
Depuis le mardi 22 avril, une décision du tribunal d’Abidjan a ordonné la radiation de Tidjane Thiam, président du Pdci, à l’issue du contentieux judiciaire.
Comment réagissez-vous à cette décision ?
Comme je l’entrevoyais à travers mes précédentes déclarations, l’issue pour M. Thiam était inéluctable. Et ce ne sont ni les théories vaseuses, ni les interprétations juridiques les plus ridicules les unes que les autres, qui ne sont étayées par une aucune jurisprudence qui auraient pu changer la donne et le sauver. L’entêtement juridique des avocats de M.Thiam et de M. Thiam lui-même ne pouvait les conduire nulle part. Cet entêtement trouve son origine dans la mauvaise foi de M.Thiam et de la surestimation de sa personne par lui-même. Ce manque d’humilité l’a conduit à sa perte.
M. Thiam ignorait les lois de son pays
En politique, tout comme dans plusieurs domaines, il faut de l’assurance. Ce que vous qualifiez de manque d’humilité n’est-il pas une confiance en soi de M Thiam ?
Pas du tout ! Venu en agneau, il s’est très vite métamorphosé en loup, au vu des nombreux militants du PDCI qui l’acclamaient et qui lui ont donné leur confiance. Si M. Thiam était habité par un minimum d’humilité, cela l’aurait conduit dès le départ à dire la vérité à ses partisans et même aux autorités de son pays, en leur faisant connaitre qu’il était Français. Certains auraient pu alors lui suggérer la démarche préalable de la perte de l’allégeance à l’Etat français. M.Thiam aurait ainsi disposé d’actes réguliers et avoir une inscription régulière. Mais, comme pour faire un pied de nez aux autorités et montrer une posture de défiance, il a brandi un certificat de nationalité qu’il s’est malicieusement fait établir depuis quelques années. La CEI fait état d’un certificat de nationalité établi le 8 juin 2020. Cependant, M. Thiam ignorait les lois de son pays, et les caciques de son parti, probablement habités par je ne sais quel diable, n’ont rien fait pour éclairer leur messie, leur homme providentiel. Le voilà ainsi rattrapé par les lois d’un pays qu’il ne connait pas et qu’il a subitement décidé de gouverner, après avoir passé près d’un quart de siècle à l’étranger mais surtout de s’être comporté, pendant ce quart de siècle, comme un Français, totalement étranger à la cause de son pays d’origine.
Pour vous le droit a été dit…
Bien évidemment ! Nous avons plusieurs fois interpellé les Ivoiriens, principalement la direction du Pdci, sur le cas de M Thiam. Hélas, ils ont ignoré nos interpellations. C’est une belle victoire du droit sur les apprentis juristes qui ont tenté d’introduire dans le débat juridique dans notre pays, des absurdités qui ne pourront prospérer que dans leurs esprits et leurs rêves. Revenons à la raison et au droit au lieu de vouloir entrainer tout le monde dans la déraison et l’imposture.
il s'agit d'un contentieux qui est ouvert à tout électeur
Depuis la décision de radiation de M Thiam de la liste électorale au Pdci, on parle de plus en plus du déni de la nationalité ivoirienne. Qu'en est-il exactement ?
