
Le 3 mars 2025, Jeune Afrique interrogeait Me Mathias Chichportich, l'avocat français de Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) sur la délicate affaire de la nationalité de son client. L'article 48 du code de la nationalité ivoirienne stipule qu’un Ivoirien majeur qui
acquiert volontairement une nationalité étrangère perd automatiquement sa nationalité ivoirienne. Or, Tidjane Thiam a acquis la nationalité française en fevrier 1987, alors qu'il avait 25 ans. Pour Me Chichportich, cité par Jeune Afrique, « Cet article est inappliqué et inapplicable », sa mise en œuvre « aurait des conséquences désastreuses sur l’ensemble de la diaspora ivoirienne ».
« L’article 48 n’a jamais été appliqué à quiconque en 64 ans. L’appliquer à mon client serait donc contraire au principe d’égalité devant la loi et à la Constitution », insiste-t-il.
La DECISION N° CI-2011-EL-054/17-11/CC/SG qui confond l'avocat français
Me Chichportich a menti au regard d'une jurisprudence en la matière en Côte d'Ivoire. En effet, le 13 novembre 2011, le Conseil constitutionnel est saisi par M BAMBA Baba, qui contestait l’éligibilité de M TIOTE Souhaluo, candidat à l’élection de député dans la circonscription électorale n° 27 (Kongasso-Kounahiri). Selon M Bamba, le candidat TIOTE Souhaluo s’est « prévalu d’une autre nationalité en l’occurrence française, en se faisant appeler TIOTE Richard Souhaluo, violant ainsi l’article 71 du Code électoral » et d’autre part, M TIOTE « n’a pas résidé de façon continue en Côte d’Ivoire pendant les cinq (5) années précédant la date des élections contrairement à ce qu’impose le même article susmentionné». Le Conseil constitutionnel, présidé à l'époque des faits par feu Francis Wanga Wodié a jugé recevable la requête de Bamba Baba conformément aux dispositions de l’article 98 nouveau du Code électoral. Lequel reconnaît à tout électeur le droit de contester l'éligibilité d'un candidat dans un délai de soixante-douze (72) heures à compter de la date de publication de la liste provisoire des candidatures ».
Statuant sur le fond du dossier, le Conseil constitutionnel a constaté, après une instruction du dossier et suivant les déclarations du candidat lui-même qu'il s'appelle à la fois TIOTE Souhaluo et TIOTE Richard Souhaluo, « de nationalité française, et également possesseur de
la carte nationale d’identité française établie le 2 décembre 2007, enregistrée sous le numéro (071293100…. du 3/12/2007) et valable jusqu’au 2/12/2017).
Le candidat français éliminé
« Considérant que selon l’article 48 alinéa 1 de la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant Code de la nationalité ivoirienne : Perd la nationalité ivoirienne, l’ivoirien majeur qui acquiert volontairement une autre nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle
nationalité ; Considérant que les dispositions de l’article 48 alinéa 1 du Code de la nationalité ivoirienne ne permettent pas au sieur TIOTE Richard Souhaluo de conserver dorénavant la nationalité ivoirienne alors même qu’il reconnaît, bien après sa majorité (quarante ans révolus) à la date de sa naturalisation en l’an 2007, avoir acquis volontairement la nationalité française ; Considérant que c’est à tort que les autorités ivoiriennes ont délivré à l’intéressé ayant perdu désormais la nationalité ivoirienne par l’effet d’acquisition de la nationalité française, les cartes nationale d’identité ivoirienne et d’électeur, exclusivement réservées aux ivoiriens, conformément à l’article 3 du code électoral ;
Considérant que c’est également à mauvais droit que la Commission électorale indépendante a enregistré et validé sa candidature alors qu’il n’a pas la qualité d’électeur pour prétendre être candidat à l’élection de député en Côte d’Ivoire ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, que le candidat TIOTE Souhaluo est inéligible ; Article 1 : Article 2 : Article 3 : DECIDE :
La requête du sieur BAMBA Baba est recevable et fondée ; Le sieur TIOTE Souhaluo est inéligible à l’élection de député ;
La présente décision sera notifiée au sieur BAMBA Baba, à la Commission électorale indépendante et publiée au Journal officiel de Côte d’Ivoire. Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 novembre Messieurs Francis Vangah WODIE Président ; Hyacinthe SARASSORO Conseiller ; François GUEI Conseiller ; Emmanuel Kouadio TANO Conseiller ; Obou OURAGA Conseiller ; Mesdames Hortense Angora KOUASSI épouse SESS Conseiller ; Joséphine Suzanne TOURE épouse EBAH Conseiller », avait conclu le conseil constitutionnel.
Comme on peut le voir, l'article 48 a bel et bien été appliqué. Me Chichportich gagnerait donc à accélérer la procédure de la libération de la nationalité française par son client afin que s'enclenche la procédure ivoirienne. En sa qualité d'avocat, il aurait pu s'informer auprès du conseil constitutionnel ou consulter les archives de la Justice ivoirienne. Ça lui aurait évité de se retrouver dans le lot de Me Blessy Chrisostome ou encore Soumaila Brindoumi, porte-parole du Pdci, qui ne font que tromper les militants de leur parti depuis l'élection de Thiam comme président du vieux parti.