conseils, et à ce déclarer compétent.
Au regard de tout ce qui est, la juridiction présidentielle de céans était bel et bien compétente pour trancher la question de droit qui lui était posée, en sa qualité de juge électorale, à savoir :
Monsieur THIAM Cheick Tidjane était-il où non exclusivement français au moment de son inscription sur la liste électorale en décembre 2022 ???*
Au regard des éléments de preuves présentées devant elle par les requérants et devant l'évidence que Monsieur THIAM était exclusivement français par le constat de la perte de la nationalité ivoirienne en 1987 du fait de sa naturalisation française, le tribunal a donc ordonné sa radiation de la liste électorale.
Le sursaut du Samouraï a donc été vain, et comme j'ai coutume de dire, le droit ce n'est pas de la poésie romantique et ou de la littérature émotionnelle, c'est une science juridique qui a ses propres règles particulières et procédés de fonctionnement différents des autres disciplines. Malheureusement trop de personnes en Côte d’Ivoire se disant juristes interprètent et tentent de substituer les règles de droit à leurs émotions.
Maître Youssouf MEITE
Docteur en Droit Public Interne & Analyste politique
Avocat