Je n'ai pas encore eu la décision du tribunal d'Abidjan relativement au contentieux de la liste électorale. Cependant je puis vous affirmer que ces déclarations sont dénuées de tout fondement. Le contentieux de la liste électorale ne peut pas avoir pour objet de contester la nationalité d'un individu. Le contentieux a uniquement pour objet de vérifier la régularité de l'inscription des personnes sur la liste électorale. C'est la raison pour laquelle il s'agit d'un contentieux qui est ouvert à tout électeur. C'est ce qui explique les dispositions du code électoral, notamment l'article 12 qui dispose que « tout électeur a le droit de réclamer la radiation d'une personne décédée, de celle qui a perdu sa qualité d'électeur, de celle dont la radiation a été ordonnée par décision de l'autorité compétente ou d'une personne indûment inscrite ». Le contentieux de la liste électorale est précédé de la période de réclamations qui sont portées par tous les électeurs devant la CEI. La CEI qui est une autorité administrative indépendante ne peut se prononcer que sur des aspects dont elle a la compétence. Ainsi, lorsque vous vous inscrivez sur la liste électorale, vous produisez des documents. Si ces documents sont en apparence réguliers, cette régularité ne peut être mise en doute par la CEI. C'est ce qui explique les nombreux rejets des réclamations qui sont effectuées devant la CEI. C'est après la période de réclamation que s'ouvre le véritable contentieux de la liste électorale. Il s'agit ici d'un contentieux judiciaire. Ce contentieux judiciaire vise uniquement à savoir si la personne inscrite sur la liste électorale remplit bien les conditions de l'article 3 du code électoral à savoir « Être Ivoirien, être âgé de 18 ans accomplis, jouir de ses droits civils et politiques et ne pas se trouver dans aucun cas d'incapacité prévue par la loi ». Et l'article 4 du code électoral d'énumérer la liste « des individus frappés d'incapacité ou d'indignité ».
Est-ce qu’on ne touche pas à la nationalité dans ce cas ?
Non, pas du tout ! La question qui était posée devant le juge électoral n'avait pas pour objet de contester la nationalité de M Thiam. Comme je vous l'avais expliqué précédemment, M Thiam est Ivoirien. Il est Ivoirien de plein droit parce qu'au moment où son père se naturalisait le 6 novembre 1962, M Thiam était mineur de quelques mois car né le 29 juillet 1962 (article 45 du code de la nationalité). Il est également Ivoirien de par sa mère qui est née elle-même Ivoirienne. La nationalité de M Thiam n'est donc pas mise en cause. La question qui était posée au juge électoral par les plaignants était de savoir : « Quelle était la nationalité de M. Thiam au moment où il s'inscrivait sur la liste électorale ? » Si M Thiam était Ivoirien, son inscription était régulière. Si M Thiam était Français, son inscription était irrégulière. Il se trouve que M Thiam qui est né Ivoirien de par sa mère a perdu la nationalité ivoirienne, le 24 février 1987, en application de l'article 48 du code de la nationalité ivoirienne, en acquérant la nationalité française. Il ne s'agit donc nullement de la contestation d'une nationalité, mais plutôt de faire constater une nationalité.
les déclarations en cours ne sont que pures mensonges
D’aucuns invoquent la possession d’un certificat de nationalité ivoirienne…
La détention d'un certificat de nationalité n'empêche pas le juge d'apprécier la réalité de votre état. Ce n'est pas parce que vous détenez un certificat de nationalité que cela fait de vous de façon immuable un Ivoirien. Il s'agit d'une simple présomption qui tombe dès lors que la preuve contraire est apportée. Ici le décret de naturalisation français de M Thiam est la preuve qui contrarie le certificat de nationalité qui lui avait été délivré parce qu'un Français ne peut pas avoir de certificat de nationalité ivoirienne. Le constat qui a été fait est que M Thiam était Français au moment de son inscription sur la liste électorale. Toutes les jérémiades en cours ont pour seul but de créer l'émoi comme l’affirment dame Véronique Aka qui déclare qu’on aurait retiré la nationalité au petit-fils d'Houphouët-Boigny. Il en est de même pour M Brindoumi Soumaila qui déclare que l’article 48 n’a jamais été appliqué à nul autre personne en Côte d’Ivoire ce qui est totalement faux puisque vous avez abondamment relayé la jurisprudence Tioté qui date de 2011. Il n'en est absolument rien ! M Doumbia, dites à nos compatriotes que les déclarations en cours ne sont que pures mensonges pour attirer l'empathie et la sympathie sur le cas Tidjane Thiam et le Pdci. Je ne suis pas convaincu que M Thiam lui-même ait de l'empathie au regard des déclarations qu'il ne cesse de faire à l’encontre de son propre pays.
Entretien réalisé par
Yacouba Doumbia